Organisé conjointement par l’Unité chargée des partenariats avec la société civile (Division des partenariats-Bureau de la planification stratégique) et le Comité de liaison ONG-UNESCO, ce Forum tenu en mode hybride a été consacré aux deux décennies récemment lancées par l’ONU et l’Unesco, la « décennie des océans 2021-2030 »- ou Décennie des Nations Unies pour les sciences océaniques au service du développement durable (2021-2030), selon son nom officie,. et celle des « langues autochtones 2022-2032». Le thème illustre la piste souhaitée par les organisateurs pour renforcer la coopération ONG-Unesco, qui est de motiver les ONG à s’engager dans les diverses grandes « décennies » de l’Unesco.

De nombreux intervenants,  le plus souvent issus du monde universitaire et de la recherche, ont présenté un ensemble de problématiques organisé autour de deux axes : le contenu et l’organisation des deux décennies d’une part, l’Education, d’autre part, qu’il faut absolument  développer en soutien de ces deux sujets majeurs, car elle est l’une des conditions à remplir pour la réussite de ces deux projets d’envergure, deux projets qui peuvent légitimement être pris comme une cause à défendre,  expression  retenue par l’un des intervenants.

Tout au long des échanges, les ONG ont été évoquées comme des acteurs ayant vocation à contribuer aux actions à mener dans le cadre de ces deux décennies à raison de leur compétence et de leur proximité du terrain, deux atouts précieux dont elles peuvent se prévaloir ; mais on a  peu donné d’exemples pouvant illustrer ce point, étant observé que certaines des initiatives présentées relevaient plutôt d’associations philanthropiques dédiées précisément à la promotion d’une écologie des océans ou de la pluralité linguistique. A noter, l’évocation d’une idée au cours du débat, à savoir la création d’un groupe de travail des ONG pour aider aux réflexions relatives aux contenus des forums. A cet égard sans se prononcer spécifiquement sur la proposition, Mme Sabina Colombo, responsable de la section des partenariats de l’Unesco, a rappelé l’attachement de l’institution et de sa Directrice Générale, Madame Azoulay, au rôle que peuvent tenir les ONG au sein de l’Unesco qui en compte environ 400 comme partenaires ou consultants.

Cela étant précisé, les thèmes qui ont été développés ont été riches en information, mais aussi en questionnements : autant sous l’angle purement scientifique que d’un point de vue culturel, social ou sociétal, on aura pris la mesure des lacunes à combler, et de l’ampleur des besoins auxquels il faut pouvoir répondre pour assurer la préservation des  Océans et des Langues : risques, dangers, menaces, périls…ces mots entendus au fil des présentations tendent tous à donner le sens d’une urgence appelant à corriger une situation qui met à mal un peu partout la relation au monde de notre humanité.

On développe ci-après les principales idées que l’on aura retenues, d’abord celles qui sont revenues régulièrement comme des « éléments communs », ensuite en évoquant des points spécifiques nous paraissant mériter l’attention.

I Considérations générales : des idées communément exprimées

Principal constat : qu’il s’agisse de la décennie des océans ou de celle se rapportant aux langues autochtones, il apparait qu’il s’agit de concrétiser des projets lourds, ambitieux, avec une vision claire des objectifs.

L’organisation même de ce qui est envisagé est impressionnante au vu de tout ce qui a été esquissé ; il est clair que l’on n’a pas affaire à une grande opération réduite à de la communication et à de vagues programmes. De fait, après des travaux préparatoires qui ont été conduits sur plusieurs années, sont maintenant engagées deux démarches pilotées à la façon des projets en entreprise avec dans les deux cas une structuration rigoureuse, des objectifs précis et hiérarchisés (objectifs stratégiques et objectifs plus opérationnels), des acteurs bien identifiés, des plans d’action, des outils de suivi et d’information mis en place ainsi que des instances de dialogue. A noter, s’agissant des objectifs, que beaucoup des thèmes à traiter dans le cadre de ces deux décennies peuvent aisément se rattacher aux grands objectifs de l’agenda ONU de 2030, notamment l’ODD4 (Education), l’ODD 1 (le Climat), et l’ODD 14( les Océans).

Pour bien consacrer le sérieux des engagements, à de très nombreuses reprises on a rappelé qu’il fallait viser des résultats, qu’il ne s’agissait pas de se perdre dans un monde de réflexion ou d’abstractions : l’important est d’agir, de mettre en œuvre concrètement. D’ores et déjà des projets assez nombreux sont engagés, et d’une façon générale est-il précisé, sur ces sujets les approches sont souvent consensuelles (Les langues comme les océans étant considérés comme de grande valeur)

L’aspect méthode a aussi été souligné, avec plusieurs idées souvent émises comme, par exemple, la nécessité du dialogue, avec toutes les parties prenantes pour analyser, développer, produire. On a ainsi souvent entendu parler de consultation (tous : pas que des experts, ici on aura retenu particulièrement ce qui a été dit à propos des « communautés autochtones » qu’il faut par exemple pleinement associer à propos de la promotion des langues minoritaires), mais aussi de démarches coopératives, pour des co-développements, ou des co-productions.

Autre souci exprimé quant aux méthodes de conduite des projets : nécessité d’approches globales combinées avec des déclinaisons locales ; cette préoccupation pour ne pas laisser de côté certaines régions appelle de la décentralisation, mais requiert aussi d’éviter des phénomènes de dispersion ; d’où la mise en place de pôles de coordination géographique.

Le recours au numérique pour aider à la réalisation des objectifs des deux décennies est naturellement prévu avec, notamment, le traitement des données (observation des océans en particulier, cartographie), l’accès aux savoirs à distance (communautés autochtones).

Bien entendu, les grands principes observés pour toutes les initiatives de la famille onusienne sont rappelés et trouvent à particulièrement se justifier pour les deux sujets avec les valeurs de l’inclusion (ex : les communautés autochtones), et d’équité, l’apprentissage tout au long de la vie.

II Quelques autres éléments retenus, plus spécifiques

Sur les deux sujets qui sont appelés à être travaillés sur dix ans, l’un des défis sera certainement de tirer parti des nombreuses initiatives ou entreprises déjà engagées ; lors des deux journées du Forum, la présentation d’expériences actuellement menées ici essentiellement au Canada, a donné une idée de ce qui se fait et qui parfois s’inscrit dans un historique de plusieurs années, des actions bénéficiant souvent du soutien des universités ou des pouvoirs publics : laboratoires de recherche et développement (pollution plastique, acidité des océans, analyse des eaux profondes, biologie marine, géophysique et protection des côtes), apports des nouveaux média aux communautés autochtones en allant à leur rencontre, en leur proposant des vidéos traduites dans leurs langues etc…

             Concernant les langues autochtones, il a été suggéré qu’elles bénéficient d’une pleine reconnaissance juridique et qu’elles figurent comme une priorité globale des gouvernements.

Parmi les entités dont il a été question, on aura remarqué : une association canadienne pour la promotion des « professionnels des océans » auprès des jeunes adultes, des organisations (canadiennes) engagées sur le « nettoyage » et l’analyse pratique des océans (Ocean foundation, laboratoire Ocean Wise), et le cas de l’association Warikoni   pour aider à la défense des langues autochtones des Nations Premières) (toujours au Canada). Au rang des participants, on pourra aussi signaler un représentant d’un institut de recherche américain -SCRIPPS– dédié à la biochimie et à la biomédecine)

S’agissant des ressources, l’accent a plus été mis sur la mobilisation des personnes (jeunes, enseignants, politiques, etc) que sur celle des financements, mais cet aspect crucial a quand même été toujours présent « en filigrane », et comme cela a été fait remarquer, « faire circuler la parole » avec de bons plaidoyers, ce sur quoi on a beaucoup insisté, est une bonne façon de mobiliser les ressources financières, qui restent indispensables pour obtenir des résultats significatifs.

Un thème important n’a été que très succinctement évoqué : la question de l’exploitation minière des fonds sous-marins, riches en métaux rares (point soulevé par une scientifique chinoise) ; ce serait souhaitable, nous dit-on, mais avec des normes…qui pour le moment n’existent pas.

Enfin, on pourra retenir quelques mots-clefs relevés au long des présentations dans la mesure où ils semblent renvoyer à des préoccupations majeures pour les sujets que recouvrent les deux décennies : la résilience (environnementale et sociétale), les cultures (à respecter), l’écoute et la rencontre (des personnes), les écosystèmes (le vivant, la diversité), la nécessité d’approches multi- sectorielles (exemple pour les océans : les sciences chimiques et biologiques, géologiques, les questions touchant à l’alimentation, la pêche, etc…)

III Importance de l’Education

Plusieurs orateurs ont insisté pour que les deux décennies réussissent pour « faire la différence », et l’un d’entre eux l’a dit avec un appel très alarmiste et critique des nations les plus avancées en disant que notre monde, du fait des actions de l’Homme, est dans une situation dramatique nécessitant une très forte mobilisation pour faire face en urgence aux problèmes que nous rencontrons.

Beaucoup de solutions peuvent être avancées pour remédier aux graves menaces qui pèsent sur notre planète et aussi sur ces communautés autochtones qui voient leur culture en passe de disparaitre ; mais c’est sans aucun doute sur le terrain de l’Education qu’il faut investir le plus pour amener les remèdes les plus efficaces à long terme, car c’est là qu’on trouvera les meilleurs moyens de modifier radicalement les comportements comme nous en avons un grand besoin.

Il s’agit ainsi de sensibiliser, diffuser les connaissances scientifiques auprès des jeunes, et cela dès la jeune enfance en mobilisant leur imagination nous a dit un intervenant : c’est une œuvre utile qui s’adresse à une population qui peut être particulièrement sensible aux problèmes que l’on peut évoquer mais aussi aux solutions qui existent ou qui vont pouvoir être enrichies grâce aux progrès incessants de la science et des technologies. Mais, si ces efforts pour informer et expliquer sont à mener prioritairement dans les écoles (on a parlé des écoles bleues à propos de la défense des océans), ils doivent aussi toucher le monde adulte, car assurément ce qui a trait à la préservation des océans et des langues mérite de retenir l’attention de toutes les composantes de nos sociétés.

Dernier point relevé : la nécessité de trouver par le biais de l’Education plus de vocations pour se tourner vers ces deux domaines que recouvrent les deux décennies de l’Océan et du pluralisme linguistique ; comme cela a été dit plus haut, particulièrement dans le domaine des sciences marines on manque cruellement de chercheurs.

IV En Conclusion, éléments de commentaires

Ces deux journées du Forum des ONG Unesco ont montré l’acuité et la complexité de deux sujets importants. Les présentations ont été nombreuses et intéressantes, elles ne pouvaient que couvrir partiellement les questions sous- jacentes aux deux domaines de ces deux décennies. La plupart des interventions ont surtout traité d’aspects factuels et descriptifs, mais la sensibilité de certains points abordés pour l’essentiel par des scientifiques aurait gagné à voir évoquées leurs dimensions politique et même géostratégique, et plus important encore, éthique.