14 ème session ordinaire du Programme intergouvernemental du MOST du 18 au 20 mars 2019 : Faits saillants/Quelques idées mises en évidence.

Le programme international MOST (Management Of Social Transformation) est présidé par Madame Wan Azizah Wan Ismail, Vice Premier-Ministre de Malaisie, qui a animé la réunion du Bureau exécutif (le 18) et les premières sessions de la réunion plénière du Conseil international et intergouvernemental du MOST.

Les discussions ont donné lieu aux présentations classiques des Rapport d’activité et du Plan d’Action MOST mais elles ont aussi porté sur des sujets thématiques qui ont permis un dialogue intéressant entre le Secrétariat et les Représentants des États.

La restitution de ces échanges n’est pas exhaustive, elle donne néanmoins toute une série d’informations sur un domaine UNESCO important en termes de d’actions conduites et de réflexion sur des sujets revêtant parfois une certaine acuité.

Rappel concernant l’Organisation du Programme dans le cadre UNESCO

MOST est un programme qui relève du domaine 3 (le secteur des « Sciences Humaines et Sociales »). Son conseil comprend 35 membres, il est assisté par un Conseil Consultatif Scientifique. Ces instances se réunissent tous les deux ans en session ordinaire. Des sessions extraordinaires se tiennent de façon apériodique (il en est prévu une pour novembre 2019).

Sa Stratégie s’inscrit dans les lignes de l’agenda 2030 de l’ONU et ses Objectif, notamment l’objectif 16 (justice, renforcement des institutions), 10, 17 et 5.

Les Orientations comme les Actions de terrain renvoient à trois ordres de préoccupations (trois piliers) : 1/La Recherche, 2/les Politiques (« l’intergouvernemental », 3/Le Partage des Connaissances

Deux Grandes lignes d’actions gouvernent les initiatives qui sont prises (forum, projets, colloques etc) : 1/mobiliser les connaissances 2/association prioritaire des Jeunes et de la Femme

Quelques idées mises en évidence lors des échanges

  • Si l’on insiste sur le caractère scientifique des activités conduites, on souligne aussi la nécessité d’être orienté sur les résultats des travaux engagés. On rappelle que les sujets traités doivent être ouverts sur la préoccupation des gouvernements. La Présidente a insisté sur ce point : il ne faut pas que les scientifiques s’enferment dans un entre soi étanche.
  • On insiste sur le bien-fondé des dialogues multipartites avec notamment l’implication de la société civile.
  • Au service des objectifs poursuivis, beaucoup d’intervenants ainsi que le secrétariat soulignent l’utilité des Écoles et des Comités nationaux MOST : outils de dialogues, facilitateurs de mise en place de projets, laboratoires d’idées.
  • On voit beaucoup d’intérêt pour le sujet relativement nouveau de la « litteracy of futures », sujet qui donne lieu notamment à des publications, et qui ne manque pas d’intéresser les communautés scientifiques. A cet égard, outre les colloques et forums, il faut souligner le développement des collaborations entre pôles de recherche universitaires au travers de la mise en place de réseaux. Les chaires UNESCO peuvent aussi apporter d’utiles contributions au programme MOST (voir notamment des exemples venant de Russie ou de France).
  • Les interventions des participants révèlent la multiplicité et la variété des initiatives prises au niveau des États, avec parfois l’aide du Secrétariat ou d’autres institutions. Parmi les nombreux sujets traités, on aura relevé les suivants : les migrations et singulièrement les courants migratoires intra régionaux en Afrique (Ghana), l’évaluation des résultats de Projets en faveur de la Famille, des Personnes âgées ou des communautés (Malaisie), l’emploi des jeunes (Madagascar), la prévention des Femmes contre la violence (Nigéria), l’accès des jeunes migrants à l’éducation et à la santé, l’anticipation des questions juridiques et éthiques pour pouvoir se projeter dans des sociétés équilibrées (Kenya) la sécurité sociale apportée aux populations dans les pays en zone de conflit (Egypte), l’adaptation des sociétés face aux conséquences du réchauffement climatique, l’organisation de la société face aux risques de catastrophe (Indonésie), l’éradication du travail des enfants, l’élaboration d’un indice multidimensionnel de la Pauvreté (Argentine) etc.
  • Pour faire partager les enseignements de toutes ces expériences, et aussi comme outil susceptible d’inspirer des actions nouvelles, il est envisagé la mise en place d’une plateforme d’information, mais il faudrait un accord de principe des États et l’obtention de financements.
  • Sur la question des ressources, on insiste pour dire que beaucoup des actions menées ou à mener ne peuvent bénéficier des financements du Budget UNESCO : il faut soit des financements extra-budgétaires soit des détachements en personnel.
  • Les méthodes qui ont amené des résultats positifs peuvent être exportées avec succès (exemples donnés par la Malaisie).
  • Le Secrétariat peut aussi apporter son concours avec des cadres existants qui ont fait leur preuve (notamment pour le suivi de « l’inclusion »).

Cinq Recommandations/Propositions du Conseil Consultatif Scientifique (CCS)

  • Inviter systématiquement un membre du CCS aux réunions du Conseil.

  • Associer plus systématiquement le CCS aux Écoles MOST.

  • Impliquer plus le CCS dans les formulations qui peuvent être suggérées pour des formations ou des cours relatifs à « la matière MOST ».

  • Améliorer ce qui relève des Publications MOST (« discussion papers », ouvrages thématiques, rapports, livres sur des sujets fondamentaux) : plus de stabilité, maintien de l’implication CCS (comme c’est le cas par exemple pour un ouvrage à venir – l’été prochain – sur le concept d’inclusion).

  • Pouvoir intégrer dans les réflexions du CCS les initiatives que peuvent prendre les membres du CCS dans leurs institutions (un exemple donné : exploiter ce qui peut ressortir d’intéressant de la récente publication d’un livre sur les Migrations rédigé par un des membres du MOST).

Sujets thématiques

Quatre sujets étaient à l’ordre du jour : la mobilisation des humanités, les Politiques de l’Inclusion, la « grammaire du futur », et l’intégration des scientifiques.

Seuls les deux premiers thèmes ont été suivis.

La Mobilisation des Humanités

Présentation du sujet

Ce sujet a été présenté de façon très argumentée par M. John Crowley, responsable de la section « Recherche, politique et prospective » du secteur Sciences Sociales et Humaines ».

A partir des conclusions qui ont pu être tirées de la Conférence de Liège sur les Humanités en 2017, la Conférence Générale a demandé que l’on réfléchisse à ce sujet en rapport avec MOST.

L’articulation de la présentation du sujet est la suivante :

Sans même parler des enseignements de la Conférence de Liège (lire la déclaration), au vu de ce que peuvent révéler les crises que traversent les sociétés, il apparaît que pour apprécier les transformations sociales, on ne peut plus s’en tenir aux approches que l’on tend encore à privilégier, à savoir des analyses « à dimension réduite » :  normatives, statistiques, modélisées, et par trop centrées sur le social ou l’économique.

On perçoit « une soif de sens », et les transformations qui s’opèrent ne peuvent plus être analysées seulement avec l’analyse des structures. Il ne s’agit pas de faire table rase des pratiques actuelles, mais de les enrichir en y instillant les apports de ce qu’on appelle les humanités, et qui recouvre les disciplines qui forment les sciences humaines : l’histoire, la philosophie, mais aussi les arts (histoire de l’art) ou la littérature. Ce faisant, les analyses des transformations partout à l’œuvre pourront mieux rendre compte des réalités de notre époque qui n’est pas insensible à la question du sens.

Tout n’est pas encore figé, loin de là, et au-delà des décisions de principe, il faudra les convertir en actes programmatiques, mais on ressent bien un besoin pour aller dans cette direction avec déjà de premières initiatives comme le prochain Forum des Humanités qui va se tenir à Bamako en 2019 et qui aura pour thème spécifique le couple « langues et cultures ». Un autre évènement du même ordre pourrait se tenir en Amérique latine et au Liban.

Pour montrer qu’il ne s’agit pas ici de voir les choses sous un angle purement académique, on rappelle la tenue au Maroc des assises des sciences sociales ET HUMAINES qui ont été un grand succès et ont amené des mesures significatives.

On le répète : il ne s’agit pas de promouvoir une matière réservée aux intellectuels/chercheurs, mais voir comment l’éclairage donné par les Humanités (ou sciences humaines) est important pour la vision de l’avenir.

Débat

On retiendra de façon très résumée les principales réactions exprimées qui amènent à compléter ce qui a été dit, sans véritable opposition de principe, mais à ce stade on en est encore qu’à un échange de vues :

Approbation parce qu’on s’est trop souvent cantonné à des raisonnements « positivistes », déterministes, il est tout à fait justifié de « monter en puissance » sur la question du sens, et d’en apprécier les impacts.

Il y a une ambivalence du concept  des Humanités: le domaine recouvre des disciplines très spécialisées ou bien on le considère comme un ensemble reflétant une identité qu’il s’agirait de défendre, promouvoir, cultiver. Il faut se garder d’une vue aussi étriquée ou de s’enfermer dans le confort de son cocon national. On ne peut que gagner à penser le thème en s’ouvrant à des coopérations ou des échanges interrégionaux, ou transcontinentaux avec de bonnes combinaisons des dimensions sociales et culturelles.

  • Il ne faudra pas oublier de traiter certains sujets comme l’anthropologie, et la question religieuse. Très certainement en la matière les chaires UNESCO seront d’un apport utile. Il y a trop de réticence à s’engager dans l’étude de ces valeurs, des rites et rituels, ou des croyances.
  • Les Humanités renvoient immanquablement à la question des identités. On doit alors se demander si elles ne devraient pas plutôt être intégrées au domaine culturel, en y mettant en lumière la grande question du (des) dialogue(s) interculturel(s).
  • Il est bien d’introduire la dimension des Humanités, parce qu’elles traduisent des singularités qui existent partout, et ne peuvent être mises de côté dans les transformations sociétales : celles-ci ne se posent pas dans les mêmes termes d’un pays à l’autre ou d’un continent à l’autre, qu’il s’agisse des identités, des religions ou des conceptions que l’on a de la tolérance.
  • Il faut penser aux jeunes, à ce qu’ils pensent et à ce dont ils parlent sur les réseaux sociaux.
  • Quant à l’intégration des Humanités dans l’univers MOST, il ne faudra pas oublier l’enseignement des « savoirs indigènes », d’autant plus qu’ils peuvent beaucoup aider en matière de transformation sociale (par exemple en aidant à plus de résilience face aux dérèglements climatiques).
  • Il faut avoir une approche en termes d’évolution pour bien analyser les changements qui s’opèrent (ex. : évolution du fait religieux).
  • En ouvrant MOST au domaine des Humanités, on débouche forcément sur la question des identités, avec un risque de conflictualité. Pour éviter les tensions il est bon de ne pas se focaliser sur la seule dimension nationale, de développer des dialogues interculturels avec un esprit ouvert, moyen d’un enrichissement mutuel et d’une prise de conscience de nos « communs ».
  • En réponse à ces nombreuses idées M. John CROWLEY formule les observations suivantes :
  • Nous n’en sommes qu’au début, et nous accueillons avec beaucoup d’intérêt tout ce que vous nous dites ;
  • On a des initiatives prometteuses ;
  • Suite à une intervention spécifique à propos de la réactivation du réseau des philosophes femmes, on dit que cette initiative a le soutien de la Directrice Générale mais elle ne pourra être financée que par des ressources extra-budgétaires ;
  • On reconnaît qu’il y a une infinie diversité qui ne peut amener à envisager des réponses uniques (comme par exemple la façon de traiter la question de l’Histoire) ;
  • L’important est de raisonner en termes de dialogues, d’interprétation avec la reconnaissance de spécificités ;
  • On fait allusion au Rapport Mondial sur les Humanités qui mobilise 9 équipes pour 9 ensembles régionaux sous l’égide du CIPS ;
  • Bien entendu, le thème des humanités a un lien fort avec le domaine « Culture ».
  • Politiques de l’Inclusion et Développement Durable
  • Présentation introductive
  • MOST travaille avec son Laboratoire des politiques inclusives dans un cadre très précis qui se réfère aux trois piliers :
  • La Mobilisation des connaissances : la collecte des données, leur gestion et leur exploitation à des fins de diffusion ;
  • Les Politiques publiques : examen, évaluation avec des critères bien précisés sur les inégalités ;
  • La Promotion et le Partage des informations : avec les autres agences onusiennes sont mobilisés les réseaux pour les sensibiliser aux questions se rattachant aux deux dimensions clefs que sont l’égalité et l’équité.
  • Le Laboratoire de l’inclusion apporte son concours. Des exemples sont donnés quant aux sujets traités : le climat, l’alphabétisation, la question du genre, la prévention de la violence, l’employabilité.
  • Les travaux appellent à bien contextualiser les sujets, mobiliser des approches multi-sectorielles. Les experts viennent de l’UNESCO ou d’autres organisations (comme l’OCDE).
  • débat
  • L’exercice d’évaluation n’est pas facile à conduire, comment l’UNESCO peut-il nous aider ? par les Bureaux hors siège ? (Kenya) ;
  • Avec l’aide des Commissions nationales, du réseau hors siège et d’une ONG on a mené à bien un projet centré sur l’alphabétisation des adultes (Malawi) ;
  • Préalablement à l’engagement de projets avec des universitaires il est indispensable de bien communiquer pour s’entendre sur les termes, leur langage n’étant pas toujours le même que le nôtre (Russie) ;
  • La collecte des données est essentielle pour mesurer les résultats des politiques conduites en vue de favoriser l’inclusion : il faut notamment s’assurer de leur pertinence et complétude (par exemple avoir des informations sur les savoirs autochtones) (Thaïlande) ;
  • On doit aussi se soucier des « systèmes de connaissance » et des personnes qui y sont impliquées : il faut voir comment ils apprennent et perçoivent ce qu’on leurs diffuse. Se méfier du déploiement des systèmes sans précaution préalable quant à la capacité des utilisateurs à les utiliser avec suffisamment d’esprit critique (danger d’approche top/down) (Thaïlande) ;
  • Les langues autochtones et les savoirs ancestraux sont laissés pour compte, ce peut être un facteur d’exclusion, constitution d’un groupe de travail (Équateur).
  • Le Secrétariat indique que les États sont évidemment libres dans le choix des savoirs qu’ils veulent défendre ou promouvoir.
  • Le souci prioritaire est celui de l’inégalité, et là les données sont indispensables, beaucoup peut être tiré du Rapport Mondial sur les inégalités.
  • Des inégalités sont faciles à faire ressortir (celles qui opposent le Nord au Sud). D’autres sont plus diffuses et partant plus difficiles à traiter (inégalités sociales propres aux sujets étudiés au niveau d’un pays).
  • Le Secrétariat peut aider mais des ressources extra budgétaires sont à mobiliser pour permettre ce concours. On indique qu’avant d’engager un inventaire des connaissances en rapport avec les questions étudiées, il faut faire un état des lieux qui peut durer une année.