« Valorisons les enseignant(e)s, améliorons leur statut »

5 octobre 2016

Sommaire

Organisée conjointement avec le BIT, la journée marquait le 50e anniversaire de l’adoption de la Recommandation de l’OIT/UNESCO concernant la condition du personnel enseignant » et avait pour thème « Valorisons les enseignant(e)s, améliorons leur statut professionnel ».  

En ouverture, le Directeur général adjoint pour l’Éducation de l’UNESCO, M. Qian Tang, a souligné la pénurie d’enseignants au niveau mondial. « Pour accomplir l’ODD4 (« Assurer l’accès de tous à une éducation de qualité et sur un pied d’égalité») d’ici à 2030, nous aurons besoin de 69 millions d’enseignants, dont 24,4 millions au niveau primaire et 44,4 millions au niveau secondaire. Il nous reste donc un long chemin à parcourir. Le problème de la pénurie d’enseignants requiert notre attention immédiate. Mais nous savons aussi que la quantité n’est pas synonyme de qualité. Nous avons besoin d’enseignants qualifiés et motivés, travaillant au sein de systèmes éducatifs correctement financés » a-t-il insisté.

Dans ce contexte, les représentants des pays du BRICS ont présenté l’évolution de la situation dans leurs pays. La motivation des enseignants des pays touchés par des situations de crises ou d’urgences humanitaires a elle aussi été débattue comme celle des enseignants selon les différents sous-secteurs du système éducatif.

Le point culminant de la journée a été la remise des prix aux deux lauréats du Prix UNESCO-Hamdan Bin Rashid AL-Maktoum récompensant des projets d’enseignement aux pratiques et aux résultats remarquables. Les lauréats de cette année étaient l’université de Malaya, en Malaisie pour son programme Éducation à la citoyenneté environnementale 2005-2015 et le Cambodge pour son programme « See beyond borders » de mentorat pour enseignants en zone rurale.

La journée s’est conclue par une table ronde de haut niveau réunissant en particulier la Ministre française de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Madame Najat Vallaud-Belkacem.

Une conclusion s’imposait à la fin de ces débats : il faut que les pays et la communauté internationale entrent dans « un cercle vertueux » qui passe par un accroissement des investissements et des aides financières à l’éducation, par la considération que l’enseignement est une vraie profession, la mise en place de formations initiales et tout au long de la carrière, des recrutements sur des critères stricts et élevés et des rémunérations adéquates.

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Table ronde 1 – Cinquante ans de développement des enseignants dans les pays du BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud)

3 milliards de personnes, 40% de la population mondiale

Brésil. Les plus grandes difficultés sont le manque d’enseignants, leur insuffisante qualification et les niveaux de salaire trop bas. La priorité actuelle est d’améliorer la qualification des enseignants. Pour cela 80% des enseignants devraient faire une formation de 4 ans. Le système éducatif est décentralisé mais avec une supervision au niveau national. Il existe des tensions et divergences entre les besoins de l’éducation nationale de créer un réservoir d’enseignants et le manque de volonté politique. Beaucoup de forces poussent vers le secteur privé et les formations « on-line » de qualité inférieures. Il y a une vision de la société selon laquelle l’enseignement n’est pas une profession d’où un manque de professionnalisme. Il faut changer cette vision. Au niveau de toute l’Amérique Latine la question de la professionnalisation des enseignants est critique. Pour rendre la profession plus attractive un salaire minimum a été instauré au Brésil.

Russie. On passe d’un système centralisé, autoritaire et rigide à un système ouvert. Travail avec la Chine pour établir une approche conjointe de sortie du système centralisé. En 2010 mise en place de « cercles vertueux » avec priorité à la formation des enseignants, en particulier la formation continue (des professeurs formateurs passent dans les classes). Il faut diffuser les meilleures pratiques, montrer l’exemple. Les salaires ont été fixés, province par province, pour être au-dessus du salaire médian de la province.

Inde. Très grand pays avec des politiques régionales différentes, il est difficile d’agir au niveau global en particulier sur la question de la qualification. « Nous avons négligé la formation des enseignants pendant 30 ans, la vision a changé mais le rattrapage est difficile ». Une loi sur la qualification dans le primaire vient d’être passée. Sur la question de l’inclusion, et des inégalités, l’Inde a beaucoup progressé sur les problèmes liés à la diversité sociale et les castes, mais les inégalités demeurent en particulier entre zones rurales et zones urbaines. Des programmes spécialement orientés vers les zones rurales sont mis en place. Un débat existe au niveau universitaire sur le souhait que les enseignants travaillent avec les enfants de toutes origines. L’Inde manque d’enseignants mais il n’y a pas assez de candidats. La formation est de deux ans mais son coût est un obstacle pour les candidats pauvres.

Chine. La principale difficulté : un pays très vaste avec de grandes diversités de population. Le système éducatif est centralisé mais l’attention se porte aujourd’hui sur les diversités. Les points prioritaires aujourd’hui sont d’améliorer la qualité de l’enseignement et de corriger les inégalités. Une réforme du système de certification des enseignants et la mise en place de normes et de standards a été lancée. Un soutien particulier vise les enseignants en milieu rural.

Afrique du Sud. Grand pays et grande diversité de population. Les défis pour les enseignants sont cette diversité de population et comment ne pas reproduire les défauts du passé. Il faut améliorer leurs compétences, il faut une formation holistique qui tienne compte du contexte social et d’une vision inclusive et de cohésion. Il y a un très grave problème de l’existence d’une école pour riches et d’une école pour pauvres. Il faut que les enseignants soient impliqués dans le dialogue social, dans des syndicats, dans des systèmes de consultation, mais le problème existe bel et bien.

Table ronde 2 – Motivation des enseignants dans les situations de crises ou d’urgences humanitaires (Grèce, Liberia, Haïti, UNRWA, UNHCR Tanzanie)

65 millions de personnes déplacées, il ne faut pas laisser ces personnes de côté.
Problèmes principaux : manque de financement, besoin d’un environnement stable, la diversité des langues, la situation des enfants déscolarisés.

Grèce. 50% d’enfants au seuil de la pauvreté, le taux de chômage atteint 23%, 30 000 enseignants ont dû prendre leur retraite, les enseignants recrutés aujourd’hui le sont pour 9 mois, lors de l’ouverture récente de recrutements de professeurs 100 000 demandes ont été reçues, « les enseignants sont les laissés pour compte du système ». Une formation spéciale a été mise en place pour l’enseignement auprès des réfugiés.

Libéria. Série de crises et d’instabilité politique, le système éducatif s’est effondré comme l’état moral des enseignants, les étudiants sont devenus professeurs, la qualité de l’enseignement n’était pas la priorité. A partir de 2005 mesures de restauration avec l’aide de USAID et de l’UNICEF. Des enseignants sont re-recrutés. Un enseignement sur les ondes de la radio est lancé avec succès. Dans les années suivantes reconstruction des écoles primaires, disponibilité des livres et paiement des enseignants, puis redémarrage du secondaire. 10 000 enseignants ont été remis en place grâce à l’aide de l’UNESCO et de l’UNICEF avec contrôle des qualifications. Pour la nouvelle équipe au Ministère de l’Éducation, la priorité est la qualité de l’enseignement. La participation public-privé lancée récemment fait débat et est refusée par l’Union Nationale des Enseignants.

Haïti. Du fait de l’ouragan, la représentante n’a pu venir. Une minute de silence a été respectée pour toutes les victimes.

UNRWA. Deux programmes de référence : « Education Reform and Strategy 2011-2015 » et « Learning in face of adversity -2014 » reflètent l’évolution de la situation dans laquelle se développe l’activité éducative de l’UNRWA. La réforme mise en place en 2012 vise au développement des enseignants et à l’autonomisation (empowerment) des écoles. L’objectif est, dans le cadre d’une stratégie et de programmes, de former les enseignants, de les professionnaliser et d’assurer leur qualification et leur motivation.

UNHCR Tanzanie. Mise en place en 2011 d’un plan systématique d’enseignement pour les réfugiés en reconnaissant le besoin de sécurité et d’un enseignement de qualité, HCR contribuant à une « boite à outils ».Il est critique que les réfugiés soient intégrés dans les pays d’accueil et que les enseignant ne soient pas marginalisés, « qu’on ne les oublie pas ». Il y a besoin d’une coopération entre le système d’éducation national et les enseignants dans le groupe des réfugiés.

Table ronde 3 – Motivation des enseignants selon les sous-secteurs du système éducatif : pré-primaire, enseignement technique et professionnel, alphabétisation et éducation non formelle, enseignement supérieur

Pré-primaire. France. Points négatifs : Il y a un problème d’attractivité du métier, de formation (initiale et continue) pour l’école maternelle spécialement, et d’un niveau de rémunération insuffisant. Points positifs : « nous sommes fonctionnaires et les parents sont très contents de l’école maternelle ». Possibilité de projets innovants en équipe.

Pré-primaire. Vu de l’OCDE. Besoin d’une formation initiale avec dosage de connaissances académiques et pédagogiques/pratiques. Requiert une formation spécifique. Besoin d’enseignants motivés pour aller dans les zones défavorisées avec rémunération plus élevées. En fin de carrière prévoir décharges horaires et intervention dans les IUFMs.

Technique et professionnel. Besoin de reconnaissance de la profession d’enseignant dans l’enseignement technique et d’une incitation financière. Fêter les succès. Porte ouverte pour l’écoute d’enseignant rencontrant des problèmes.

Alphabétisation et éducation non formelle. Problème de statut, de reconnaissance, de formation et de qualification. Il n’existe pas de formation continue ni de plan d’évolution professionnelle. Salaires insuffisants. Des facilitateurs et équipes d’enseignants mobiles existent et il faut accroître leurs nombre. L’UNESCO a mis en place un programme.

Enseignement supérieur. Grand problème de motivation des enseignants. Tension entre deux priorités : enseignement ou recherche. Difficultés spécialement pour l’enseignement : trop grand nombre d’étudiants dans les salles de cours, charge de travail considérable pour les nouveaux venus, leur enseignement n’est pas toujours de bonne qualité. Les enseignants se tournent vers la recherche et les publications. Rémunération insuffisante. Le seuil de satisfaction diminue.

Table ronde de haut niveau – Les 50 ans de la recommandation OIT/UNESCO de 1966 concernant la condition du personnel enseignant

Intervention de Madame Najat Vallaud-Belkacem sur la situation en France

La formation – « L’enseignement n’est pas une vocation mais un métier, il n’y a pas une crise des vocations mais une crise du métier. Le qualificatif de vocation empêche de se poser les bonnes questions sur la formation et les rémunérations. Un métier cela s’apprend ». Le point central est la formation. En 2012 création des Écoles Supérieures du Professorat et de l’Éducation (ESPE) au sein de l’Université délivrant une formation de niveau élevé (master) et en alternance avec des stages sur le terrain. A la suite des attentats, mise en place de modules de formation à la citoyenneté. Une réforme de l’éducation spécialisée a été lancée. Renforcement des liens éducation-recherche.

Valorisation et statut – « Les salaires doivent augmenter ». Une indemnité d’accompagnement des élèves du 1er degré a été mise en place en 2013. Depuis 2013, 200 millions d’euros supplémentaires ont été consacrés à l’éducation. En janvier 2017, plan d’annonce d’un nouveau parcours de carrière pour les enseignants avec 1 milliard d’euros programmé.

Résultats – Reconstitution du vivier d’enseignants. Par rapport à 2012 le nombre de candidats au concours de l’ESPE a augmenté de 60%, il y a plus de maîtres que de classes. 57 000 élèves sont en ESPE aujourd’hui.

En conclusion – Madame Najat Vallaud-Belkacem souligne de nouveau que l’enseignement est un véritable métier, que la formation initiale et continue est essentielle, comme l’est un niveau adéquat de rémunération.

DG – 9/10/2016