Session annuelle du Comité intergouvernemental
de la Convention de 2005
« Protection et Promotion de la Diversité culturelle »


Au cours de cette session ordinaire, les services rendent compte de la situation au travers d’indicateurs de performance (rapport d’activité, rapports quadriennaux des parties etc.) ; sont aussi validés les projets appelés à être financés par un fonds spécialisé et identifiés les actions prioritaires pour l’année à venir ; deux points ont particulièrement retenu l’attention : le premier  sur la contribution de la société civile à la Convention, d’où il ressort la diversité des centres d’intérêt, mais aussi les difficultés parfois aiguës pour préserver la diversité et la créativité culturelles ; le second avec la présentation du Rapport mondial sur la diversité culturelle dont le titre dit l’importance : « Repenser les politiques culturelles. La créativité au cœur du développement. »


Cette onzième session du Comité intergouvernemental de la Convention de 2005 s’est tenue à Paris du 12 à 15 décembre 2017. Pour mémoire, « la Convention de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles» est une des sept conventions culturelles de l’UNESCO :

2003 – Sauvegarde du patrimoine culturel immatériel ;
2001 – Protection du patrimoine culturel subaquatique ;
1972 – Protection du patrimoine mondial culturel et naturel ;
1970 – Lutte contre le trafic illicite des biens culturels ;
1954 – Protection des biens culturels en cas de conflit armé ;
1952, 1971 – Protection des droits d’auteur et droits voisins.

Le Comité intergouvernemental de la Convention de 2005 est composé de représentants de 24 États Parties à la Convention, élus pour un mandat de quatre ans par la Conférence des Parties. Sa fonction principale est de promouvoir les objectifs de la Convention et d’assurer le suivi de leur mise en œuvre. Le Comité intergouvernemental se réunit une fois par an.

Lors de chaque session, le Secrétariat de la Convention rend compte de ses réalisations et soumet une proposition pour les activités futures du Comité. Les principaux documents mis à disposition à ce titre sont les suivants : « Rapport du secrétariat sur ses activités » ; « Activités futures du Comité : Projet de plan de travail, calendrier, ressources » ; « Rapport du Secrétariat sur la mise en œuvre du Fonds international pour la diversité culturelle (FIDC) » ; « Rapports périodiques quadriennaux ».

Deux thèmes importants ont été inscrits à l’agenda de cette session : la présentation du Premier rapport des organisations de la société civile sur leurs activités et le lancement de la deuxième édition du Rapport mondial sur la mise en œuvre de la Convention de 2005.

Bilan de la mise en pratique de la Convention/ Le rapport du Secrétariat

Dans son rapport d’activité, le secrétariat donne surtout des informations sur le suivi des réalisations dans le cadre des objectifs de la Convention couvrant la période 2016-2017. Ces restitutions se rapportent au renforcement et à l’utilisation des capacités pour l’élaboration des politiques nationales et aux mesures concrètes prises pour promouvoir la diversité des expressions culturelles.

Plusieurs indicateurs de performance permettent de rendre compte de l’évolution de la situation, ils couvrent les principales préoccupations sous-jacentes à la Convention :

– la mise en place de mesures et de politiques nationales, concernant le renforcement des ressources humaines et institutionnelles pour favoriser la diversité des activités, des services et des biens culturels. A noter sur ce sujet que 34 pays ont bénéficié d’une assistance technique nationale (pour la plupart en Afrique, Asie, Amérique du Sud) ; plusieurs modules de formation ont ainsi été expérimentés pour sensibiliser à la Convention, aider au développement de politiques favorables à la créativité et faciliter l’élaboration de rapports périodiques pertinents.

la soumission et le traitement des demandes d’assistance internationale, la mise en œuvre et le suivi des projets (FIDC, Fonds International pour la Diversité Culturelle) : 217 demandes au FIDC ont été traitées, 77 projets ont été mis en œuvre et 13 projets en cours ont été suivis.

les rapports périodiques quadriennaux sur la mise en œuvre de la Convention au niveau national soumis, traités et analysés par le Secrétariat et examinés par les organes directeurs et nombre de rapports traitant des questions de genre : 69 rapports ont été présentés, en tout, dans les deux ans, 96 pratiques innovantes décrites ; à signaler la mise en ligne d’une nouvelle plate-forme pour aider à l’harmonisation des informations fournies par les Parties avec le cadre de suivi (https://fr.unesco.org/creativity/policy-monitoring-platform).

le nombre de Parties à la Convention : on compte actuellement 145 pays signataires ainsi qu’une organisation supranationale, l’Union Européenne. Alors qu’on visait au moins 8 nouvelles ratifications, dont 4 de régions sous-représentées, il n’y a eu que 5 nouvelles Parties (Ghana, Saint-Kitts-et-Nevis, Soudan du Sud, Timor-Leste, Turquie), dont seulement 1 de région sous-représentée.

le nombre de parties prenantes impliquées dans la mise en œuvre de la Convention contribuant à alimenter le système de gestion de connaissances. Pour la mise à jour de cet indice, on a pris en compte la contribution de 43 parties prenantes issues de la société civile. Il a été téléchargé 170 nouvelles histoires,
 200 nouveaux fichiers de médias et 300 documents dédiés à la diffusion de connaissances en vue d’appuyer les activités de renforcement des capacités, et notamment les actions, outils et méthodologies d’élaboration des politiques.

le nombre d’organisations au sein et en dehors du système des Nations Unies, de la société civile et du secteur privé contribuant à la réalisation du programme : 4 partenariats ont été établis avec: l’Université Laval
 (Chaire UNESCO sur la diversité des expressions culturelles, Québec, Canada); l’Université d’Hildesheim (Chaire UNESCO sur les politiques culturelles pour les arts dans le développement, Hildesheim, Allemagne); Centre international pour la créativité et le développement durable (centre de
catégorie 2, Chine); Fédération internationale des conseils des arts et agences culturelles (FICACC). 40 organisations de la société civile (parmi lesquelles le Centre Catholique International de Coopération avec l’UNESCO) sont présentes régulièrement aux réunions des organes directeurs.


Le point sur les rapports périodiques 2017 : un bilan décevant

Les rapports périodiques (pour mémoire, chaque pays signataire de la convention doit présenter tous les quatre ans un rapport périodique détaillant les mesures prises au niveau national pour la mise en pratique de la Convention). Sur les 19 rapports attendus en 2017, seulement 6 ont été adressés (un taux de soumission de 31,5 %). Ces faibles retours touchent tous les groupes régionaux : ainsi, pour le groupe I, sur deux rapports attendus les Pays-Bas ont transmis leur restitution mais pas la Belgique, pour le groupe II, la Bosnie-Herzégovine a soumis son rapport, la Serbie non, pour le groupe III, sur les 9 rapports attendus, 3 pays seulement ont été en mesure de répondre (Colombie, Saint-Vincent-et- les Grenadines, Venezuela). Les 6 pays qui n’ont pas pu fournir leur contribution sont les suivants : Antigua-et-Barbuda, République dominicaine, El Salvador, Grenade, Guyane, Nicaragua. Les deux pays du groupe IV qui devaient une contribution (Afghanistan, Australie) n’ont rien transmis. Il en a été de même pour le groupe Va, pour l’unique rapport attendu des Comores. Enfin, concernant le groupe Vb, le Maroc a soumis son rapport mais pas l’Irak ni le Qatar.

Ces résultats décevants peuvent traduire une faiblesse des capacités mais peut-être aussi une implication insuffisante au niveau national.


La Convention dans le futur proche. Les projets financés par le Fonds International pour la Diversité Culturelle

Si on se projette dans le futur, sept projets ont été soumis à la décision du Conseil pour leur ouvrir l’accès au financement par le Fonds International pour la Diversité Culturelle (FIDC). Ces projets et leurs objectifs sont les suivants :

– au Monténégro, avec comme objectif « faire des industries créatives et culturelles un secteur économique viable », le projet est soutenu par une ONG, Institute for Entrepreneurship and Economic Development

– Guatemala, Mexique : « renforcer les micro-industries innovantes et créatives régionales en encadrant les jeunes entrepreneurs des cultures marginalisées et indigènes de Mesoamérica », projet soutenu par l’ONG Ventana a la Diversidad (Window to Diversity)

– Bolivia, Colombia, Ecuador, Mexico, Peru, Uruguay : « appropriation, renforcement et promotion du cinéma latino-américain à travers la plateforme numérique régionale du cinéma Retina Latina », un projet proposé par le Ministère de la Culture colombien — Direction de la Cinématographie.

– Ukraine, un projet sur la dimension économique des pièces de théâtre: transformer l’industrie théâtrale, projet soutenu par National Union of Theatre Workers of Ukraine (NUTWU)

– Brésil : «  renforcement des chaînes et réseaux culturels locaux dans quatre pôles culturels de taille moyenne brésiliens », projet soutenu par Cebrap – Centro Brasileiro de Análise e Planejamento (Brazilian Centre of Analysis and Planning)

Albanie : « Impliquer les communautés de Tirana dans l’art et les politiques publiques », projet soutenu par l’ONG Ekphrasis Studio

– Sénégal : « Mobiciné : Le cinéma de proximité comme outil de promotion de la diversité culturelle », projet soutenu par l’ONG Culture Waw.

Chaque projet recevra un financement maximal de 100 000 USD. 


Les activités futures du Comité

La Conférence des Parties a identifié quelques objectifs sur lesquels le Comité doit se concentrer dans la période 2018-2019 :

–  mettre en œuvre la stratégie globale de renforcement des capacités ; 


–  mettre en œuvre le Fonds international pour la diversité culturelle, sa stratégie de levée de fonds et de communication et examiner les résultats de la deuxième évaluation externe en proposant des recommandations à la septième session de la Conférence des Parties. Cette deuxième évaluation externe constatait surtout que les contributions nationales au Fonds vont en diminuant alors que la charge de travail du Secrétariat de la Convention augmente ;

– poursuivre ses activités de suivi des politiques pour évaluer l’impact de la Convention (collecte et analyse de données, d’informations et de bonnes pratiques dans les rapports périodiques quadriennaux des Parties et d’autres sources) et partager les résultats par la publication d’un Rapport mondial quadriennal ou biennal et par le biais d’un système global de gestion des connaissances. Une attention particulière sera portée au suivi de l’impact des articles 16 (« Traitement préférentiel pour les pays en développement ») et 21 (« Concertation et coordination internationales »).

– sous réserve de la disponibilité de fonds extra-budgétaires, identifier des actions prioritaires (bonnes pratiques) en rapport avec les directives opérationnelles sur la Convention dans l’environnement numérique ;

– poursuivre la recherche de synergies pour le suivi des politiques et des mesures liées à la Recommandation de 1980 relative à la condition de l’artiste ;

– continuer à encourager et soutenir la participation de la société civile dans le travail des organes directeurs de la Convention et établir une stratégie de mobilisation des parties prenantes ;

– réviser les directives opérationnelles relatives à l’article 9 « Partage de l’information et transparence », y compris l’Annexe sur le Cadre des rapports périodiques quadriennaux et rendre disponibles, sur le site Web de la Convention, les rapports périodiques quadriennaux reçus avant chaque session du Comité ;

– explorer des pistes d’action concrètes pour la mise en œuvre effective de l’article 13 « Intégration de la culture dans le développement durable », en soutien au Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations Unies, y compris, si nécessaire, une révision des directives opérationnelles ;

– poursuivre l’examen de la mise en œuvre de l’article 16 de la Convention de 2005 : « Traitement préférentiel pour les pays en développement » en vue de réviser, si nécessaire, les directives opérationnelles.


Le premier rapport de la société civile: l’implication des ONG, leurs difficultés en rapport avec la Convention

A souligner par ailleurs une première, à savoir la présentation d’un rapport d’activité des organisations de la société civile (actives dans le domaine de la diversité culturelle). Ce rapport résulte de la contribution de 70 organisations représentant 2627 organisations de la société civile participant à la Convention. Il a été structuré en suivant le cadre de la Convention qui s’articule autour de quatre objectifs.

Ainsi, concernant le premier objectif, « soutenir des systèmes de gouvernance durables de la culture », il est fait le constat qu’à travers le monde, l’implication des OSC (Organisations de la Société Civile) dans la gouvernance de la culture affiche des différences considérables. De même, les centres d’intérêts qu’ont les OSC pour soutenir des systèmes de gouvernance durables de la culture sont différents selon les régions. En Europe, les OSC sont très préoccupées par les difficultés liées à la diversité culturelle et au passage au numérique, notamment en ce qui concerne les droits de propriété intellectuelle des artistes, créateurs et autres détenteurs de droits. Dans d’autres régions, surtout en Afrique, les OSC sont très engagées dans les problèmes liés aux droits et aux libertés des créateurs et des artistes.

Concernant le deuxième objectif, « parvenir à un flux équilibré des biens et services et accroître la mobilité des artistes et professionnels de la culture », on a pu constater que la disparité des richesses et des ressources entre les régions et entre les États au sein des régions, surtout en Asie et en Afrique, a un impact négatif sur le flux des biens et services. Ce phénomène est aggravé avec l’obsolescence rapide des modèles réglementaires existants. La mobilité des artistes et des professionnels de la culture reste problématique, particulièrement entre les pays du Nord et du Sud. D’après les activités signalées, les OSC jouent un rôle considérable dans la facilitation de cet objectif important de la Convention. La principale activité dans ce domaine a été l’organisation d’événements, de conférences, d’ateliers et de festivals pour favoriser la sensibilisation.

Pour l’objectif 3, « l’inclusion de la culture dans les cadres de développement durable », les activités des OSC s’inscrivent dans un large champ d’action: les interventions culturelles, les projets d’aide au développement technique, le renforcement des capacités pour le secteur artistique, culturel et créatif, la recherche, la défense, la conception et l’analyse des politiques, etc. La grande question, surtout concernant l’avenir, est la capacité de la Convention de 2005 à conserver sa pertinence dans ce contexte de programmes politiques changeants, notamment celui du développement durable. Bien que la Convention soit un instrument qui permette de suggérer des normes dans le domaine de la culture et du développement durable, ses impacts pratiques à cet égard ont été limités.

Pour l’objectif 4, « promouvoir les droits de l’homme et les libertés fondamentales », est une nécessité pour rendre possible la création et à la diffusion d’expressions culturelles diverses ainsi que l’accès à ces dernières. On constate cependant, dans un certain nombre de cas, une certaine inertie chez les Parties lorsqu’il s’agit d’applications concrètes, particulièrement en ce qui concerne la défense et la promotion de l’égalité des genres et le droit à la liberté artistique. La protection de la liberté artistique n’est pas un sujet que les Parties traitent spécifiquement et régulièrement dans leurs rapports.

Parmi les OSC, le nombre et la portée des programmes de résidence pour les artistes en danger a augmenté au cours des dernières années et a atteint son plein potentiel dans certaines régions ; les recherches relatives à la liberté artistique n’en sont qu’à la phase de développement et les efforts de plaidoyer n’en sont qu’à leurs balbutiements.

En 2016, plus de 1000 violations du droit à la liberté artistique ont été constatées dans 78 pays, suivant l’inquiétante tendance d’une augmentation de la menace qui pèse sur les artistes et sur les expressions artistiques. Parmi les cas de violations rapportés, on compte des meurtres, des peines de prison, des censures et des agressions prenant pour cibles à la fois les artistes et leurs publics. Les responsables de ces violations sont à la fois des acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux. Lorsque des femmes artistes sont visées, c’est souvent justement à cause de leur genre. Dans plusieurs pays, il est interdit aux femmes artistes de se produire seules ou devant des publics mixtes. Ces attaques et ces interdictions ont eu des effets dévastateurs sur la diversité des expressions culturelles.

Suite au passage en revue des activités et des difficultés dans la poursuite de l’action de ces ONG, 13 recommandations ont été présentées au Comité Intergouvernemental, comme celle de renforcer la contribution de la société civile auprès des organes directeurs, celle de soutenir la diversité de la production de contenu local ou celle d’aider les pays à développer des cadres et des instruments juridiques pour promouvoir la liberté d’expression artistique et en assurer le suivi.


Le second Rapport mondial sur la diversité culturelle

Autre point marquant de cette session, la présentation de la nouvelle édition, celle de 2018, du Rapport mondial sur la diversité culturelle intitulé « Re/penser les politiques culturelles. La créativité au cœur du développement ». La première édition de ce rapport a été éditée en 2015.

Ce rapport est un bilan sur l’application de la Convention de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. L’analyse est conduite par rapport aux quatre objectifs de la Convention, lesquels apparaissent en ligne avec l’Agenda 2030 pour le Développement Durable. (Ces quatre objectifs sont : 1. soutenir des systèmes de gouvernance durables de la culture ; 2. parvenir à un flux équilibré des biens et services et accroître la mobilité des artistes et professionnels de la culture ; 3. l’inclusion de la culture dans les cadres de développement durable ; 4. promouvoir les droits de l’homme et les libertés fondamentales). Pour chaque objectif, une appréciation est portée sur les performances, les défis à relever et des recommandations sont émises.

Le Rapport peut être consulté à l’adresse : http://unesdoc.unesco.org/images/0026/002606/260601f.pdf

Le prochain Conseil Intergouvernemental de la Convention de 2005 aura lieu de 11 à 14 décembre 2018 à Paris.