Renforcement de la résilience face aux changements globaux
mobiliser les savoirs locaux et autochtones


«En amont de la Conférence des Nations Unies sur le Changement Climatique (COP-23), le programme des Systèmes de Savoirs Locaux et Autochtones de l’UNESCO (LINKS) …(invite) les principaux partenaires et institutions à partager leurs propres réussites et enseignements relatifs à la mobilisation des savoirs locaux et autochtones pour l’évaluation et l’adaptation aux changements climatiques… (au travers) d’un «  dialogue entre les interfaces de connaissances transdisciplinaires et multipartites et les systèmes d’observation des changements climatiques dans les régions vulnérables au climat »
Une Conférence tenue du 18 au 20 octobre avec comme objectif d’aider à «  l’élaboration d’une stratégie globale visant à transcrire la reconnaissance internationale des savoirs autochtones en résultats tangibles pour les peuples autochtones et les communautés locales.»
(source UNESCO)


La première journée ouverte au public a donné lieu à une série d’interventions révélatrices d’une réalité vécue par des populations proches de la nature et pleinement concernées par les effets des changements climatiques.


Les variations climatiques ont des impacts forts sur les conditions de vie et les coutumes de certaines populations particulièrement exposées : illustrations

1- Le comportement pastoral des Afars.
Mohammed N.Mohamed Afar pastoralist (Ethiopie) et Mulubrhan Gebremikael UNPE-IEMP Chinese Academy of Sciences, Pékin.
Les prévisions météorologiques ne reposent pas sur le produit d’études scientifiques mais sur la simple observation des « éléments » naturels. Ainsi les plantes sont utilisées pour déceler les évolutions du temps. Dans le même esprit, on observe le comportement des fourmis, ou l’apparition d’écume à la bouche des chameaux, ou on écoute le chant de certains oiseaux, autant de phénomènes, liés au soleil et à la lune, que les autochtones savent interpréter pour orienter leurs prévisions.
A la question : Qu’en est-il de la partie affective et non technique de la connaissance ? Il est répondu que les Afars s’attachent à leur action. Ce qu’il ne savent ou ne comprennent pas relève du Coran. Les Afars s’adaptent très vite aux variations du temps. Ce sont des « éclaireurs ».

© Yann Chemineau

2- l’attitude des bergers de rennes et les variations climatiques en Laponie suédoise.
Marie Roué, CNRS/Musée national d’histoire naturelle (France).
L’étude porte sur les éleveurs Sami. Ceux ci ont une connaissance empirique des conséquences du dérèglement des cycles climatiques. Ainsi le problème que rencontrent les rennes n’est-il pas tant que le climat accuse de plus fortes variations (chaud ou froid) : la vraie difficulté pour ces animaux tient à un accès aux lichens rendu moins aisé. C’est ce phénomène qui a amené les Sami à cartographier les pâturages pour mieux en cerner les caractéristiques. La science des Sami porte tout particulièrement sur la neige et la glace. Cette simple connaissance expérimentale des Sami peut paraître comme une « caricature » des calculs de la science occidentale ! Il n’en demeure pas moins qu’ils connaissent « in situ » les variations physiques de la nature : eau, glace, cristaux, neige… les états de ces éléments et leurs effets.


Le changement climatique affecte le bien être des uns et des autres : constats, témoignages

1- Chez les Inuits
James Ford, université de Leeds (UK) et Sherilee Harper université de Guelph (Canada)
C’est dans l’Arctique que les conséquences du réchauffement climatique seront les plus rapides. Une difficulté apparaît avec la vitesse et l’ampleur du changement. Sur la calotte glaciaire, la chasse est importante et pour la sécurité et pour l’alimentation. L’épaisseur de la glace joue un rôle pour les transports et pour la pêche. Or il est calculé que d’ici 2050 l’arctique sera un océan. Il y a donc un besoin urgent de réfléchir aux infrastructures côtières, à l’accès à la côte, à l’habitat, à l’alimentation, à la santé des autochtones. Cette évolution rapide entraîne un affaiblissement des connaissances traditionnelles : comment réagir aux dangers ? Quel sera le comportement des animaux ? De grands défis à relever, pour protéger des populations qui sont menacées.

2- Perspectives des pêcheurs Sami au nord de la Norvège
Jo Dikkanen pêcheur Sami de Nesseby (Norvège)
Jo Dikkanen est pêcheur et son épouse est fille d’un éleveur de rennes.
La pêche concerne différent types de poissons mais c’est le crabe qui permet les meilleurs revenus. La cueillette et la chasse sont moins rentables. Le changement climatique entraîne une hausse de la température de l’eau, ce qui entraîne une diminution des poissons d’eau froide et une montée du niveau de l’eau. A cela s’ajoute un problème de cession de droits de pêche aux grandes compagnies.
Les éleveurs de rennes souffrent d’un problème relatif aux saisons. Comme la neige arrive plus tard et les hivers sont moins froids, les forêts de bouleaux disparaissent sous l’effet des insectes qui ont supporté les basses températures de l’hiver.

Les « sciences » autochtones sont naturelles ou, pourrait-on dire, intuitives. Elles ne s’appuient pas sur un savoir statistique mais sur une expérience réduite à une observation vécue. La réaction aux alertes s’opère alors « au coup par coup ». Les prévisions correspondent plus à un « ressenti ». Cela étant, les solutions au réchauffement climatique demandent une démarche plus technique qui doit prendre en compte les différents comportements locaux.