200éme session du Conseil Exécutif – Journée de clôture
18 octobre 2016
Intervention de M. Gordon Brown
A cette occasion, a eu lieu la présentation du rapport de la « Commission internationale sur le financement des opportunités éducatives » par son Président, Mr Gordon Brown, envoyé spécial des Nations Unies pour l’éducation globale; intitulé du rapport : « Generation learning : Investir dans l’éducation pour un monde en mutation ».
« Un document de référence » qui fera date, « a landmark report », pour reprendre ce qu’a dit en introduction Madame Irina Bokova ). L’éducation est un domaine essentiel sur lequel il faut massivement investir. La communauté internationale doit se mobiliser pour répondre à d’immenses besoins, prioritairement du côté des pays les plus pauvres mais aussi là où sont les réfugiés. Il faut un engagement collectif fort pour débloquer la contrainte financière. C’est sur ce terrain là que réside la plus grande difficulté. Une nouvelle approche et des mécanismes innovants peuvent rendre possible la réalisation d’un objectif majeur.
Mr Gordon Brown a présenté sa vision et les grandes lignes du rapport avec une clarté, une force de conviction et de persuasion que l’auditoire n’aura pas manqué d’apprécier à sa juste mesure.
D’entrée, le rappel de certains chiffres est venu comme une interpellation : 800 millions de jeunes qui ne bénéficient pas d’une éducation digne de ce nom (« decent »), 200 millions d’entre eux sont quasiment exclus de l’école, … Si rien n’est fait pour forcer l’allure, les objectifs du millenium en matière d’éducation seront loin d’être atteints à l’horizon 2030. Ce constat est préoccupant.
Il y a donc urgence, et cette idée force, bien mise en évidence par Mr Brown, ne peut, selon lui, que rencontrer le soutien de l’UNESCO, dont l’éducation constitue l’une de ses Missions essentielles, et qui, dans les actions à mettre en œuvre, doit pouvoir jouer pleinement son rôle comme conseiller, pilote de programme ou comme expert sur quatre champs d’activité cruciaux : le suivi statistique, les curriculums, la planification et la formation.
Quatre propositions sont avancées, avec un souci avéré de pragmatisme et beaucoup de conviction :
I – Améliorer prioritairement les niveaux (« standards ») des pays les plus en retard, qui sont aussi les plus pauvres…
en les incitant à s’inspirer de certains pays qui ont réussi, et qui par là, peuvent servir de modèles, un peu comme des pays à l’avant-garde ; sont cités le Vietnam, ou le Botswana.
II – Développer massivement l’investissement, pro activement : passer des promesses aux actes…
…sachant qu’encore trop souvent les plans annoncés ne sont que très imparfaitement réalisés. Par exemple, le Pakistan qui visait 4% de son PNB en dépenses d’éducation, ne parvient qu’à 2%. Ceci suppose de l’engagement et beaucoup de rigueur dans les allocations de ressource, mais il faut aussi disposer de fonds suffisants, et c’est ici que le bât blesse très souvent. D’où la troisième proposition.
III – Mettre en œuvre des politiques ambitieuses et ingénieuses pour lever des fonds
1/ Les aides financières sont insuffisantes. Il faudrait quasiment les multiplier par 10 en les portant de 2,5 milliards de dollars à 20 milliards … Pour M Brown ce montant n’a rien d’excessif au regard du niveau du PNB mondial (plus de 80 trillions de dollars).
2/ Pour faciliter la levée de tels montants, il est proposé que soient mis en place des mécanismes consortiaux, où se trouveraient associées de la façon la plus efficace possible toutes les institutions financières internationales (multilatérales ou/et régionales comme la World Bank) et autres types de donneurs.
IV – Miser sur la solidarité et l’efficacité
Il doit être fait appel à la générosité des Pays les plus riches qui, dans leur aide au développement, devraient plus privilégier le secteur éducatif. En outre, dans ces efforts demandés aux donneurs, il est proposé de mieux gérer tout ce qui est subventions et conditions concessionnelles sur les prêts. Il est notamment recommandé de lier les deux formes d’aide pour éviter les phénomènes de dispersion qui sont de nature à complexifier les choses.
Sur le thème de la solidarité, un développement particulier a porté sur l’éducation des enfants des populations réfugiées, dont le nombre se situe au plus haut niveau jamais atteint depuis 1945. Il faut faire plus, aller plus vite. Les fonds mobilisés doivent permettre des actions massives, menées systématiquement, de toute urgence. Il y a là 20 à 30 millions d’enfants concernés. Ces interventions se justifient au plan humanitaire, mais pas seulement. Elles améliorent la sécurité( l’éducation est le meilleur moyen de lutter contre l’embrigadement terroriste des jeunes) et ce sont aussi des promesses de développement (voir l’exemple touchant donné par M Brown d’un enfant de douze ans au Liban qui veut étudier, et dit vouloir devenir ingénieur pour reconstruire son pays).
Quelques questions ont pu être posées à l’issue de cette présentation courte mais dense et nourrie d’une vision somme toute positive sur tout ce qui pourrait se dessiner dans les années à venir avec l’aide de la communauté internationale.
De la réponse globale donnée à ces questions on aura relevé quelques éléments intéressants :
Il ne faut pas craindre les difficultés d’absorptions pour la mise en œuvre si les fonds arrivent massivement : qu’il s’agisse des infrastructures, de formation des professeurs, de diffusion des nouvelles technologies, des domaines sur lesquels l’UNESCO a toutes les compétences voulues, le problème actuel est partout avant tout financier. C’est ce blocage qu’il faut lever.
A été évoquée la mise en place d’un groupe de coordination et de suivi des préconisations, avec la crainte que l’on complexifie les choses. Ce risque n’existe pas vraiment dès lors qu’on mise sur l’existant, par exemple l’UNESCO. En tout état de cause, il importe d’éviter toute dérive bureaucratique.
Enfin a été à nouveau abordée la question des réfugiés. Sur ce point particulier Gordon Brown a souligné les efforts massifs engagés sur le terrain, tout en notant que beaucoup reste à faire et que, là comme ailleurs, ce sont souvent les financements qui font défaut, et nuisent ainsi à une bonne mise en place des programmes éducatifs.