Le Numérique est partout présent, l’UNESCO s’attache à suivre son incidence dans tous les domaines qui relèvent de son mandat, le CCIC accorde beaucoup d’intérêt à un phénomène qui n’est pas que technique, il y a une transformation qui touche le sens de ce que nous sommes en vérité, comme corps, esprit et art. Cette journée des Bernardins a été riche d’idées montrant une certaine radicalité des innovations qui viennent en s’intensifiant avec des impacts qu’il faut savoir apprécier dans toutes leurs dimensions. Potentiel et Risque du numérique coexistent.

Plusieurs problématiques étaient sous-jacentes dans les différentes interventions de cette journée, données notamment par des professeurs et chercheurs en philosophies, venant des universités de Lyon, Fribourg, Turin, Sorbonne, Paris 8 et de membres du département « Humanisme Numérique » du Collège des Bernardins.

L’intervention du numérique dans l’image, a notablement modifié les concepts de l’image.

  • L’image ne peut pas être dissociée du corps humain qui la formule en définitive, par ses sens, certes l’œil, mais aussi la peau et autres « capteurs » humains.
  • L’image est aussi à prendre dans ses différentes composantes : ombres, lumières, rétine, cerveau. Il y a donc des notions d’intériorisations/extériorisations propre à chaque humain dont les sens donnent une interprétation objective et subjective.
  • Les techniques actuelles du numérique permettent aussi de prendre des vues à 360° à partir d’un seul point géographique.
  • Par ailleurs les progrès technologiques ont aussi modifié les possibilités de prothèse visuelle pour les personnes déficientes visuellement.

Dès lors le couplage Homme/machine en matière de vision, d’écran ou d’image est en pleine mutation.

C’est ainsi qu’apparaît le concept « eye-tracking », qui exprime que les techniques numériques peuvent non seulement préciser ce que l’on voit, mais encore l’émotion ressentie par celui qui regarde, un spectacle, une devanture de magasin, un film de cinéma. Car, en effet les progrès concernant l’analyse numérique du visage, permettent de mesurer l’intensité du regard (semble-t-il par infrarouge), et donc l’intérêt porté par une personne ou collectivement par les spectateurs d’une salle devant un spectacle donné, par exemple.

La notion de « Marchandisation du regard »

Il est donc devenu possible d’évaluer, quantitativement, l’intérêt porté par un individu, un groupement de personnes ou une foule pour une vue donnée, un spectacle, une séquence de film… Et donc d’en faire une étude commercialisable. Les intervenants ont cité notamment : le suivi d’une clientèle de supermarché pour tel ou tel produit, l’intérêt pour telle ou telle présentation en devanture de magasin, et donc la possibilité de remodeler l’architecture des hypermarchés.

De même, les observations enregistrées en salle de cinéma permettent de traiter les scènes ou les épisodes ayant suscité le maximum d’intérêt…etc. D’où l’expression : « la tyrannie du film ».

Ces mêmes techniques sont exploitées pour la conception des nouveaux téléphones et des nouvelles tablettes, en partant du principe que les jeunes passent plus de temps à « produire du contenu » qu’à consulter…

Réflexions sociétale, religieuses, éducatives

  • Un rapprochement entre le nuage biblique, qui évoque la Maison de Dieu et sa Voix, avec le nuage numérique qui guide, anticipe, prédit, oriente et accompagne.
  • Une nouvelle ère des médias, avec un sentiment de dépossession des médias traditionnels, au bénéfice de nouveaux critères flattant ce qui intéresse les lecteurs quelle que soit l’exactitude des informations formulées.
  • Ceci s’oppose au désir de transparence qui serait de plus en plus ressenti dans l’opinion publique, et qui s’oppose aux nouvelles techniques et structures de plus en plus impénétrables dans la gestion de l’information ou de l’éducation.
  • Enfin, en matière d’éducation, il semble que des études ont déjà été réalisées pour étudier les répercussions de la consultation quasi permanente des écrans par des enfants surtout parmi les plus jeunes : confusion entre le rêve et le réel, apparition en progression d’enfants autistes, prudence au sujet de « l’éducation par l’écran ». Question de l’éducation et du respect d’une notion qui n’est pas nouvelle dans son principe mais dans son application « intériorisation/extériorisation ».

En conclusion, évocation de nombreux concepts à dominante philosophique, relatifs à la numérisation de l’image, et à son traitement par les techniques de l’I.A., et une piste très concrète avec l’exploitation actuelle et future de la « marchandisation du regard ».