Le 22 juin 2021, nous avons participé avec intérêt à la table ronde intitulée « la mémoire en danger : l’importance des archives pour la justice, la commémoration, la recherche et l’éducation sur les génocides », organisée par l’UNESCO et le Département de la communication globale des Nations Unies.

La table ronde réunissait, aux côtés de représentants des Nations Unies et de l’UNESCO (Nanette Braun et Cecilia Barbieri), divers experts internationaux dans le domaine de la recherche et de la documentation sur les génocides (Floriane Azoulay – Directrice des archives Arolson, Allemagne ; Jean-Damascène Bizimana – Secrétaire exécutif de la Commission Nationale de lutte contre le génocide, Rwanda ; Vincent Duclert – Président de la commission France-Rwanda et le génocide des Tutsi, France ; Hang Nisay – Directeur du musée du génocide Tuol Sleng, Cambodge ; Abid Shamdeen – Directeur de Nadia’s Initiative, Etats Unis), avec James Smith (PDG d’Aegis Trust, UK) intervenant comme modérateur.

Un premier tour de table a permis de souligner le rôle crucial des archives dans la commémoration et le travail de mémoire sur les génocides, ainsi que leur importance pour l’aboutissement des procédures judiciaires réparatrices.
Nanette Braun a souligné la nécessité d’accompagner le travail de mémoire dans notre époque marquée par l’exacerbation des tensions. Elle a illustré son propos par l’impact du projet « Chaque Nom Compte », projet collaboratif en ligne, organisé le 27 janvier dernier à Berlin, où sur les murs de l’Ambassade de France, des milliers de noms de victimes de l’Holocauste étaient projetés en laser.
Pour Cecilia Barbieri, les archives garantissent la mémoire et servent de preuve.
Abid Shamdeen a rappelé comment le « Programme Mémoire du Monde » mis en place par l’UNESCO en 1992 a contribué à la protection et la préservation du patrimoine documentaire. Ce patrimoine appartient à tous pour le bénéfice de chacun, et doit être accessible sans obstacle, au-delà des spécificités culturelles qui s’y rattachent.
Jean-Damascène Bizimana et Vincent Duclert ont fait ressortir l’effort considérable mené pour reconstitution les preuves du génocide du Rwanda (Tutsis) en 1994, condition du succès des procédures judiciaires engagées. Ils ont souligné l’impact positif de l’ouverture récente des archives françaises sur cette période.

La discussion qui a suivi entre les différents intervenants, a porté sur les questions de préservation et de numération des archives, sur leur valeur pour une plus grande transparence historique, pour la transmission aux jeunes générations et l’enseignement, dans un contexte de désinformation accrue.
Pour Floriane Azoulay, compte tenu de son ampleur, la documentation accumulée par les archives Arolson (informations sur les personnes disparues suite aux persécutions nazies) doit être accessibles aux familles des victimes, et ouverts très largement (chercheurs, enseignants…) à des fins d’éducation et de sensibilisation ; elles sont actuellement à 90 % numérisées et mises en ligne.
La préservation des archives et leur diffusion est primordiale dans la lutte contre les tentatives de négationnisme.
Jean-Damascène Bizimana a expliqué comment, suite au génocide contre les Tutsis, le processus de constitution des archives a été nécessaire avait été long et complexe (collecte de l’information en amont dans les villages, recueil de témoignages de victimes pendant la phase de jugement, enregistrement de cassettes audio/visio auprès des coupables reconnus en justice…) ; l’accumulation de preuves étayées est nécessaire pour permettre une transparence historique sans biais et assurer le devoir de mémoire.
Hang Nisay a expliqué comment les archives sur le génocide par les Khmers rouges ont été intégrées dans les programmes scolaires.
Pour Abid Shamdeen, la reconnaissance par les Nations Unies de la responsabilité de l’Etat Islamique dans le génocide de la population Yezidhi (minorité religieuse du Kurdistan irakien) en 2014, ainsi que l’engagement pris d’aider l’Irak à réunir les preuves des crimes commis, contribueront largement à assurer la transparence historique de ces évènements dramatiques. Il a mentionné les difficultés rencontrées pour faire sanctionner par la justice les crimes de faits génocidaires.

Les échanges ont été denses, permettant des témoignages sur des actions opérationnelles pour préserver la mémoire d’événements terribles, préserver la dignité des victimes et mettre les responsables face à leur responsabilité.

Il est essentiel de mettre en avant les initiatives de la société civile aux côtés de celles des administrations publiques, pour préserver la mémoire de telles catastrophes , et l’enseigner aux jeunes générations afin qu’elles ne se reproduisent pas.