Mardi 6 décembre 2016 à l’UNESCO


Table ronde organisée conjointement par l’UNESCO et l’Alliance Internationale pour la Mémoire de l’Holocauste (IHRAInternational Holocaust Remembrance Alliance) avec le soutien de la Shoah Fundation – University of Southern California.
La table ronde réunissait sept experts internationaux, professeurs d’universités, responsables d’ONGs pour la paix et contre le racisme, et de responsables juifs.1

La séance été introduite par Mme Irina Bokova, Directrice générale de l’UNESCO et par S.E. M. Mihéna Constantinescu, Ambassadeur, Président de l’IHRA. Le discours d’ouverture a été prononcé par M. Robert Badinter, ancien Garde des Sceaux, Ancien Président du Conseil Constitutionnel (France).

Mme. Irina Bokova a indiqué immédiatement que l’antisémitisme était « au cœur de l’actualité », faisant allusion au terrorisme à visées antisémites contre des enfants, en France, et au climat général de critiques haineuses et systématiques contre Israël. Dès lors elle a réaffirmé la vocation de l’UNESCO à lutter contre le racisme, la xénophobie, par un travail éducatif sur tous les continents, le rôle fondamental de la culture, le dialogue et la tolérance. Elle a enfin réaffirmé que : « Cette lutte appelle à une action commune car l’antisémitisme n’est pas seulement le problème des communautés juives. Il nous concerne tous, quelles que soient nos origines ».

M. Mihéna Constantinescu a rappelé le rôle de l’IHRA. Fondée en 1998, l’Alliance regroupe 31 pays membres, 11 pays observateurs et 7 partenaires internationaux permanents. Elle coopère avec l’UNESCO et elle est ouverte aux ONGs. Le fondement est l’adhésion des membres sur les termes de la Déclaration du Forum International de Stockholm sur l’Holocauste de janvier 2000. L’objectif de l’Alliance est d’élaborer et de promouvoir des politiques relatives à l’enseignement, à la recherche et la commémoration de l’Holocauste au niveau national et international. Elle vise en particulier l’éducation des jeunes. L’assemblée plénière de l’IHRA en Roumanie, en mai 2016, vient d’adopter une Définition Concrète l’Antisémitisme. Selon Mme Irina Bokova, il s’agit : « d’une avancée considérable pour aider à mettre des mots précis sur le sujet et un socle de tout engagement contre toutes les formes d’antisémitisme ». Cette définition sera adoptée formellement par l’Organisation pour la Coopération et la Sécurité en Europe (OSCE) à sa prochaine assemblée de Hambourg.

M. Robert Badinter a fait une présentation plus historique. Il dénonce l’antisémitisme comme un mal « multiséculaire », depuis la prise de Jérusalem :

  • un antisémitisme religieux remontant à l’édit de Constantin en 315, et fondé sur la haine du peuple « déicide »,

  • un antisémitisme national, « l’étranger suspect » dans les nations, le complot international, l’affaire Dreyfus,

  • un antisémitisme « scientifique et racial », en référence à la race supérieure.

D’où 2 aspects historiques opposés : la révolution et la constituante de 1791 où les juifs de France sont citoyens français à part entière, et l’antisémitisme forcené nazi, avec le IIIème Reich et les lois de Nuremberg en 1933, avec la loi allemande de la protection de la race par la loi du sang.

Robert Badinter tire de ce rappel historique une question et une conclusion : comment un peuple, chrétien, civilisé, cultivé, scientifique, comptant de nombreux génies dans toutes les disciplines a-t-il pu basculer dans le racisme et l’antisémitisme le plus cruel et le plus inhumain ?

A l’évidence, la culture et l’enseignement ne sont pas suffisants pour éradiquer l’antisémitisme.

Actuellement il faut aussi prendre en compte le conflit israëlo-palestinien qui n’a jamais cessé depuis la création de l’État d’Israël. Aujourd’hui, l’antisémitisme s’alimente de tout ce climat, même si certains veulent faire une différence entre l’antisémitisme à caractère communautaire et religieux et l’antisionisme à caractère politique et conflictuel.

Le décor est planté : comment lutter contre l’antisémitisme, le racisme, la haine de certaines minorités ?

Les différents orateurs déclineront cette question sous différents aspects. L’éducation à la connaissance des faits, aux risques des haines qui conduisent aux catastrophes telles que la Shoah, l’éducation à l’empathie, l’éducation positive montrant l’apport des juifs à la science et à l’art… ne suffisent pas à conjurer les haines et les violences.

Dès lors, que faire d’autre ?

  • des programmes éducatifs pour les enfants mais aussi pour les enseignants et les parents.

  • sensibiliser les responsables des médias et les politiques, et étendre ces questions à toutes les formes de racisme.

  • combattre l’antisémitisme par les témoignages et l’actualité ; faire réfléchir les enfants lors des attentats : ex. attaque de la grande synagogue de Copenhague.


En conclusion, la recherche de la paix par les champs couverts par l’UNESCO, notamment grâce à l’éducation et la culture, montre ses limites, même si elle permet d’entretenir une prise de conscience pour le présent et le futur.

L’antisémitisme et la Shoah reste un thème permanent pour l’UNESCO.

Denis Chaigne/Dominique Glorieux


Lien vers l’IHRA
Déclaration de Stockholm du 28 janvier 2000

Compte rendu de l’UNESCO


1 Professeur Steven Katz, Conseiller auprès de l’IHRA, Professeur d’études juives et d’histoire de l’Holocauste, Université de Boston; Professeur Dinat Porat, Directrice du Centre Kantor pour l’étude de la communauté juive européenne, Université de Tel Aviv (Israël); M. Jean-Yves Camus, Chercheur associé à l’IRIS (France); Mme. Katharina von Schnurbein, Coordinatrice de l’Union Européenne chargée de la lutte contre l’antisémitisme; M. Dervis Hizarci, Président de l’Initiative Kreutzberg contre l’antisémitisme (KlgA) (Allemagne); Mme Cristina Finch, Directrice du Département de la tolérance et de la non-discrimination, OSCE ; Mme Mariane Lère, Chaire UNESCO pour l’enseignement des génocides, Shoah Foundation – University of Southern California.