eduquer« Éduquer aujourd’hui et demain, une passion toujours renouvelée » tel a été le thème du congrès organisé par la Congrégation pour l’Éducation Catholique à Rome du 18 au 21 novembre 2015.

Invitée à intervenir, Christine Roche a parlé de son expérience dans l’enseignement et dans le monde associatif.

Je ne parlerai pas en tant qu’expert universitaire des sciences sociales et humaines, mais plutôt en tant que femme dont le parcours a fait des haltes dans des structures diverses de l’Église et de la société : établissements scolaires en zone sensible, associations internationales, et plus récemment l’UNESCO.

Mon engagement au Centre catholique international de coopération avec l’UNESCO, réseau d’ONG catholiques partenaires ou non de l’UNESCO, m’a donné à connaître les terrains labourés par les ONG, les fruits récoltés et les zones encore à défricher, à ensemencer, à cultiver.

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présentation de PREM DAN au Pape François par S. Monica Joseph supérieure Générale de la congrégation des Religieuses de Jésus-Marie         cliquer ici pour accéder au site des RJM

Les organisateurs de ce congrès, en observateurs avisés de la société civile, ont intégré à juste titre les associations dans la mosaïque des parties prenantes à la mission éducative à l’échelle mondiale. En effet les associations sont au cœur de la Société Civile pour l’UNESCO, pour l’Église elles font partie du peuple de Dieu.

Le Saint Siège et L’UNESCO partagent leurs inquiétudes pour les générations d’aujourd’hui et de demain et donnent la priorité à l’éducation.

Le professeur Verhack a rappelé hier les principaux documents qui ont jalonnés l’histoire de la Congrégation pour l’éducation catholique, dont « instrumentum laboris » qui décline les défis de l’école catholique pour « réveiller le monde » selon l’interpellation du pape François. 

L’UNESCO vient de publier un document « repenser l’Éducation, vers un bien commun mondial ? » qui s’appuie sur une relecture du rapport Delors (UNESCO 1996) pour tracer les grandes lignes de l’éducation dans le monde; ce rapport s’ouvrait sur les mots : « l’éducation est un cri d’amour pour les enfants.. » et demandait une égale attention aux quatre piliers de l’éducation :

  • Apprendre à connaître,

  • Apprendre à faire,

  • Apprendre à être,

  • Apprendre à vivre ensemble.

Les tendances actuelles de la société sont des menaces pour ces quatre piliers, en particulier pour les deux derniers.

Instrumentum laboris pointe les défis à relever  dont :

  • le défi de l’éducation intégrale,

  • le défi de l’apprentissage du numérique,

  • les défis spécifiques d’une société multi-religieuse et multi-culturelle

Ces défis, les éducateurs, les parents, les familles, les associations ont à y répondre :

  • Innombrables, les associations qui, prenant à bras le corps depuis plus d’un siècle de telles préoccupations, ont permis à des enfants de trouver un chemin pour aller à l’école.

  • Innombrables, les lieux de la planète où des écoles, des associations ont fait leur cette définition de l’éducation proposée par Marguerite Lena : « Éduquer, c’est coopérer à un désir d’être et de grandir qui ne prendra forme que du dedans, lentement, comme une surprise… ». Ou bien celle de Jacques Maritain : « le but de l’éducation est d’aider et de guider l’enfant vers son accomplissement humain »

Les associations offrent des possibles à cette éducation intégrale qui s’appuie sur un pilier supplémentaire : apprendre à se connaître, condition pour aller à la rencontre de l’autre.

Mme Christine Roche Présidente du CCIC

Mme Christine Roche Présidente du CCIC

Les associations partagent leur savoir faire avec les groupes spécifiques qu‘elles accompagnent, je pense à cette cantatrice qui par le chant a rendu leur dignité et leur joie de vivre à des milliers d’enfants boliviens vivant dans les tunnels de la mort près des mines, puis leur a permis d’aller à l’école, et aussi à ces associations internationales qui se consacrent au respect de la dignité des femmes et de leur accès à l’éducation, à telles autres qui se consacrent aux enfants sans domicile autre que la rue, aux personnes en situation de handicap.

Certaines manières d’être (de savoir être) ont été transmises à l’école par des associations : je pense au développement de la notion de respect de la planète, combien d’équipes de bénévoles se sont constituées pour nettoyer les plages bien avant qu’on ne parle de la COP21 !

Une association naît d’un besoin urgent, d’une situation dramatique où des personnes sont en danger (malnutrition, manque d’eau, grande pauvreté, aide scolaire, accompagnement des familles en danger, prise en compte des situations de handicap etc…, ) elle permettra souvent d’établir ou de rétablir la connexion vers l’école.

Les associations ont aussi à évoluer comme les populations dont elles partagent la vie.

Je pense aux mouvements de jeunes sur les différents continents qui apprennent aux enfants à prier ensemble mais chacun dans sa religion, là où autrefois on faisait le catéchisme.

L’esprit de fraternité caractérise les équipes sur le terrain, le don de soi est primordial pour la survie d’une association (défi des moyens et des ressources) je pense aux multiples centres de santé à très petits moyens où se pratiquent l’accueil et l’écoute ; je pense aux associations qui militent pour le respect des Droits de l’Homme.

Une association peut être aussi le lieu de la transmission intergénérationnelle de savoir faire et de savoir être, du « prendre soin de l’autre » : je pense aux mouvements scouts, écoles du service, de la fraternité et de la responsabilité, aux associations sportives sans ambition de compétitions au niveau professionnel.

Dans les contextes si divers de la vie associative, les jeunes trouvent des propositions d’engagement et une approche de la connaissance et de la responsabilité de leurs actes complémentaires à celles du contexte scolaire.

Monseigneur Parolin conclut son intervention à l’UNESCO à Paris le 3juin dernier, en soulignant la nécessité de valoriser l’apport de chacun et de proposer un rapprochement humble et patient entre les individus, les communautés. Pour sa part le pape François appelle à proposer les conditions nécessaires à l’épanouissement d’un « esprit de fraternité entre les personnes » qui reconnaît effectivement à chacun, à chacune, sa dignité, sa spécificité, ses talents, ses particularités, et donc sa participation pleine et entière aux destinées de sa communauté de vie.

Je crois que c’est une réalité dans le monde associatif. 

Les associations n’ont pas les mêmes contraintes administratives et contractuelles avec les responsables politiques que les établissements scolaires, cependant elles sont de réels partenaires de la vie publique de la société où elles agissent.

Pour preuve il y a 15 jours, durant la 38éme conférence générale, l’UNESCO a voté le « Cadre d’action Éducation 2030 » et en coordonnera l’agenda de mise en œuvre. Il y est stipulé que les mécanismes de gouvernance, de suivi, de coordination s’appuieront sur les organisations de la société civile et les structures existantes. Le CCIC a rappelé à cette occasion que les familles célébrées en 1994 par l’ONU comme « le cœur de nos sociétés » doivent être considérées comme des partenaires à part entière.

Dans son livre « les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur » Edgar Morin propose un enseignement premier et universel portant sur la condition humaine ; connaître l’humain c’est le situer dans l’univers :qui sommes-nous ? Où sommes-nous? D’où venons-nous ? Où allons-nous ?

Il me semble que le réseau associatif, au plus près des populations, est en capacité d’interroger notre situation dans le monde. Les organismes de l’Enseignement catholique, les établissements d’éducation se doivent de les considérer comme des partenaires à part entière, compétents en humanité. Éclairés par la joie de l’Évangile, les chrétiens engagés pour servir au sein d’associations ont une mission de présence, d’action, de savoir faire et de parole. C’est une pastorale de l’espérance par le témoignage dans l’humilité et la générosité.

Je vous remercie.