Ont participé à ce lancement en ligne le 23 juin 2020 : Audrey Azoulay, Directrice Générale, UNESCO, Helen Clark, Présidente du Conseil consultatif du GEM Report (ancienne Première Ministre de Nouvelle Zélande), Manos Antoninis, Directeur de l’organisation GEM Report, ainsi qu’une diversité de témoins. On rappelle que ce rapport annuel comporte systématiquement l’analyse d’un sujet et une très riche série de données statistiques.

Les points clés

La crise sanitaire a aggravé l’exclusion

Pour Audrey Azoulay, il ne fait aucun doute que les crises sanitaires laissent «un grand nombre de personnes sur le bord du chemin, en particulier les filles les plus pauvres, dont beaucoup risquent de ne jamais retourner à l’école. La fermeture des écoles dans 195 pays a touché 1,5 milliards de jeunes entraînant la réduction des soutiens en nourriture, en protection et en support social. Mais les situations d’inégalité et d’exclusion existaient bien avant. La crise est l’occasion d’en identifier les causes et de lancer un appel à l’action. »

Les rédacteurs du rapport GEM 2020 montrent que la pandémie du covid-19 a aggravé les situations d’exclusions. Elle a plus que jamais accentué les disparités. Elle est source de décrochages scolaires et de fracture sociale et numérique qui fragilisent encore davantage les pauvres, les filles et les personnes handicapées. Ils estiment qu’environ 40% des pays à revenu faible et intermédiaire inférieur n’ont pas accordé une attention suffisante à l’inclusion de tous les apprenants défavorisés pendant la fermeture des écoles et notamment à la question de l’accès-ou non- d’internet à domicile. Ils appellent les pays à se concentrer sur ceux qui sont laissés pour compte lors de la réouverture des écoles afin de favoriser des sociétés plus résilientes et égalitaires.

La diversité des apprenants est une force qui doit être célébrée.

Le monde s’est engagé sur la voie de l’éducation inclusive non par hasard, mais parce qu’elle est le fondement d’un système éducatif de qualité qui permet à chaque enfant, jeune et adulte d’apprendre et de réaliser son potentiel. Le sexe, l’âge, le lieu de résidence, la pauvreté, le handicap, l’origine ethnique, l’appartenance autochtone, la langue, la religion, le statut de migrant ou de déplacé, l’orientation sexuelle ou l’expression de l’identité de genre, l’incarcération, les croyances et les attitudes ne doivent être la cause de discrimination pour personne dans sa participation à l’éducation et son expérience éducative. La condition préalable consiste à considérer la diversité des apprenants non comme un problème mais comme une opportunité. L’inclusion ne peut être réalisée si elle est perçue comme un inconvénient ou si les gens sont convaincus que les élèves ont tous les mêmes capacités. Les systèmes éducatifs doivent être à l’écoute des besoins de tous les apprenants, sans exception.

L’exclusion dans l’éducation est persistante, même avant la pandémie 258 million d’enfants et de jeunes étaient entièrement exclus de l’éducation.

La pauvreté est le principal obstacle à l’accès. Dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, les adolescents des 20% les plus riches de tous les ménages étaient trois fois plus susceptibles de terminer leurs études secondaires que ceux des foyers les plus pauvres. Parmi ceux qui ont achevé le premier cycle du secondaire, les élèves des ménages les plus riches étaient deux fois plus susceptibles d’avoir des compétences de base en lecture et en mathématiques que ceux des ménages les plus pauvres.

La langue peut être un obstacle à une éducation de qualité pour certains : les élèves de 10 ans dans les pays à revenu intermédiaire et élevé qui ont été enseignés dans une langue autre que leur langue maternelle ont généralement obtenu des résultats 34% inférieurs à ceux des locuteurs natifs lors des tests de lecture.

Les apprenants handicapés font également face à des défis. Dans 10 pays à revenu faible ou intermédiaire, les enfants handicapés étaient 19% moins susceptibles d’atteindre un niveau minimum de lecture que ceux non handicapés.

Le rapport montre le poids des désavantages croisés pour certains apprenants. Malgré l’objectif proclamé d’achèvement universel du deuxième cycle du secondaire d’ici 2030, pratiquement aucune jeune femme pauvre en milieu rural ne termine ses études secondaires dans au moins 20 pays, la plupart en Afrique subsaharienne.

Le rapport souligne l’importance pour les pays de commencer à surveiller les expériences des élèves, et pas seulement l’apprentissage, notant qu’un élève de 15 ans sur quatre a déclaré se sentir étranger à l’école. Un tiers des jeunes de 11 à 15 ans ont été victimes d’intimidation à l’école. Aux États-Unis, les élèves LGBTI étaient près de trois fois plus susceptibles de dire qu’ils étaient restés à la maison parce qu’ils ne se sentaient pas en sécurité.

Les lois et politiques de certains pays excluent ouvertement.

Les études préalables au rapport GEM 2020 montrent que moins de 10% des pays ont des lois qui contribuent à assurer la pleine intégration dans l’éducation. Le rapport appelle les pays à élargir leur définition de l’inclusion, qui souvent ne couvre pas tous les groupes marginalisés, mais en distingue certains. Les études montrent également que de nombreux pays pratiquent encore la ségrégation scolaire. Dans un quart des pays, les lois exigent que les enfants handicapés soient éduqués dans des environnements séparés, atteignant plus de 40% en Amérique latine et dans les Caraïbes, ainsi qu’en Asie. Deux pays africains interdisent toujours l’école aux filles enceintes, tandis que 117 autorisent les mariages d’enfants, et que 20 n’ont pas encore ratifié la Convention 138 de l’Organisation Internationale du Travail qui interdit le travail des enfants. Dans plusieurs pays d’Europe centrale et orientale, les enfants roms sont séparés dans les écoles ordinaires. En Asie, les personnes déplacées, comme les Rohingyas, sont enseignées dans des systèmes éducatifs parallèles.

Les systèmes éducatifs ne tiennent souvent pas compte des divers besoins des apprenants.

Seuls 41 pays dans le monde reconnaissent officiellement la langue des signes et, dans le monde, les écoles sont plus désireuses d’avoir accès à Internet que de répondre aux besoins des apprenants handicapés. Les filles ont besoin d’eau, de services d’assainissement et d’hygiène pour continuer à fréquenter les cours pendant les règles, mais quelque 335 millions de filles fréquentent des écoles qui n’en ont pas.

Pour refléter les divers besoins des apprenants, les manuels et les programmes doivent être inclusifs, mais nombre d’entre eux sont encore marqués par omission ou fausse représentation. Les filles et les femmes ne représentaient que 44% des références dans les manuels de langue anglaise du secondaire en Malaisie et en Indonésie, 37% au Bangladesh et 24% dans la province du Punjab au Pakistan. Les programmes d’études de 23 des 49 pays européens ne traitent pas des questions d’orientation sexuelle, d’identité de genre et d’expression.

L’évolution vers une éducation inclusive peut être coûteuse, mais il existe de nombreuses méthodes d’enseignement qui peuvent être appliquées gratuitement pour que les enfants se sentent plus désirés à l’école. Les enseignants ont besoin et veulent une formation sur l’inclusion, que moins d’un enseignant du primaire sur 10 dans 10 pays francophones d’Afrique subsaharienne a déclaré avoir reçue. Un quart des enseignants de 48 pays ont indiqué qu’ils souhaitaient davantage de formation sur l’enseignement aux élèves ayant des besoins spéciaux.

Des signes de progrès vers l’inclusion.

De nombreux pays se préoccupent pourtant de répondre aux différents besoins des apprenants, le rapport souligne : l’État d’Odisha en Inde, par exemple, utilise 21 langues tribales dans ses salles de classe, le Kenya a adapté l’enseignement au calendrier nomade et, en Australie, les programmes de 19% des élèves ont été ajustés par les enseignants afin que leurs résultats attendus puissent correspondre aux besoins des élèves.

En conclusion du rapport GEM 2020 : 10 recommandations

Les 10 recommandations visent les causes profondes des obstacles et le large éventail des questions liées à l’inclusion qui menacent les chances du monde d’atteindre les objectifs 2030.

  1. Élargir la compréhension de l’éducation inclusive : elle doit inclure tous les apprenants, indépendamment de leur identité, de leur origine ou de leurs capacités.
  2. Cibler les financements sur les laissés-pour-compte : il n’y a pas d’inclusion quand des millions d’individus n’ont pas accès à l’éducation.
  3. Partager l’expertise et les ressources : c’est le seul moyen de favoriser la transition vers l’inclusion.
  4. Engager une consultation significative avec les communautés et les parents : l’inclusion ne peut être imposée d’en haut.
  5. Assurer la coopération entre les ministères, les secteurs et les niveaux de gouvernement : l’inclusion éducative n’est qu’un sous-ensemble de l’inclusion sociale.
  6. Donner aux acteurs non gouvernementaux un espace pour contester et combler les lacunes : il faut veiller toutefois à ce qu’ils travaillent dans le même but d’inclusion.
  7. Appliquer une conception universelle : veiller à ce que les systèmes inclusifs réalisent le potentiel de chaque apprenant.
  8. Préparer, autonomiser et motiver le personnel éducatif : tous les enseignants doivent être préparés à enseigner à tous les élèves.
  9. Collecter des données sur et pour l’inclusion en faisant preuve d’attention et de respect : éviter les étiquetages stigmatisant.
  10. Apprendre de ses pairs : le passage à l’inclusion n’est pas chose facile.