RAPPORT DE L’ONU SUR L’EAU ÉDITION 2016

Le 24 mars 2016 avait lieu à Paris la présentation du Rapport annuel de l’ONU sur l’eau avec comme thème choisi pour l’édition 2016 : « l’eau et l’emploi »… un sujet jusqu’ici peu exploré et pourtant essentiel. L’eau est indissociable du monde vivant, mais tout n’est pas que de l’ordre du biologique, elle est aussi essentielle pour les économies et pour l’emploi : « pas d’eau pas de vie »…mais, par analogie, on pourrait dire aussi, avec presque autant d’assurance dans beaucoup d’endroits « pas d’eau, pas d’emploi ».

Le rapport donne toute la mesure de l’importance du « facteur eau » à cet égard : presque 80% des emplois dans le monde, soit presque 3 milliards de personnes concernées, dépendent d’une façon ou d’une autre de l’eau, et un milliards d’emplois en dépendent profondément (l’agriculture, le secteur forestier, la pêche). Des dizaines de millions de personnes subissent chaque année les détériorations des conditions de leurs emplois du fait des déficiences sanitaires ou sécuritaires des écosystèmes de l’eau. L’eau est ainsi un puissant facteur de développement. Lui consacrer intelligemment d’importants financements crée de la valeur en termes économiques : élévation du niveau de la croissance potentielle, effet multiplicateur des investissements, augmentation de la productivité, amélioration de la résilience.

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Madame Bokova a souligné les enjeux économiques et sociaux se rattachant à la gestion de l’eau et les liens de cette problématique de l’eau avec les grands défis que doit relever la communauté internationale : le réchauffement climatique, les discriminations à l’encontre des femmes, la pauvreté. Une bonne prise en compte du facteur humain dans tout ce qui a trait à « l’économie de l’eau » (création d’emplois, attention pour des emplois décents) est essentielle pour assurer un développement durable rappelle la directrice générale de l’UNESCO , qui voit dans les recommandations du rapport (produit dans le cadre du WWAP-World Water Assessment Program) comme un écho concret à au moins trois des objectifs SGD (sustainable global development) 2030 de l’ONU : le cinquième (protection de la femme, égalité des genres), le sixième (accès universel à l’eau, la soutenabilité) et le huitième (l’inclusion, l’emploi). Pour toutes ces raisons, il est important d’investir massivement dans un domaine qui sert l’intérêt des populations.

L’ambassadeur de la délégation italienne à l’UNESCO a insisté sur quelques points importants (l’Italie apporte un soutien particulier au programme de suivi de l’eau, et accueille à Pérouse l’institut spécialisé qui gère et pilote l’ensemble des initiatives UNESCO sur l’eau) : être pro-actif pour garantir un accès universel à l’eau et éviter les déplacements massifs de population à cause de la rareté de la ressource ; nécessité des coopérations et d’une orientation résolue vers l’économie verte avec l’eau comme un élément crucial à prendre en compte en misant sur l’innovation mais aussi en sur la mise en valeur des connaissances et pratiques traditionnelles parfois perdues de vue.

Intervention du Brésil qui a mis l’eau au rang de ses priorités stratégiques avec d’abord son inscription dans la loi en la qualifiant « comme un bien public au profit des personnes », mais aussi avec un programme extrêmement complet et pratique : il s’agit d’exploiter ( « cultiver ») tout un ensemble de sujets sources d’énergie et de dynamisme au travers de nombreuses actions (65), se rattachant à 20 programmes (stockage des eaux, suivi rapproché, amélioration sanitaire, protection de la biodiversité etc)

Le représentant de l’UNESCO qui a coordonné les travaux d’élaboration du rapport a insisté sur quatre idées fortes :

  • le très grand nombre de secteurs tributaires de l’eau et, partant, d’une gestion adéquate des écosystèmes de l’eau (information, production, distribution, épuration etc)

  • la multitude des problèmes générés par la raréfaction ou inégale distribution des eaux avec de nombreux facteurs d’épuisement ou de gaspillage de la ressource ( urbanisation, alimentation, tensions sociales, chômage, désertification, contagion, dégradation de la productivité)

  • les inégalités face à l’eau sont encore nombreuses, criantes, mais elles restent mal mesurées : inégalités quant aux connaissances réelles de certaines situations (par exemple tout ce qui a trait à l’économie et aux emplois informels), inégalités quant aux compétences disponibles, beaucoup de pays manquent encore de personnels qualifiés, enfin, sans doute la plus critique des inégalités, celle qui concerne les femmes, encore trop souvent exploitées (faute d’installations suffisantes, on les contraint à aller chercher l’eau, on les prépose à des tâches pénibles et subalternes et, ce faisant, on les prive encore trop souvent d’émancipation) : coupable discrimination, indécence des activités qui leurs sont dévolues.

  • inégalités dans les efforts consacrés à l’eau : insuffisance des investissements dans certains pays où l’on ne mesure pas à leur juste valeur toutes les retombées économiques (meilleurs rendements) et sociales (exemple : meilleure santé) que génère une amélioration des systèmes de production et de distribution de l’eau.

i1Les questions soulevées par certaines délégations ont porté sur : l’organisation du suivi global des impacts sociaux des investissements-eau, le bien fondé d’un suivi par groupe de pays présentant des caractéristiques similaires de leurs « systèmes hydriques », insistance sur les besoins de formation des agents de l’administration des systèmes de distribution, accent mis sur la sagesse des générations anciennes dont il faut garder les enseignements (savoir irriguer, recycler, ne pas gaspiller car « l’eau c’est la vie »), avoir une gestion intelligente et apaisée des sols (les forêts, les territoires), avoir des réponses appropriées aux deux défis majeurs que représentent le développement de la démographie et de l’urbanisation, d’une part, et le réchauffement climatique, d’autre part. Enfin, dernière idée soulignée : parmi les principes à mettre en valeur dans la gestion rationnelle de l’eau, avoir le souci du recyclage, et la promotion d’organisation (urbaine ou industrielle) utilisant l’eau avec le moins d’intensité possible.

Autres commentaires :

La production du rapport annuel de l’UNESCO sur l’eau est un travail soutenu et/ou réalisé par 31 membres de l’ONU et 38 organisations partenaires.

Parmi les observations formulées lors de la présentation, plus que l’aspect purement économique, on relèvera certains des propos qui sont plus politiques dans leur essence (au sens noble du terme), ou sociétaux avec notamment tout ce qui a pu être souligné comme important pour les personnes, leur santé, leur intégrité, et leur dignité…Avec le terme de décence, ce mot « la dignité » a été bien mis en valeur. Il fait évidemment penser à cette « dignité transcendante de la personne » particulièrement reprise dans l’encyclique Laudato si.

Parlant ainsi de ce rapport essentiel de l’homme avec l’eau, on est bien au cœur de l’écologie intégrale.

YN-CCIC