200ème session du Conseil exécutif (4-18 octobre2016)

Réunion plénière introductive :
Une situation paradoxale, des activités nombreuses, pertinentes plus que jamais,
mais les ressources sont comptées.

Un film pour commencer : plus de soixante dix ans marqués par de grands moments

Pour cette deux centième session, jugée par certains comme historique ou comme un grand temps fort, une séquence filmée donnée en introduction a rappelé les réalisations et les grands moments de l’UNESCO depuis 1945, avec la reprise certains propos qui ont marqué son histoire : N Mandela -– -l’éducation est une arme puissante pour changer le monde, on doit changer d’attitude – J Delors – il faut éviter un déracinement total – P Neruda, I Gandhi…

Les propos introductifs : importance des objectifs de l’agenda 2030, ODD4 particulièrement, les contraintes budgétaires préoccupantes

Madame Irina Bokova a poursuivi avec dans un premier temps une même tonalité d’espoir, et le rappel de toutes les actions protectrices conduites au fil du temps, des programmes, des débats pour promouvoir les valeurs de la charte constitutive, la Paix, la Culture, dans un esprit de justice et de solidarité ….En la matière, la demande pour continuer d’aller vers plus d’humanité est élevée mais le Monde reste fragmenté, de graves conflits persistent, et les extrémismes se manifestent partout. Pour l’UNESCO il est important que les États viennent soutenir ses actions, cela a été un appel que la Directrice générale mais aussi d’autres participants auront repris avec une certaine gravité au cours de la journée, à un moment où les contraintes financières se font de plus en plus sentir : un participant a même parlé de contexte déplorable.

Les Vice Présidents des groupes régionaux ont été invités à donner chacun leur analyse.

On pourra en retenir quelques points forts : large consensus faisant écho à ce qu’a dit la Directrice générale, pour tout à la fois saluer les actions menées et affirmer qu’il ne faut pas régresser : comme conseiller, laboratoire d’idée, aide aux décideurs publics l’UNESCO joue un rôle irremplaçable pour beaucoup d’États, et ce rôle se trouve renforcé avec les deux grands accords internationaux de l’an passé, qu’il s’agisse de l’agenda 2030 ou de la COP 21.

Les ODD devraient permettre d’instiller une dynamique nouvelle au niveau de l’institution comme des États, et tout particulièrement en matière d’éducation (ODD 4) : avec la question du genre – égalité Femme-Homme- c’est vraiment le thème de l’éducation qui aura été le plus commenté et mis en évidence dans ces propos introductifs mais aussi au fil des interventions qui ont suivi lors du débat ; l’éducation meilleure arme pour le développement et contre le fanatisme.

Le contexte financier n’étant pas très favorable, il y a des propositions pour mieux gérer la ressource, mieux piloter les réalisations au travers d’indicateurs pertinents, se soucier d’apprécier les résultats ( évaluation). Comme dans une précédente session ou à la Conférence générale, on invite à bien se préoccuper des questions de gouvernance, de coordination entre acteurs, de coopération avec les États, d’informations bien partagées.

Autre idée souvent émise : maintenant que les accords sont passés, les lignes stratégiques assez clairement définies ( Afrique, le Genre notamment), il ne faut plus trop s’appesantir sur les concepts ou les principes pour pouvoir aller sur le terrain, l’opérationnel, le concret : quand bien même l’ambition de viser une paix durable et une harmonie culturelle restent des objectifs fondamentaux pouvant paraitre utopiques, ce sont ces réalisations qui sont de nature à nous en rapprocher, des réalisations qu’il faut vouloir continuer d’encourager. Avec cet état d’esprit, pour reprendre l’avis d’un des vices présidents on est fondé à ne pas céder au pessimisme ambiant.

Le Président du COMEX-Conseil exécutif- a souligné l’importance des enjeux actuels, l’UNESCO doit pouvoir relever de vrais défis face aux transformations du Monde avec des risques et des opportunités, et pour y parvenir il lui faut des orientations claires soutenues par de solides réflexions avec la définition de priorités incontestables, ce qui est le cas, mais pour réussir pleinement, il faudra aussi savoir :

1/ bien gérer, rationnellement, avec réalisme, en étant soucieux des coûts et en optimisant les financements
2/bien coopérer avec les États pour répondre au mieux à leurs attentes et
3/ faire preuve de l’esprit de solidarité intellectuelle et morale qui constitue l’une des marques de l’UNESCO .

Avant le débat, le Royaume Uni est intervenu pour mettre l’accent sur l’importance des indicateurs de suivi (un document a été produit, il est souhaité qu’il s’agisse plus qu’un élément d’information).

Les Pays Bas ont obtenu des précisions se rapportant au Programme Hydrologique International (PHI) pour s’assurer que cela ne remettait pas en cause l’institut et ses activités qu’ils financent largement.

Le nouveau Président du Comité des PNG – délégué de la Serbie a indiqué qu’il comptait intensifier les échanges pour améliorer la coopération entre les Etats, le Secrétariat et les ONG .

Mme Bokova a repris la parole pour détailler les nombreuses actions qui ont été conduites depuis le début de l’année (sans parler des actions spécifiques dans le cadre des programmes, plus d’une trentaine d’événements mentionnés se rapportant à tous les domaines couverts par l’UNESCO : rapports – sur l’eau, l’éducation mondiale, les métropoles, les sciences sociales –conférences, journées internationales, atelier sur les ODD, les prix décernés aux États etc.

Une activité soutenue donc , illustrant l’immensité des besoins et des attentes, mais au-delà de ce rapport d’activité très fourni auquel, par la suite, beaucoup de délégations rendront hommage …

… c’est la seconde partie du propos de la Directrice générale qui a pu retenir le plus l’attention  avec ici un développement prononcé avec mesure mais qui sans être alarmiste a donné une idée des préoccupations de l’institution dont les moyens lui sont de plus en plus comptés ; quelques indications chiffrées ont illustré l’ampleur des réductions budgétaires ; la Directrice générale appelle clairement à se soucier des conséquences : risque de devoir abandonner des activités, insuffisance des effectifs, qu’il s’agisse du siège ou du réseau, qu’il s’agisse des activités supports ou de l’opérationnel, de l’administration ou des centres d’expertise. On est arrivé à des niveaux-limites préoccupants qui pèsent sur le fonctionnement de la Maison, et risquent d’affecter le climat social, la motivation des collaborateurs et/ou amener certaines tensions….Le départ d’experts privés de moyens est un risque qui n’est négligeable. Au moment où le COMEX se réunit pour traiter notamment des orientations budgétaires pour les années à venir ( 2018-2021), il est important de prendre conscience d’une situation tendue compte tenu d’un écart manifeste entre les exigences ou besoins à couvrir et les ressources disponibles, même si ont été rappelés certains éléments rassurants (notamment avec l’Union européenne qui a considérablement augmenté sa contribution ou certains États qui apportent des financements extra budgétaires significatifs). Après avoir souligné les difficultés, la Directrice générale a trouvé dans ses derniers mots certaines expressions bienvenues pour dire sa conviction qu’on trouvera les moyens de faire face, et réaffirmé tout son engagement pour y contribuer dans les mois qui lui restent à la tête de cette institution. Parlant tout à la fin d’une initiative originale menée au Mali pour sensibiliser à la préservation des patrimoines, elle a appelé à « donner du cœur à l’ouvrage ».

Le débat : L’éducation, la question du genre, les réfugiés, le réseau hors siège, la forme des dialogues…

La quasi-totalité des intervenants qui se sont exprimés lors de la première journée ont salué les actions menées par l’UNESCO et affirmé qu’il lui fallait conserver son « leadership » sur les domaines de compétence que lui donne son Mandat avec un soutien sans équivoque de ses membres .

Le thème de l’éducation est placé au tout premier rang des sujets considérés comme prioritaires. Un certain nombre de délégations ont particulièrement insisté sur la question du genre, la protection des femmes, et tout particulièrement la représentante de la Suède qui a parlé au nom de son gouvernement qu’elle a qualifié de « résolument féministe » (la Suède est en charge d’un projet spécifique SAGA en rapport avec ces thématiques), il est important ici de réduire les discriminations, et comme l’ont rappelé d’autres délégations, les actions nombreuses à mener passent beaucoup par le biais de l’école, et des questions touchant à l’accès à l’information. Sur le thème des discriminations à l’encontre des femmes on mentionnera, en marge de la session, une petite exposition (« girls and brides ») sur la question des mariages forcés qui affectent encore 70 pays et une quinzaine de millions de (très) jeunes filles chaque année.

La question des Réfugiés et de la lutte contre les extrémismes est évoquée à de nombreuses reprises, et, là aussi, le lien est fait avec l’école ou l’éducation. On a repris l’idée de l’enseignement facteur de réduction des tensions. La Grèce et le Liban ont tout particulièrement insisté sur la nécessité d’investir sur le terrain éducatif là où des centaines de milliers d’enfants appellent à être accompagnés, éduqués dans des contextes très difficiles . La présence de l’UNESCO au Liban est appréciable, et même indispensable compte tenu de l’ampleur des besoins.

Plus généralement, et particulièrement en entendant les contributions émanant de délégations africaines, on perçoit les besoins d’assistance sur le terrain. Les appels ont été nombreux pour demander que soit bien préservé le réseau hors siège, tant sont impérieux les besoins d’aides sur le terrain : clairement un certain nombre d’États craignent comme une forme de désengagement.

Dans le même esprit, à plusieurs reprises ont été lancés des appels à plus se soucier d’ancrer les activités localement : le temps est venu de passer de la parole ou des principes aux actes, concrètement et aussi intelligemment compte tenu des restrictions dont il a été fait état. Il faudra ici savoir innover, être créatif faire preuve d’audace, et aussi de solidarité, tout en prenant conscience des risques sérieux que l’on prendrait à trop couper les budgets… S’il y a de tels désengagements au niveau du budget ordinaire, les ressources extra budgétaires peuvent elles aussi s’amenuiser. Ces conseils ont été donnés par le Président de la Conférence générale qui a été convié à participer à ce débat introductif. Son propos tout aussi appuyé que celui de la Directrice générale a été un appel à ne pas faire preuve d’une légèreté qui rendrait l’institution pareille à une coquille vide, mais en même temps, comme la Directrice générale, il s’est dit convaincu que les contraintes du moment seront surmontées, avec le soutien des États qui ont ici une obligation morale.

A mentionner l’intervention de l’Argentine qui à certains égards pourrait avoir détonné : partant du constat que la situation du monde n’est plus celle des années 1945 ou 1990 où finalement les idées (idéologies) étaient plus clairement affichées ou appréhendées, son représentant fait remarquer qu’on est dans un monde beaucoup plus fragmenté, avec des conflits diffus, multiformes, compliqués, où les États ne sont pas tous impliqués, ou pas impliqués de la même manière, mais où de graves tensions persistent un peu partout, et peuvent rendre difficiles les dialogues apaisés. Les risques avérés sont alors ceux des préjugés, de la haine ou de l’intolérance, de la démesure. Dans ce contexte, l’UNESCO peut apporter une contribution positive et exemplaire, étant alors parfaitement dans le cadre de son Mandat au service de la Paix . L’idée avancée est non pas celle d’une neutralité en quelque sorte aseptisée, mais d’une « neutralité active » qui devrait imprégner tous les inévitables (et bienvenus) dialogues qui sont conduits dans le cadre des activités de l’UNESCO. Ainsi est il proposé que sur le terrain, concrètement, les parties prenantes aux dialogues entreprennent ensemble leurs actions de façon exemplaire au service des missions de l’institution, nonobstant les positions qui peuvent les distinguer : pas de partis pris, concentration sur des objectifs précis au service de la Paix. Il est indiqué qu’une proposition sera faite en ce sens. On aura peut être du mal à voir dans quelle mesure et de quelle façon elle pourrait constituer une nouvelle avancée. Cela dit, on retiendra l’esprit de cette intervention originale, qui vise à permettre et promouvoir des actions constructives en transcendant les antagonismes au service de la Paix de façon exemplaire.

A retenir aussi :

L’hommage appuyé rendu à la mémoire de M Shimon PEREZ qui fut un artisan de Paix et un grand ami de l’UNESCO.
Un message est adressé par beaucoup aux pays qui ont été victimes de l’ouragan MATHEW.
Les félicitations
sont adressées à M SANTOS Prix Nobel de la Paix 2016 et à M. A GUTERRES désigné par le Conseil de sécurité comme le prochain Secrétaire Général de l’ONU.

Parmi les prochaines manifestations en marge des sessions du COMEX , à noter le 18 octobre prochain une Conférence donnée par M GORDON BROWN à l’occasion de la sortie du rapport sur l’Éducation mondiale et son financement.(14h-15h).