Vers une grande transformation, stratégique, organisationnelle et managériale

Les discours du Président du Conseil exécutif, M Lee, de la Directrice générale, Mme Azoulay, et de la Présidente de la Conférence générale, Mme Alaoui.


Propos liminaire du nouveau Président M. Lee qui a souhaité, avec les renouvellements engagés, que l’UNESCO surmonte les difficultés du moment et que l’on fasse preuve d’optimisme au service d’une institution dont les compétences sont essentielles. Il a rappelé brièvement les enjeux que représentent pour l’UNESCO les défis d’un monde qui change rapidement et la nécessité de fonctionner autrement. Pour parvenir à défendre « l’esprit UNESCO » et les valeurs fondamentales que sert l’institution, il a appelé tous ses membres à faire preuve de bonne volonté et à agir ensemble avec un sens des responsabilités et une aptitude à savoir faire des concessions mutuelles.

Intervention de la directrice générale, Madame Azoulay dont c’était la première déclaration devant le Conseil exécutif. Très attendue, son assez longue allocution n’aura pas déçu, elle a été saluée par de nombreuses délégations lors du débat qui a suivi.

Des propos tenus par la nouvelle Directrice générale, on aura pu noter certaines confirmations de ce qu’elle avait pu esquisser lors des premiers événements auxquels elle a participé depuis son entrée en fonction il y a quatre mois. Cependant, cette fois ci, on a entendu un discours très complet, clair et engagé, portant la marque d’une personnalité qui d’entrée signale sa résolution à vouloir transformer profondément l’institution tout en préservant l’esprit qui l’anime depuis sa création au service de la Paix dans les domaines de sa compétence.

Avec beaucoup de conviction, elle a exprimé son souhait de voir l’UNESCO mieux reconnue et, dans une expression très structurée, sans préjuger de ce qui pourra ressortir des groupes de travail qu’elle compte mettre en place, elle a néanmoins donné des lignes de conduite et des principes directeurs relativement précis, et annoncé un premier train de réformes organisationnelles avec comme principale innovation l’annonce de la création d’une entité au niveau Direction (dirigée par un Adjoint DG) en charge des domaines Ressources humaines, Finance, Fonctions support et sécurité ainsi que de la communication et traitement de l’information.

De façon plus précise on aura retenu les éléments suivants :

  • Insistance sur la nécessité des coopérations et du multilatéralisme, deux principes sans lesquels, notamment dans le domaine de l’éducation, l’UNESCO ne pourra pas vraiment mener ses programmes ;
  • Un espoir exprimé en discernant quelques signes d’encouragement (comme par exemple des signes de bonne volonté venant d’une douzaine d’États qui ont mieux honoré leurs engagements ces derniers mois) ;
  • Appel à sortir des vaines querelles ou des conceptions fondées sur la seule défense des intérêts nationaux : il ne faut pas entrer dans ce cercle vicieux, on doit développer des dialogues apaisés en misant sur l’intelligence collective ;
  • S’agissant de l’organisation de la gestion des ressources humaines, la DG entend encourager la mobilité, renouveler les pratiques et les équipes, alléger les conditions de fonctionnement, et fonder les recrutement sur quatre critères bien précis : le genre, la diversité, les compétences et le rajeunissement ;
  • Souhait de plus et mieux intégrer les initiatives de l’UNESCO dans le système onusien avec un double objectif : éviter les doublons et mieux faire reconnaitre le savoir faire de l’institution là où elle a manifestement un « avantage comparatif ».

Les Programmes

Quatre points à relever :

  • Placer les Programmes au cœur de la transformation stratégique, pour relever les grands défis de l’heure, en les intégrant bien dans le Monde et avec le concours des États ;
  • Penser les Programmes : sélection sur la base d’une analyse préalable rigoureuse – critique et prospective- , appréciation du pour et du contre, consultation et avis d’experts extérieurs indépendants, ciblage sur les priorités (pas de dispersion).

Quelques grands chantiers mis en exergue comme illustration des priorités :

  • les actions pour prévenir l’extrémisme violent (voir notamment un programme soutenu par le Canada destiné à plusieurs pays du pourtour méditerranéen : initiative tournée vers les jeunes) ;
  • actions concernant l’environnement (un projet soutenu par la Banque africaine de développement associant plusieurs pays du Sahel concernant le lac Tchad) ;
  • l’initiative « Esprit de Mossoul » avec trois composantes : reconstruire, développer des actions culturelles, participer à la restauration du système éducatif ;
  • souhait que pour tous les programmes on puisse mobiliser au mieux les ressources du numérique et pleinement exploiter les « data » dont on peut disposer, avec le concours de l’Institut des statistiques qui doit être conforté.

Les secteurs
Coups de projecteur très complet pour à la fois exprimer certaines appréciations et lister les domaines sur lesquels doivent travailler les services, en signalant aussi certains des évènements à venir.

Éducation
C’est sur ce domaine tout à fait essentiel qu’ont été consacrés les plus longs développements. Trois réflexions préalables, expression de trois problématiques sur lesquelles il faut faire porter les efforts : l’inégalité « Homme-femme » encore trop criante, la Performance des systèmes éducatifs et la Valorisation des travaux conduits, avec ici un rôle d’impulsion que pourra jouer le « Conseil directeur de l’Éducation ».

L’agenda 2030 avec l’ODD4 pour lequel l’UNESCO est chef de file (avec un Conseil de pilotage dédié) est essentiel. Mme Azoulay salue l’initiative de l’Argentine qui a fait inscrire l’Éducation comme une priorité du G20.

La Directrice générale affirme que le domaine Éducation est une grande priorité de l’UNESCO parce que c’est le meilleur moyen de servir la Paix (résilience, réconciliation, harmonie). L’institution doit pleinement jouer son rôle et le rendre plus visible ou lisible, qu’il s’agisse de définir des normes, donner des éclairages ou suggérer des lignes directrices ou enfin d’aider les États.

Sciences et Sciences Humaines

Beaucoup de sujets ont été rappelés,  notamment :

  • ce qui a trait à l’eau (allusion au récent forum de Brazilia, publication du rapport sur la « diplomatie de l’eau ») et aux océans (soutien à la COI) ;
  • s’agissant des SHS, Le rôle de la COMEST est souligné.

Culture

Quatre problématiques mises en évidence

  • la protection des patrimoines (matériels et immatériels) dans les zones de conflit (qui fait écho à la résolution 2347 de l’ONU)
  • la circulation des biens culturels (une conférence prévue pour le mois de juin) ;
  • l’accompagnement des industries culturelles ;
  • le réseau des villes créatives pour un développement durable ;

Communication et Information

  • rappel des thèmes déjà traités mais qu’il faudra continuer d’étudier (le racisme, le dialogue interculturel, la liberté d’expression, les réfugiés etc) ;
  • autres préoccupations importantes : la sécurité des journalistes (femmes tout particulièrement), préservation et accès au patrimoine documentaire y compris le numérique.

L’éthique du numérique et l’intelligence artificielle ont fait l’objet d’un développement précis. S’il y a en ce domaine une ambivalence avérée et beaucoup d’ambiguïté, il importe que l’UNESCO s’y intéresse au titre de ses compétences. S’il s’agit de questions complexes à dimension transversale, dans un contexte mouvant et incertain, il y a lieu d’engager une réflexion sur la nécessité d’introduire certaines normes. Pour la Directrice générale, le sujet doit être travaillé (évolution du droit, définition d’un cadre) de façon à pouvoir aider les États dans les politiques publiques qu’ils doivent maintenant envisager. L’UNESCO pourrait alors élaborer un message à leur attention : par exemple sous forme d’une déclaration à la manière de ce qui a été fait il y a quelques années sur le génome.

Ouvrir l’organisation

  • d’abord le Siège en le rendant encore plus accueillant, notamment au travers d’une meilleure valorisation du patrimoine artistique dont dispose l’UNESCO ;
  • ensuite en intensifiant la communication institutionnelle pour que la voix de l’UNESCO soit plus entendue, et qu’on la reconnaisse plus qu’actuellement comme une référence : un groupe de travail devra réfléchir à ce sujet sur le contenu et l’organisation de la communication avec cette idée de messages à plus faire entendre ;
  • Les partenariats doivent être développés notamment avec le secteur privé (voir ici deux exemples, ceux de L’Oréal sur la promotion de la Femme dans le domaine de la Science et de l’OCP au Maroc sur l’avenir de l’Afrique). Cela doit être fait de façon professionnelle et des formations devront être organisées sur ce point en particulier pour ce qui est de la levée de fonds.

Moderniser l’ensemble de l’organisation

Réforme des structures, nouvelles pratiques managériales, accent mis sur : l’évaluation des performances, formation et la mobilité, l’organisation des délégations, des circuits de décision, du travail sur le terrain (Le Réseau), les interactions avec les autres agences de l’ONU.
Sur tous ces sujets des groupes de travail vont être appelés à faire des propositions qui devront être issues d’une large concertation. L’ensemble des chantiers devra être piloté par une équipe projet dédiée qui devra être dotée en moyens suffisants.

Conclusion de la Directrice Générale

Le propos conclusif de la DG a résonné comme un appel mobilisateur dont on retiendra les interpellations suivantes :

  • si nous voulons répondre aux nombreuses attentes, il faut rester unis et agir Ensemble ;
  • on doit se moderniser pour rester à la hauteur des défis à relever ;
  • si on veut que l’UNESCO exerce efficacement ses Missions au service de la Paix, les États doivent nous aider, c’est un devoir sacré car notre institution est à un tournant décisif de son histoire ;
  • et cela doit s’opérer au travers de dialogues dont on ne peut que tirer un bénéfice comme l’a dit J HABERMAS cité par la Directrice générale en parlant du « gain de la discussion » lorsqu’on sait « se décentrer » car c’est le meilleur moyen pour « appréhender la diversité » ;
  • invitation à mener ces dialogues en confiance et de manière responsable, pour les traduire en acte dans les programmes qui doivent illustrer le rôle unique que joue l’UNESCO comme conscience morale de l’humanité.

Allocution de Madame Alaoui, Présidente de la Conférence Générale

Comme elle l’a fait en novembre devant la Conférence Générale lors de sa prise de fonction, pour cette première adresse à un Conseil exécutif largement renouvelé, Mme Alaoui a prononcé un discours très engagé, avec des paroles fortes pour dire que l’UNESCO est à la croisée des chemins, qu’il lui faut voir se dessiner un avenir serein… Il est crucial alors, nous a-t-elle dit, de réformer l’organisation, de s’engager dans une transformation stratégique, d’assurer une mobilisation des ressources suffisantes et consolider le réseau hors siège, entrer dans la modernité tout en restant fidèle aux valeurs qui la fondent en vérité, mais, a-t-elle ajouté, rien de tout cela ne pourra se faire si l’ on est incapable de préserver la confiance partout et entre tous (la Direction générale, les Services , les organes directeurs).

L’important est que l’UNESCO préserve son âme, et, ajoute l’oratrice, cela rend impératif le respect de quelques principes essentiels :

  • nos combats doivent être collectifs, il faut être solidaire ;
  • notre souci doit être l’UNESCO avant tout, il faut se garder des vaines querelles qui ne feront qu’en altérer l’image ;
  • nous sommes tous égaux, pour assumer ensemble une grande responsabilité collective ;
  • il faut viser l’entraide, mettre notre valeur ajoutée au service des Populations, avec des impacts sur le terrain, visibles, qui concourent à la crédibilité de l’UNESCO ;

Nos discours doivent se traduire en actes, mais pour être crédibles et gagner la confiance, il faudra avoir la confirmation d’une stratégie clairement définie, une bonne articulation des organes directeurs et une saine gestion menée dans un cadre réformé. S’il faut restituer au terrain son juste positionnement, on doit se garder d’abandonner le domaine de la réflexion intellectuelle ou spirituelle et, aux confins des deux, il y aura lieu de consacrer toute leur place aux questions éthiques.

De ce vibrant appel, en conclusion du propos retenons ces quelques mots : « l’UNESCO est entre vos mains, elle sera le produit de ce que vous déciderez »… Une interpellation qui, il faut l’espérer, va pouvoir être suivi d’effets positifs dans les temps à venir.
( à suivre synthèse des débats et réponse de la directrice générale)