Un autre candidat ayant renoncé, Mme Azoulay est seule à se présenter. Le Conseil exécutif, suivant la procédure, est invité à auditionner la Directrice Générale qui souhaite voir son mandat reconduit pour quatre ans. Il soumettra cette proposition avec son avis auprès de la Conférence Générale, l’organe décisionnaire en la matière. Une décision favorable ne fait aucun doute, non seulement parce qu’il y a une seule candidature, mais aussi parce que, aussi bien lors du débat introductif de la présente session qu’au cours de cette audition, les avis exprimés ont tous été positifs et assortis d’observations élogieuses.

Ces précisions étant données, le Conseil, au cours d’une audition qui aura duré une heure et demi, aura pu y trouver un double intérêt avec 1/ Une déclaration préalable de la candidate qui a fait part de ses objectifs et a donné les grandes lignes de la conduite qu’elle entend tenir pour les années à venir et 2/Les réponses à douze questions selon une organisation du temps minutée.

Dans l’ensemble, la Directrice Générale s’est exprimée avec beaucoup de conviction et de clarté en reprenant dans une large mesure les propos qu’elle a tenus lors des dernières sessions, tout en y ajoutant de nombreuses indications sur ses intentions quant à la manière de conduire les grands chantiers qu’elle entend poursuivre ou ouvrir, avec un personnel dont elle a salué la qualité de ses contributions, les Etats membres et les partenaires habituels ou nouveaux sur lesquels l’UNESCO doit pouvoir compter et plus particulièrement les Commissions nationales auxquelles elle a fait allusion à plusieurs reprises.

Déclaration de la candidate

Courte allocution, au cours de laquelle la DG a d’abord tenu a rappeler son intention de poursuivre activement la transformation stratégique et organisationnelle de l’UNESCO qui est attendue alors que l’on est à un « moment charnière » au sortir de la pandémie avec toutes les interrogations sur la mondialisation qui se trouvent posées. Elle souhaite renforcer l’institution en prenant appui sur les richesses de son expertise, le concours financier de ses membres et la puissance de l’intelligence collective que produit la rencontre avec tous ses partenaires. Parmi les thèmes qu’elle entend privilégier elle a cité l’intelligence artificielle et le numérique, les Sciences, la défense du vivant, l’éthique et les actions pour combattre le racisme.

Elle a dit toute l’importance du document C4 qui, comme l’ont reconnu les délégués, donne clairement les objectifs stratégiques et les priorités globales pour les années à venir.

Questions-Réponses

Questions posées par les représentants des groupes électoraux, et par six autres délégués tirés au sort sur les 18 qui s’étaient portés candidats pour des interrogations au titre de leur Etat.

Questions des Groupes électoraux

Asie-Pacifique (ASPAC)

Comment ferez vous pour mener à bien vos objectifs ambitieux compte tenu de la contrainte financière ?

Il faut compter sur l’entraide internationale, des pays comme la Corée, le Japon font beaucoup ; nos Bureaux sont actifs et agissent avec l’aide des Etats qui les accueillent (ex : Indonésie) ; il y a ici aussi l’Inde qui finance l’institut Mahatma Ghandi. Sont aussi mentionnés les contributions de la Coalition mondiale pour l’Education et celles de la Chine.

Pays Arabes

Quelle vision avez-vous quant à la présence de l’UNESCO dans les pays Arabe ?

Sont rappelés les nombreuses actions actuellement conduites et qui devront se poursuivre, notamment les réhabilitations en zones sinistrées (Mossoul, Liban), les aides pour l’Education des personnes déplacées ; Ces actions sont menées conjointement avec les Etats (Egypte, Emirats, Jordanie, Union européenne etc.). Il est fait aussi mention d’actions dans le domaine des sciences (diplomatie scientifique, partage d’équipements d’excellence, un projet spécifique – Sésame).

Afrique

Comment allez vous vous mobiliser sur la priorité Afrique avec l’aide du réseau hors-siège ?

L’Afrique est un continent d’avenir avec une population très jeune. C’est un enjeu crucial. On continuera d’agir sur le terrain avec des objectifs concrets : la connectivité et l’inclusion des filles (éducation), aide pour inscrire ou réhabiliter plus de sites africains sur la liste des Patrimoines (avec l’aide de la Norvège et de la Suisse). Quatre moyens aideront : une allocation au titre du budget significativement accrue, un appel aux donateurs volontaires, une mobilisation d’équipes dédiées, un suivi rapproché des réalisations.

Europe (de l’Ouest)

La pandémie a pu mettre à mal certaines libertés fondamentales et a aggravé les inégalités, menacé les Droits de l’Homme ou le Développement durable : quelle est votre appréciation et comment comptez- vous faire face ?

Miser pleinement sur le Multilatéralisme et se conformer plus que jamais aux valeurs communes telles qu’elles figurent dans la Charte de l’ONU et l’Acte Constitutif de l’UNESCO ; on le fait et on doit continuer de le faire par nos mots et nos actes dans tous nos domaines (Education, notamment l’éducation à la citoyenneté et l’éducation aux media, les sciences, la Communication et l’Information). Ce doivent être aussi bien des plaidoyers (pour le droit à l’éducation, la liberté d’expression par exemple) que des actions de formation, de publication et de sensibilisation (des journalistes, des juges, des jeunes) ; les efforts doivent aussi porter sur les questions éthiques, en particulier dans le domaine des sciences, de l’Intelligence Artificielle et du traitement des données.

Europe (Centrale et de l’Est))

Sur quoi allez-vous vous concentrer prioritairement ? Avez-vous l’intention de vous engager sur de nouveaux projets ?

Un fait, nous sommes déjà engagés sur de gros projets qu’il nous faut mener à bien. Cela dit, il peut y avoir nécessité d’ouvrir de nouveaux chantiers sans qu’ils n’aient pu être prévus, comme nous l’avons fait sur Mossoul et Beyrouth et aussi, il faut le souligner, en lien avec tout ce qui a été initié face à la pandémie. L’important est d’avoir une réactivité suffisante, et nous pourrons le faire en nous réformant pour avoir un fonctionnement plus agile.

La DG mentionne à nouveau les sujets sur lesquels il y aura lieu de développer l’action : les données, les nouvelles pratiques de management, l’éthique, notamment l’éthique des sciences, la citoyenneté.

Amérique Latine et Caraibe (GRULAC)

Comment voyez vous l’UNESCO sur le terrain ?

Il faut intensifier la mobilisation du réseau et bien mesurer tout ce que les Bureaux hors siège apportent : on va accroître leur dotation (leur part dans le budget va passer de 34 à 40%), appeler à une plus grande collaboration avec le siège ; il faut éviter une sorte de césure, on doit développer les mobilités du personnel avec l’accent plus mis sur des détachements du personnel du siège vers les bureaux. Le réseau peut jouer un rôle important pour les réalisations des programmes sur le terrain, et de ce point de vue, le GRULAC en donne la preuve (voir ses contributions au titre de la formation aux métiers de la Culture – projet TRANSCULTURA – l’organisation d’évènements ciblés, les travaux conduits sur les populations autochtones).

Question des Etats

Jordanie

Comment pourra-t-on parvenir à une réelle mise en œuvre des toutes les résolutions prises à propos de la Palestine occupée et de Jérusalem ?

L’engagement fort, le rôle essentiel des médiations (qui ont produit des résultats), la modération, la persévérance, l’attention aux mots exprimés.

Portugal

Que peut on dire de réellement nouveau à propos de l’Education ?

D’abord, l’organisation d’une consultation de très grande envergure sur le sujet des Futurs de l’Education : cela aura été une « conversation inédite » avec une ouverture à de multiples voix dont celles du réseau des chaires Unesco, mais aussi des Commissions nationales et de la société civile. On doit aussi mentionner les efforts déployés pour améliorer le site qui est de plus en plus consulté. Autre sujet sur lequel, beaucoup a été fait : la question des langues autochtones.

Au-delà du domaine Education ,il faut insister sur les contributions des réseaux UNESCO : elles sont une réelle richesse pour nourrir les réflexions, on le vérifie en particulier avec notre réseau des chercheurs scientifiques ou celui des jeunes.

Chine

Comment pourrez vous faire face aux fragilités de l’UNESCO par le biais de la Transformation stratégique ?

La Directrice Générale réitère ce qu’elle a dit lors de sa déclaration : ne pas être en retrait, ou se « brider » : il faut rester ambitieux et surmonter les difficultés avec conviction en sachant convaincre. Elle répète les moyens sur lesquels elle compte pour concrétiser cette ambition : le management agile et réactif, la mobilisation des ressources extra-budgétaires, une meilleure contribution du réseau et, sujet sur lequel elle a mis l’accent à plusieurs reprises, une plus grande attention à la question essentielle des données (la collecte, leur traitement, leur analyse).

Madagascar

Votre vue sur le Programme « Histoire de l’Afrique » ?

Sujet important : il faut poursuivre les recherches et les publication de cette histoire générale de l’Afrique avec la collaboration des scientifiques ; il y a un besoin de ces Récits ; connaître la Mémoire du passé aide à mieux se situer et se projeter dans l’avenir.

On va produire de nouveaux volumes sur cette longue Histoire, mais le « chantier » ne s’arrête pas là : il est très important de se soucier de la diffusion de ce savoir dans les Programmes scolaires ; l’Union africaine partage cette vue, on engagera l’action avec elle en innovant avec de nouvelles méthodes (mobilisation de l’art) et de nouveaux outils (films, vidéo).

Tunisie

Avec la crise Covid, certaines idées ont été émises comme pouvant refléter des doutes ou remises en cause de la vérité scientifique : quelle réflexion cela vous suggère ?

D’abord rappeler l’immense succès scientifique que représente la découverte en peu de temps des vaccins contre la Covid et toutes l’amélioration de nos connaissances du génome. Il est important de pouvoir former plus de scientifiques, mais aussi de mieux faire comprendre ce que sont véritablement la Science et la démarche scientifique. L’UNESCO doit ici pouvoir jouer son rôle pour expliquer et informer le plus grand nombre, et montrer concrètement tout ce que la Science apporte et qui est très souvent mal connu ; tel est le cas, par exemple, de ce qui est fait dans le domaine de l’océanographie ; il y a ici matière à plus disséminer les connaissances, faire œuvre de vulgarisation pour éclairer les opinions publiques ; on peut aussi penser aux actions qui gagneront à être menées dans le domaine de la santé ou du numérique.

Italie

Comment l’UNESCO peut conforter sa position au sein de la famille onusienne dans ses domaines de compétence ?

Il faut d’abord rappeler la très grande spécificité qui caractérise l’UNESCO dans le système onusien : elle est la seule agence à être à la fois laboratoire d’idée, productrice de normes et acteur de terrain. Elle a aussi à couvrir une large palette de domaines. Tous ces éléments conjugués, doivent l’amener à collaborer avec beaucoup d’autres organisations de l’ONU avec souvent un rôle de chef de file (voir par exemple le domaine Education). La Directrice Générale cite les domaines ( exemple : la biodiversité, l’océanographie, la science du vivant, l’information etc) qui conduisent naturellement l’UNESCO à collaborer avec de nombreuses autres structures onusiennes comme l’OMS, L’Unicef,la Commission des Droits de l’Homme).

Conclusion

Courte conclusion au cours de laquelle Audrey Azoulay a voulu dire sa gratitude à tous ceux qui lui ont adressé des mots de reconnaissance.

Elle a redit à quel point l’UNESCO était puissante et unique au sein de la famille onusienne au travers de sa capacité de diagnostic, de sa présence active sur le terrain et de son aptitude à pouvoir mobiliser la solidarité internationale sur de grandes causes.

L’important, a-t-elle ajouté, est de toujours pouvoir le montrer en sachant « parler vrai ».