Débats stratégiques 2018
de
l’I
nstitut International de Planification de l’Éducation


1er Débat : Compétences socio-affectives et l’agenda pour l’Éducation 2030

23 février 2018


L’éducation en crise ? … Des millions de jeunes ne maîtrisent pas les bases de la lecture, de l’écriture et du calcul, mieux enseigner ces « fondamentaux » est ce suffisant ? Débat. De l’importance de la dimension cognitive, mais aussi de facteurs « socio-affectifs » qui renvoient à cinq aptitudes à développer de façon appropriée selon les âges et les cultures : la maîtrise de soi (stabilité émotionnelle), l’application (être consciencieux), l’amabilité, l’ouverture d’esprit, et l’ouverture aux autres. Assurément, il faut aller au-delà des évidences, ou des idées réductrices pour atteindre ainsi une Éducation de qualité, ce grand objectif de l’agenda 2030 (ODD 4).


En ouverture du cycle 2018 des débats stratégiques de l’IIPE, Mme Suzanne Grant Lewis, Directrice de l’IIPE, a tenu à en préciser la vision, celle « d’aller au-delà des évidences » :

« Il y a unanimité sur la question : nous sommes en présence d’une crise mondiale en matière d’éducation, avec des millions d’enfants et de jeunes incapables de réaliser des tâches fondamentales comme lire, écrire et calculer. Il y a en revanche débat sur ce qu’il convient d’enseigner aux enfants et ce qui favorise une éducation de qualité pour tous, permettant une évolution rapide de la situation. Pour atteindre les objectifs d’apprentissage de l’Objectif de Développement Durable 4 – ODD 4, nous devons aller « au-delà des évidences » et discuter de nouvelles idées et stratégies qui établiront une nouvelle définition de l’apprentissage tout en assurant que tous y aient accès. C’est à cela que s’attachera l’IIPE dans ses débats stratégiques 2018.

Le premier débat, conduit par Dirk Van Damme, responsable de division au sein de la Direction de l’éducation et des compétences de l’OCDE, portait sur le rôle fondamental des compétences socio-affectives. Pour lui, compter, lire, écrire, sont évidemment les compétences de base que les enfants doivent acquérir à l’école, mais pourquoi ne pas y adjoindre le souci du travail bien fait, l’aptitude à interagir avec autrui de manière adaptée, l’ouverture d’esprit ou la gestion de ses émotions ?

Pour Dirk Van Damme ces facultés essentielles, non cognitives, qu’on peut regrouper sous le terme de « compétences socio-affectives », doivent être intégrées et traitées avec une égale importance dans les systèmes éducatifs modernes du vingt-et-unième siècle, parallèlement aux compétences cognitives.

Elles s’inscrivent dans les objectifs d’apprentissage de l’ODD4. Ainsi, la référence aux « acquis véritablement utiles » dans la cible 4.1 et aux « jeunes et [adultes] disposant des compétences […] nécessaires à l’emploi, à l’obtention d’un travail décent et à l’entreprenariat » dans la cible 4.4 renvoie non seulement aux aptitudes cognitives mais aussi aux facultés non-cognitives telles que la résolution de problèmes, le raisonnement critique, le travail d’équipe et la résolution de conflits.

Elles sont cruciales dans la vie professionnelle et les recherches ont également montré qu’elles ont des incidences importantes sur la santé, le progrès social, le bonheur et même la mortalité de l’être humain.

Les recherches psycho-sociologiques ont identifiées cinq grandes catégories de compétences socio-affectives, les « Big Five » : la stabilité émotionnelle (emotional stability), le fait d’être consciencieux (conscientiousness), l’amabilité (agreableness), l’ouverture d’esprit (openess to expérience), le fait d’être extraverti (extraversion).

Plusieurs conclusions ressortent de ces recherches. L’apprentissage de ces cinq grandes compétences socio-affectives est possible (elles évolueront aussi avec l’âge, l’expérience et le cours de la vie). Tout apprentissage (cognitif et non-cognitif) est intrinsèquement social et affectif. Les cinq compétences socio-affectives peuvent être évaluées à travers les cultures : elles sont comparables à travers les cultures. Des recherches basées sur les cinq compétences ont été conduites dans un large éventail de pays et de cultures, les domaines et sous-domaines des cinq compétences ont été identifiés dans presque toutes les cultures, les principales différences sont indiquées dans la composition interne du modèle.

Sur la base de ces conclusions, le Centre de Recherche et d’Innovation en Éducation (CERI) de l’OCDE a lancé une enquête internationale sur les compétences sociales et affectives qui vise à évaluer des élèves de 10 et 15 ans dans plusieurs villes et pays dans le monde entier, en identifiant les conditions et les pratiques qui favorisent ou entravent le développement de ces compétences critiques. Cette enquête vise à évaluer les niveaux de compétences, à identifier les facteurs contextuels importants, à montrer qu’une telle étude est possible et à créer des instruments pour les cycles suivants. Les résultats de cette enquête seront disponibles en 2019.

S’il est évident que les compétences socio-affectives ont un rôle fondamental à jouer dans l’éducation aujourd’hui, et qu’elles font partie de tout processus d’apprentissage, les responsables et autres acteurs du secteur éducatif ne sont pas toujours conscients de leur importance. Comme on a pu l’entendre lors du débat, ces compétences doivent être évaluées au même titre que les autres afin de veiller à ce qu’elles soient effectivement acquises par tous les enfants et les jeunes, ce qui les aidera à s’adapter rapidement et avec succès à un avenir incertain.

Carmel Gallagher, spécialiste au Bureau international d’éducation (BIE) de l’UNESCO et discutante lors du débat, a déclaré que, bien que ne défendant pas l’idée d’une évaluation (dans le sens général du terme), elle l’accepterait sans peine si celle-ci pouvait contribuer à assurer l’éducation et le bien-être des enfants dans une perspective holistique, pour un progrès social global.

PS. Le 12 mars, le prochain débat stratégique de l’IIPE traitera de « L’enseignement supérieur comme bien commun ».

DG/06-03-18