12 novembre 2015

A LA RENCONTRE DE TÉMOINS ENGAGÉS

AU SERVICE DUN PATRIMOINE DE LHUMANITÉ MENACÉ

Protection du patrimoine culturel, trésors de l’humanité ; des Risques de destruction face au terrorisme ; la mobilisation internationale doit s’intensifier au service de la Paix.

Palmyre, Mossoul , Tombouctou… des témoignages pour donner corps à ce qu’il faut continuer de faire.

L’événement s’inscrit dans le cadre des actions que mène maintenant activement l’UNESCO depuis le lancement de la campagne #UNITE4HERITAGE en 2015 à Bagdad ; campagne de sensibilisation, d’information mais aussi d’appels, d’alertes, de prévention et de réhabilitation.

Une heure d’échanges devant un large auditoire captivé par les propos de cinq acteurs rappelant chacun à leur manière et selon leur histoire ou leur profil toute la gravité des entreprises de destruction de valeurs culturelles « trésors de l’humanité » dont sont coupables les mouvements extrémistes en Afrique ou au Moyen Orient….

Panel présidé par madame Irina BOKOVA, Directrice générale de l’UNESCO, auquel ont contribué le père dominicain Najeeb MICHAEL, qui a assuré le sauvetage de nombreux manuscrits à Mossoul, Mme SARTRE spécialiste du Moyen Orient et tout particulièrement de Palmyre, un universitaire-historien irakien et le responsable de l’UNESCO qui a suivi les travaux de réhabilitation des mausolées de Tombouctou.

Un appel vibrant de la directrice générale de l’UNESCO

La Directrice générale de l’UNESCO très mobilisée sur un sujet qui lui tient à cœur et qui est au cœur des missions de l’UNESCO a employé des mots forts pour qualifier ce qui a été perpétré et qui reste menaçant : nettoyage culturel, désintégration identitaire, crime de guerre pour effacer une partie de l’histoire de l’humanité, terroriser, annihiler les consciences. Face à ces désastres il faut se lever, chercher à protéger, préserver, prévenir.

C’est le sens des actions qu’ont menées et que mènent encore sur le terrain beaucoup de « culturels » qui, courageusement, s’efforcent de défendre les œuvres, avec le risque de perdre leur vie comme Ahmed Assad à Palmyre, à qui il faut rendre hommage. A ces actes de violence, on doit répondre par la Culture, avec une prise de conscience à faire partager par l’ensemble de la communauté internationale et aussi un soutien effectif comme par exemple l’aide à la réhabilitation des sites de Tombouctou. C’est ainsi, en amplifiant les initiatives, qu’on pourra défendre la paix, restaurer une confiance perdue. Les effets positifs iront au-delà de ce qui sera fait pour protéger des pierres ou du papier, car ils toucheront l’âme des peuples dont on aura violé une partie d’un héritage millénaire.

PALMYRE : un désastre, une destruction irrémédiable d’un Trésor de connaissances

Palmyre menacée

Palmyre en 2014

C’est un site magnifique qui a été rasé, et ce qui n’avait pas été encore vraiment fouillé (80% de l’emprise) a été fortement endommagé au bulldozer. Ce sont des milliers d’années de l’histoire du lieu dont on aura perdu la trace visible, avec la disparition d’innombrables inscriptions en grec, en araméen, statues, tours funéraires et, figure emblématique du lieu, le temple de Beyle : perte de repères pour la connaissance de l’économie des caravanes dont Palmyre a été un centre névralgique, ou de la vie de la ville sous l’antiquité. Peu de chances de pouvoir reconstituer ce qui a été souvent réduit en poussière, alors, à un horizon encore inconnu, il faudra retrouver un peu de cette mémoire disparue dans des reconstitutions en 3D pour continuer à faire savoir toute la richesse historique d’un environnement architectural et monumental qui était d’une extraordinaire qualité.

TOMBOUCTOU : une réhabilitation riche de sens

Ont été surtout affectés la quinzaine de mausolées qui abritent les sépultures de personnages dont la mémoire est vénérée dans tout le Mali et même au-delà.

L’UNESCO et plusieurs pays africains (outre le Mali, l’Algérie et le Burkina) ont apporté un large soutien à la réhabilitation de ces ouvrages très anciens, avec une réhabilitation conduite sur deux ans (2014-2015). L’opération elle-même a été précédée d’un intense travail de recherche pour retrouver les techniques traditionnelles, sachant qu’elles étaient perdues de vue, le béton étant devenu « le standard de la construction ». Ce travail préalable, qui était indispensable pour mener à bien l’opération, a eu aussi un effet bénéfique remarquable localement dans la mesure où elle a pu associer les populations et leur faire prendre conscience de certaines valeurs intrinsèques de ces ouvrages d’art avec certaines caractéristiques (par exemple les matériaux : la terre) que l’on avait tendance à oublier alors qu’elles étaient parfaitement adaptées aux contraintes des lieux.

L’opération a aussi fait réapparaître une conscience collective qui avait disparu ou qui s’était appauvrie. Les mausolées étaient devenus des lieux banalisés, considérés uniquement pour leur fonction « cultuelle », et toute l’œuvre de reconstruction menée sous la direction d’un architecte malien a soudainement fait prendre conscience qu’il s’agissait là de bien plus qu’un bâtiment fonctionnel, et que ces mausolées, avec leur beauté et leur vocation réelle, étaient un héritage fédérateur, révélateur d’une histoire, une richesse insoupçonnée que d’aucuns ont voulu rayer de la carte.

A côté des destructions de mausolée (et aussi d’autres sites de moindre importance) , il y a eu également destructions ou vols de manuscrits, toutes ces valeurs n’ayant pas pu être « ex filtrées ».

MOSSOUL : sauvetage physique et numérique de milliers de manuscrits, mais aussi des milliers détruits, des atteintes délibérées, criminelles au patrimoine d’un peuple, trésor de l’humanité

Père Najeeb Michael

Père Najeeb Michael

Le père Najeeb a témoigné avec simplicité mais aussi avec beaucoup d’âme de toute l’expérience qu’il a dû vivre douloureusement depuis 2003, face à une entreprise de démolition de la mémoire de tout ce qui dans les archives des couvents, des églises ou dans les bibliothèques de Mossoul et des régions avoisinantes témoignait de l’histoire des églises orthodoxes, chaldéennes, Yézidi, une histoire ancienne, bien antérieure au VIIème siècle, celui que les auteurs des exactions commises voudraient voir être considéré comme le commencement véritable de l’histoire qu’ils entendent redessiner comme bon leur semble…Les manuscrits sauvés ( exflitrés et/ou numérisés, avec l’aide des bénédictins du Minnessota) ne sont pas que des documents religieux. Ils portent aussi sur tous les grands domaines du savoir en remontant loin dans les temps anciens, renvoyant ainsi aux richesses de toute les civilisations mésopotamiennes, avec des manuscrits issus des courants sumériens, chaldéens, syriaques…

Ainsi auront été préservés de la destruction des écrits portant sur la liturgie, la bible ou la théologie, donc en rapport avec le religieux, mais aussi des documents scientifiques, philosophiques, ou se rapportant à l’astronomie et à l’histoire. Tout cet ensemble d’une si riche diversité thématique est aussi riche de son caractère polyglotte avec sept langues utilisées. Un énorme gisement de connaissances a ainsi pu être sauvé, qui dans une large mesure comporte des éléments datant de plusieurs centaines d’années avant Jésus Christ. C’est en quelque sorte des traces tangibles d’un berceau de l’humanité que les terroristes menaçaient de destruction. Hélas tout n’a pas été épargné, et notamment en 2014, il y a eu des milliers d’actes qui ont été brûlés. Il faut rappeler tous ces forfaits honteux nous dit le père Najeeb MICHAEL, et les media ne le font pas assez savoir.

A la suite de ces témoignages très forts et qui ne doivent pas manquer d’interpeller – l’auditoire a suivi l’échange avec une grande attention – trois délégations seulement sont intervenues faute de temps : la Finlande, la Guinée, la Turquie. En s’associant à ce qui venait d’être dit, les intervenant ont aussi salué les actions de l’UNESCO face à ces crimes qui ne devront pas rester impunis (on a fait savoir qu’il y a eu plainte déposée par le Mali devant la cour de La Haye et qu’une personne y a été déférée). La Turquie a voulu s’associer à l’hommage rendu au conservateur du musée de Palmyre qui a été tué pour avoir voulu défendre un patrimoine culturel d’une valeur inestimable. Elle s’est interrogée sur les moyens de prévenir les risques de destruction.