Les langues en résonance, une aide à l’intégration
« Faire des langues une richesse pour tous »
UNESCO le 10 mai 2017


Cet événement était organisé par l’association DULALA (D’une Langue à L’Autre). A cette occasion, l’association a présenté ses actions éducatives fondées sur le multilinguisme et a procédé à la remise des prix du grand concours Kamishibaï plurilingue, en coopération avec plusieurs institutions. Ont été ainsi distingués des créateurs d’histoires élaborées selon cette méthode originale dite Kamishibaï, où l’on mise tout à la fois sur l’image et les langues (quatre langues au moins). Cette technique pédagogique d’origine japonaise emprunte à un genre narratif qui amène à raconter à de jeunes enfants une histoire en faisant appel à des images qu’on fait défiler dans un petit théâtre permettant d’organiser une mise en scène attractive. La méthode est originale et performante en ce qu’elle accompagne les enfants voyant les images avec des mots énoncés dans leur langue maternelle mais pas seulement elle. Par les images et les mots qui se font écho les uns aux autres, on obtient comme un effet de levier d’une grande efficacité pour mieux vivre et apprendre ensemble et promouvoir la diversité linguistique et culturelle.

Les organisateurs, membres de l’association DULALA (Anna Stevanato, la fondatrice de l’association et Florence Castera, la présidente de l’association) ont donné des détails sur la participation au concours: 81 kamishibaï présentés, 1215 enfants impliqués, 162 professionnels, 38 kamishibaï présélectionnés. Les classes d’école les plus impliquées ont été les classes UPE2A (Unité pédagogique pour élèves allophones arrivants).

Anna Stevanato a exprimé sa vision de la diversité : la diversité est une chance, même si elle inquiète parfois : l’autre interroge, bouscule nos certitudes, mais l’autre est aussi en nous. L’éducation a ici un rôle essentiel à jouer en amenant à bien appréhender et accepter l’autre, la différence, l’altérité… Nelson Mandela disait que l’éducation est l’arme la plus forte pour combattre les discriminations.

Florence Castera a particulièrement mis l’accent sur un point important : en plus de faire le kamishibaï, les enfants appelés à participer au concours ont été invités à parler sur le thème « être différent ». Ils ont par ailleurs dû faire ensemble l’exercice du choix des images, de la rédaction, du graphisme, des pratiques multimédia, de la narration orale, de la posture d’auteur. Ce travail opéré dans des groupes avec une multiplicité d’appartenances culturelles a pour objet de favoriser les échanges aussi bien culturels que linguistiques, développer ainsi un plus grand intérêt pour les efforts que requièrent les apprentissages, aider à la cohésion dans les classes, valoriser les enfants confrontés à un environnement plurilingue, renforcer le dialogue avec les familles.

Les gagnants du concours kamishibaï organisé par l’association DULALA ont été :

Prix du meilleur projet à Nolwenn Guillou de l’école « Le blé en herbe », école de Trébédan, en Bretagne avec l’histoire de Coco-chaise, un enfant né avec une bouche en crayon et qui ne parle pas.
« Little bleu et les yeux noirs » du collège Foch de Haguenau a eu le prix de la catégorie 10-15 ans. Une classe de 6
ème classique de 28 élèves, y a travaillé.
Le prix 6-10 ans : une classe UPE 2A de l’école Jules Simon de Montpellier, 12 élèves, 9 langues parlées.
Le prix « Coup de cœur » des
kamishibaï : « Soup Joumou » classe UPE2A de l’école « Moulin à vent » de Cayenne en Guyanne.

Des représentants des institutions partenaires de l’organisation de ce concours sont intervenus :

Christopher Castle, chef de la Section de la santé et de l’éducation de l’UNESCO.
Maryse Adam Maillet
, inspectrice académique, responsable du CASNAV (centres académiques pour la scolarisation des élèves allophones nouvellement arrivés) de Besançon. Elle a rappelé que, depuis 1993, les législateurs des pays développés s’efforcent de plus intégrer le principe d’inclusion. La coopération devient le moteur de l’éducation, on reconnaît la valeur d’approches combinées par opposition à des méthodes qui miseraient excessivement sur la spécialisation : il est ainsi avancé qu’on apprend d’autant mieux la langue française qu’on maîtrise le plurilinguisme, on s’intégrerait ainsi mieux comme citoyen lorsqu’on parvient à maîtriser plusieurs langues.
Gaïd Evenou
, chargée de mission à la DGLFLF (La Délégation générale à la langue française et aux langues de France) Ministère de la Culture a présenté sa direction et a souligné l’importance donnée à l’intégration linguistique des migrants ; on a constaté qu’on ne pouvait pas réussir cette intégration sans prendre en compte les langues des personnes (les langues régionales + langues d’immigration). Il faut, dans toute la mesure du possible, s’appuyer sur la langue d’origine de l’élève pour parvenir à bien apprendre le français. Le constat en est fait au travers des expériences de terrain.
Anne Bouvier
, responsable du programme Culture et Éducation de la Fondation de France.
Yvanne Chenouf, spécialiste de littérature jeunesse, a livré son témoignage : dans les années 70 elle interdisait aux enfants de parler leur langue maternelle ; c’était la position de la République : à l’école tous étaient obligés de parler le français, sinon ils pouvaient prendre un interprète. Avec le recul, elle mesure combien cette position était erronée. L’important est de ne pas organiser de césure. Le mieux de ce qu’on peut faire c’est d’être « un pont ».
Benoît Gobin
, chargé d’étude, langues vivantes et étrangères au Ministère de l’Éducation Nationale.

En conclusion, cette méthode qui lie le kamishibaï, « le théâtre des images » avec une diversité de langues parlées dans un collectif est tout à la fois innovante, constructive et ludique. Elle a le mérite de rendre l’enfant plus sensible à la langue et à la culture de l’autre et d’illustrer concrètement certains des grands thèmes que l’UNESCO s’attache à promouvoir :la diversité culturelle, les langues, le dialogue autant d’éléments à bien prendre en compte dans l’organisation de l’éducation nationale. Il n’en reste pas moins que cette méthode est une belle idée dont la réalisation présente quelques imperfections : présence trop prégnante, parfois, de l’anglais et une présentation médiocre des mots des autres langues.

On pourrait noter aussi que d’une certaine manière, avec son souci de respecter la personnalité de « l’autre », la méthode « kamishibaï »/ «multilinguisme » mobilise certaines valeurs auxquelles des religions comme le christianisme sont attachées.

Dernier point pour conclure : un migrant doit rester lui-même avec son identité mais sa personnalité s’enrichit des aspects positifs de son nouveau milieu de vie, avec la Langue comme un bon vecteur d’intégration (langues d’origine, langue du pays d’accueil).

O.B. et P.O.G.