La crise Covid a profondément affecté le monde de l’Education et les technologies de l’information ont été d’un grand secours pour pallier l’effet de la fermeture des écoles et des universités, mais le bénéfice de cette aide est resté inégalement réparti. Beaucoup reste à faire pour assurer une utilisation universelle des outils de l’apprentissage mobile. Au demeurant tous les apports des technologies de l’apprentissage à distance ne sauraient suffire pour garantir une Education de qualité. Ils ont été indéniables pour faire face dans l’urgence aux besoins nés de la crise, mais rien ne remplace l’Humain.

Toujours en mode virtuel – comme maintenant le sont tous les évènements organisés par l’UNESCO – du 10 au 12 octobre s’est tenu le traditionnel rendez-vous. Il s’agit de la huitième édition de « l’apprentissage mobile » qu’organisent chaque année l’UNESCO et ses partenaires. C’est un évènement important qui répond à l’une des grandes orientations de l’ONU au titre de son agenda 2030 et plus précisément au sujet de « L’Education et les Technologies de l’Information et de la Communication (les TIC) ».

Cette année l’intitulé du programme choisi était le suivant : « Au-delà des ruptures, les futurs de l’Education soutenus par les Technologies ». L’UNESCO tout à fait logiquement a voulu ainsi bien relier ces journées de présentation (plus que d’échanges parce que l’organisation via webinaires ou discours en mode vidéo est forcément contraignante) à ses réflexions sur l’avenir de l’Education.

Le Programme a été organisé autour de trois sujets : 1/ l’évaluation de l’efficacité, 2/des Etudes de cas d’apprentissage à distance et 3/ la définition de Politiques et de Projets de Recherche.

On reprend ci-après quelque unes des idées émises lors de la séance introductive.

L’Introduction par Madame Giannini, ADG du domaine Education

Le choc de la crise Covid a eu un effet accélérateur : beaucoup de Ministres de l’Education ont souligné ce fait avec, sous l’empire de la nécessité, un bond en avant qui en fort peu de temps aura permis souvent la mise en œuvre de réformes techniques qui tardaient à se concrétiser jusque-là.

Mais tous les problèmes sont loin d’avoir été résolus, et nombre de jeunes – des centaines de millions – ont décroché faute d’équipements, d’infrastructures-réseaux, de compétences suffisantes.

Dans les pays les plus défavorisés la fracture numérique a fait ressentir des effets dévastateurs, avec une accentuation des inégalités. Ces déficiences doivent être corrigées avec la mise en œuvre de politiques actives associant le public et le privé.

Plus généralement, la réflexion menée sur les futurs de l’Education doit pleinement intégrer cette problématique qui renvoie au sujet central des accès à l’Education : si le Droit à l’Education est à confirmer pleinement, il faut maintenant compléter cette exigence par un Droit à la connectivité.

Insistance sur l’immensité des besoins à couvrir, avec des données statistiques pour l’ illustrer : 1,5 milliards d’élèves affectés par la crise Covid pour la continuité de leur Education, et singulièrement les Jeunes Filles ; 50% de la population mondiale n’a pas accès à l’internet. Cette vulnérabilité est évidemment, hélas, la plus criante pour les PMA (les Pays les Moins Avancés).

Trois présentations données par des représentants ministériels : trois témoignages d’expérience de politiques publiques en matière d’enseignement à distance

La Finlande

Une stratégie a été définie, articulée autour de deux axes :

  • Une Education numérique ambitieuse et soucieuse d’équité et d’inclusion ;
  • Un engagement à inscrire dans la durée.

Des moyens importants sont mobilisés, il y a une attention toute particulière aux populations marginalisées (compétences insuffisantes, difficultés au sein des familles, etc.).

Il importe de s’assurer de la satisfaction des professeurs et des apprenants, on se soucie d’évaluer l’efficacité de ce qui est mis en place (méthodologie, techniques, contenus).

L’enseignement en ligne est jugé important pour assurer la résilience des systèmes éducatifs, notamment en temps de crise pareille à celle du Covid, mais il faut se garder d’essentialiser cette forme d’éducation. Le modèle promu doit être et est flexible, il mise sur la complémentarité « en ligne » versus « présentiel » : aucun système distant ne saurait remplacer intégralement les enseignements en mode présentiel.

Le Kenya

Une toute autre situation nous est présentée avec le Kenya même si certaines considérations se rejoignent.

La crise Covid a amené une intensification de l’alphabétisation numérique avec la formation de 330 000 enseignants, la distribution d’un million de tablettes via 22 000 écoles.

Les canaux de la Télévision et de la Radio ont été activement mobilisés pour diffuser des programmes ainsi qu’une Plateforme au travers du « cloud ».

Pour sécuriser au mieux les accès à l’information, les pouvoirs publics et le secteur privé (opérateur Télécom notamment) ont collaboré étroitement en développant notamment la fibre optique et en misant aussi bien sur les liaisons Wifi que sur les communications satellitaires. Une enquête auprès des élèves et enseignants qui ont fonctionné en mode virtuel pendant la période de fermeture des établissements a montré un taux de satisfaction relativement élevé.

Cela dit, l’intervenant ne manque pas de préciser que beaucoup reste à faire. Il y a encore une bonne partie du territoire nullement ou insuffisamment couverts par les réseaux de télécommunication ou qui n’ont pas encore l’électricité.

Seconde préoccupation exprimée à propos de l’enseignement à distance : même si de grands progrès ont déjà été accomplis, reste à parfaire la formation des utilisateurs et surtout à être en capacité de conserver une « dose de présentiel » suffisante, celai s’avère indispensable si l’on veut préserver les liens et pour traiter certains sujets comme sans doute ceux qui se rapportent à la Culture.

La stratégie conduite pour promouvoir les technologies au service de l’Education s’articule autour de trois principes directeurs : l’inclusion des Personnes, la Durabilité des solutions et la consolidation des accès.

Le Soudan du Sud

Après la guerre civile dont il faut réparer les dommages, avec la crise Covid, le secteur éducatif doit faire face à un second choc. L’Union africaine apporte son concours.

Un plan d’action a été élaboré. Comme ailleurs, toute une série d’initiatives ont été prises pour préserver autant que faire se peut une continuité des enseignements scolaire et universitaire, en ayant recours à la Technologie (cours par la Radio, activation du e-learning notamment). Des webinaires ont été organisés, les smart phones équipés d’accès à l’internet ont été encouragés. Dans les villes ont été créés des Centres d’assistance. Assurément beaucoup a été fait pour aider à la numérisation de l’enseignement, avec des coopérations entre acteurs, et une aide du secteur Privé (partie technique). Comme l’ont dit les deux précédents orateurs, tout ne peut pas se faire en ligne. Comme dans le cas du Kenya, il faut aussi bien prendre la mesure des difficultés rencontrées en matière de connectivité ; il y a là encore de sérieuses insuffisances qui sont sources d’aggravation des inégalités.

Dernier point en conclusion : l’Education a subi les effets de la crise Covid, elle a nécessité des adaptations souvent révolutionnaires avec l’aide des technologies, ces changements vont s’inscrire dans la durée.

Intervention de deux représentants du monde des Télécommunication 

La Directrice du Bureau du Développement de l’Union Internationale des Télécommunication (ITU) à Genève, Mme Doreeb Bogda Martin, et Mr Ken Hu, Vice- Président chez Huawei, nous ont donné des exemples d’assistance en faveur de systèmes éducatifs pour aider à leur passage au numérique.

Les deux intervenants ont souligné eux aussi l’immensité des besoins à couvrir en matière de télécommunication, pour un monde où l’utilisation massive des outils numériques connectés aux réseaux va devenir une nécessité dans tous les secteurs, et singulièrement dans le domaine de l’Education, l’Education à considérer comme une Promesse pour assurer un meilleur avenir, une vie meilleure nous a dit Mr Ken Hu.

Les exemples de réalisation conduites ou coordonnées par l’ITU et HUAWEI :

  • Pour l’ITU c’est, en lien avec l’UNICEF et l’UNESCO, une Initiative « Connecter toutes les Ecoles », et une entreprise de cartographie de grande envergure (800 000 écoles de 25 pays déjà répertoriées) devant permettre de mieux mesurer les besoins et promouvoir les projets d’interconnexion ; c’est aussi la publication de rapports (par exemple sur les questions se rapportant au Haut Débit en lien avec les exigences de l’enseignement à distance). En collaboration avec CISCO ont été créés des Centres de formation (9 déjà en service) permettant aux gens de se familiariser avec les outils du numérique (projets menés avec l’aide de la Norvège), des formations sont aussi développées à l’attention des enseignants.
  • Le représentant HUAWEI fait d’abord observer l’intérêt des démarches de terrain, menées modestement au plus proche des utilisateurs, par exemple une simple installation du WIFI avec mise à disposition d’un PC peut être d’un grand bénéfice. S’agissant des actions conduites, parfois avec l’aide d’ONG, nous ont été citées deux exemple : le premier en Afrique du Sud avec la mise en ligne de vingt écoles complétée par la mise à disposition de matériels techniques et pédagogiques (pour l’organisation de l’apprentissage à distance) ; une autre initiative a été développée au Sénégal avec une assistance pour la mise en place d’un enseignement à distance au moment de la fermeture des écoles (fourniture de matériels et de contenus numériques de qualité ; formation de 200 enseignants).L’objectif est d’ouvrir l’enseignement à distance à 100 000 élèves. Dernière expérience, l’activation au Kenya d’un « digital truck » fonctionnant à l’énergie solaire et utilisé pour former aux outils numériques avec l’aide d’ONG.