Débat au cours duquel quelques 200 représentants des États ou d’Organisations internationales ont exposé leurs réalisations, leurs projets en rapport avec les domaines que couvre l’UNESCO, mais aussi, à son propos, leur Vision de la situation de l’institution et donné leur avis sur les principaux sujets à l’ordre du jour soumis à leur appréciation. La majorité des orateurs avaient rang de Ministres (essentiellement en charge de l’Éducation).

Ces interventions au début d’une session qui s’étend sur une quinzaine de jours apportent beaucoup d’informations et, au travers des jugements exprimés font ressortir quelques idées dominantes, avec l’apparence de vues partagées et le sentiment que l’UNESCO, passé un temps de doute, va mieux maintenant. La discussion s’est déroulée dans un climat d’assez grande sérénité, avec nombre de contributions tendant à se rejoindre, mais certaines d’entre elles se sont distinguées soit sous la forme, soit sous le fond ou la tonalité des sujets traités, et un petit nombre d’autres ont jeté, à faible intensité, des notes quelque peu discordantes, rappelant que la Paix et la Justice, ces « deux nobles idéaux de l’UNESCO » auxquels il est souvent fait référence, ne sont pas toujours au rendez-vous.

Quelques observations générales : éléments communs, visions partagées

Accords sur les grands défis

Sur la façon d’articuler leurs discours, les orateurs ont très souvent organisé leur propos de la même façon et, ce faisant, ont fait ressortir des préoccupations similaires en Pensées (considérations sur la situation du Monde et de leurs pays en rapport avec les domaines « UNESCO ») et en Actes (mise en œuvre des Politiques, Initiatives prises pour les appuyer)

Quasiment tous les intervenant ont introduit leurs discours en rappelant les grands défis auxquels faire face, avec plus ou moins d’insistance sur chacun d’entre eux et en suivant peu ou prou ce qu’avaient dit à leur sujet à l’ouverture de la Conférence le Secrétaire général de l’ONU, les deux Présidents de la Conférence général (la précédente, l’actuel), la Directrice générale (cf le compte rendu des discours).

Large soutien au Multilatéralisme, à l’UNESCO et à sa Directrice générale

Il y a un large soutien apporté au Multilatéralisme qui est considéré plus ou moins explicitement comme l’outil à privilégier pour traiter les sujets à haut risque de notre temps : notamment, le Climat, l’Eau et les Océans, les Patrimoines matériels, immatériels et naturels, les nouvelles technologies, la Violence.

On aura aussi relevé une appréciation presque unanime à l’endroit de la Directrice générale dont les deux premières années dans la fonction ont été saluées par des mots qui peuvent être interprétés autrement que comme des propos convenus : gestion avisée, esprit visionnaire, détermination à vouloir mener les réformes, souci d’écoute, dynamisme etc.

Autre jugement partagé qui parait exprimer plus qu’un propos de circonstance : le jugement très favorable porté sur la situation de l’UNESCO deux ans après l’état presque critique dans lequel elle était.

D’un point de vue plus général, on retiendra une affirmation forte d’un très grand nombre de délégations en faveur de l’Institution, une institution dont le rôle unique et essentiel au sein de la famille onusienne, s’impose « plus que jamais » et, à cet égard l’expression très souvent reprise, a été complétée par de nombreuses autres toutes aussi engageantes : l’UNESCO « conscience du Monde », « taillée pour le XXIème siècle », « un abri de nos espoirs », « un phare », « une Agence internationale significative », institution « essentielle pour promouvoir la compréhension mutuelle », ou « pour l’ordre international »,« une bonne agora », et, pour reprendre ce qu’a dit le Président du Mali qui est venu prononcer un discours devant l’Assemblée générale, on aura retenu son expression à la fois claire et frappante : « s’il n’y avait pas d’UNESCO il faudrait l’inventer », et a-t-il ajouté avec une certaine fermeté « il n’y a pas d’alternative à l’UNESCO ».

Deux derniers points ont été fréquemment cités en rapport avec les temps forts de la Conférence générale et finalement pleinement en ligne avec certaines des priorités tout aussi bien de l’UNESCO et que des États :

  • Lattention à porter aux Jeunes qu’il faut plus écouter et impliquer face aux enjeux de notre monde (on rappelle à cet égard que le thème des Jeunes a constitué le fil rouge de la Conférence générale) ;
  • L’organisation bienvenue de deux forums de Haut Niveau avec la participation respective des Ministres de l’Éducation et de la Culture.

Principal sujet évoqué : L’Éducation

S’agissant des activités menées au sein des États membres en propre ou avec l’aide de l’UNESCO, l’agenda 2030 est devenu comme un levier et une référence pour les États qui prennent pleinement en main nombre d’objectifs relevant des domaines couverts par l’UNESCO et au premier rang desquels l’ODD4, pour un large accès à une Éducation de Qualité.

Partout les efforts sont déployés pour intensifier l’action avec comme principal horizon de temps 2030 et l’Éducation comme un élément central des politiques publiques.

Les budgets sont accrus : plusieurs pays ont rappelé qu’ils consacraient maintenant à l’Éducation plus des 20% recommandés par l’ONU.

De plus en plus les pays définissent des cadres et des stratégies alignés sur l’agenda 2030 et prennent de nombreuses mesures pour rattraper des retards encore nombreux (« Beaucoup reste à faire. » ont dit plusieurs intervenants).

En s’en tenant au seul secteur de l’Éducation, on aura pu relever les sujets les plus souvent cités sur lesquels des mesures sont prises ou annoncées comme des priorités :

  • Léducation préscolaire ;
  • Les questions concernant les femmes et les jeunes filles (en milieu rural notamment, et en rapport avec l’enseignement scientifique) ;
  • La formation des enseignants ;
  • S’agissant des disciplines à promouvoir, les Sciences et Techniques ainsi que l’enseignement professionnels qui paraissent constituer la principale priorité (stratégie TVET, promotion des STEM) ;
  • Mais aussi maintenant, l’éducation en matière de développement durable, l’éducation à la citoyenneté ;
  • Les actions pour intégrer dans leurs programmes l’éducation à la sexualité, sujets sur lequel l’UNESCO a produit un rapport ;
  • La prévention contre les violences à l’École (la France a proposé que soit instituée une journée internationale contre le harcèlement scolaire) ;
  • La mise en place du numérique (formation, investissements) ;
  • L’assurance-qualité et l’évaluation des résultats ;
  • L’amélioration de la qualité des données ;
  • La reconnaissance internationale des diplômes et des qualifications ;
  • La défense des langues autochtones (notamment en Afrique et Amérique latine) ;
  • Les efforts pour développer l’alphabétisation (y compris le numérique).

La Côte d’Ivoire a rappelé la déclaration d’Abidjan (recommandations pour la promotion des systèmes éducatifs) qui a reçu l’approbation de l’ONU.

Les Sciences, la Culture, la Communication et l’Information

En dehors de ce qui a pu être dit assez communément à propos de l’Éducation, on pourra mentionner un certain nombre les autres sujets auxquels les États sont attachés :

En ce qui concerne les Sciences, les travaux de la COI (Commission Océanographique Internationale) et du PHI (Programme Hydrologique International) sont unanimement appréciés et largement soutenus. On salue l’ouverture prochaine de la décennie des sciences océanographiques.

Les intervenants ont cité maints exemples de sites naturels à préserver des risques naturels ou générés par l’homme (les grandes forêts amazoniennes ou africaines, les barrières de corail, le Parc des volcans en Islande, le Lac Tchad et d’autres grands bassins aquifères par exemple).

Dans le domaine de la Culture, considéré par beaucoup d’intervenant comme essentiels car il s’agit de préserver les identités dans leur diversité tout en assurant la promotion de valeurs universelles pour l’Humanité, les États sont sensibles aux actions menées pour la défenses des Patrimoines, Sans parler des Patrimoines naturels qui relèvent du secteur Science et dont la préservation est vitale pour notre planète (les géo-parcs, les zones de biosphère), il s’agit là des Patrimoines architecturaux, des Biens Culturels, des pratiques et savoirs faire artistiques ou artisanaux ou des Archives.

Les inscriptions sur la liste des sites UNESCO sont hautement appréciées, et les candidatures pour de nouvelles labellisation ont été annoncées. Mêmes observations pour le répertoire des pratiques artistiques ou artisanales.

Concernant les actions en faveur de la réhabilitation des patrimoines, l’opération en faveur de Mossoul est saluée par beaucoup comme un projet de grande valeur en ce qu’il permet non seulement la reconstruction d’édifices religieux mais aussi des initiatives de rapprochement culturel. L’entreprise a bénéficié d’un soutien généreux de la Communauté internationale, certains suggèrent que qu’elle puisse être étendue à Alep et Palmyre.

A remarquer aussi, notamment pour l’Afrique, l’attention marquée pour les industries créatives qui non seulement aident à préserver ou forger des identités culturelles, mais sont aussi de bons outils de développement et de préservation de la cohésion sociale.

A de nombreuses reprises il a été fait allusion aux progrès enregistrés sur la question de la défense des biens culturels (contre les trafics et destructions) qui peut utilement prendre appui sur les Conventions de 1954 et 1970. Sur la période récente, ont aussi été appréciés les efforts déployés en lien avec l’ONU pour favoriser les restitutions de biens volés.

Dernier sujet, à propos du domaine Culture, l’attachement des États au Programme Mémoire du Monde, bel outil pour la transmission des héritages de l’histoire. Il est souhaité que le groupe de travail qui étudie le mécanisme qui sous tend cette activité puisse poursuivre ses travaux pour le bien commun en évitant tout risque de politisation.

Derniers thèmes suscitant des commentaires assez concordants : la question de l’éducation aux média, et la prévention des risques attachés aux réseaux sociaux, la protection des journalistes.

A souligner les suites de l’appel de Christchurch au sujet de la propagation des discours violents sur le Net avec un accord de 48 États pour y souscrire activement.

Avis positif sur les Réformes engagées, les deux Priorités confirmées et plusieurs grandes initiatives proposées

Au-delà des activités, les participants à la discussion ont donné leur avis sur les principaux sujets mis à l’ordre du jour, des avis tous positifs.

Pour n’en citer que quelques-uns, on relèvera l’excellent accueil réservé aux initiatives proposées en faveur des sujets suivants : l’Éthique de l’Intelligence Artificielle, étude préliminaire pour l’élaboration d’une norme, les Sciences Ouvertes, l’Avenir de l’Éducation (en version anglaise : les avenirs de l’Éducation), définition d’une stratégie de prévention contre l’extrémisme violent.

S’agissant des aspects financiers, la position qu’avait retenue le Conseil exécutif avec la recommandation de retenir l’enveloppe la plus élevée (534,6 millions de dollars) est confirmée, ce qui traduit un changement significatif, signe de confiance à l’égard de l’institution.

Le jugement porté sur le projet Transformation Stratégique est positif, on apprécie notamment qu’il y ait bien le souci de s’intégrer dans le cadre de la réforme d’ensemble du système onusien avec ses trois piliers (développement, sécurité, réforme de la gestion), d’informer ou de consulter les États.

A propos des priorités, beaucoup se félicitent que l’Afrique et le Genre restent les deux principales visées, tout en invitant le Secrétariat à se préoccuper plus de l’effectivité de ce qui est fait pour la première (priorité Afrique) en prenant bien appui (voire mieux) sur le réseau Hors siège.

Concernant le Réseau, on aura pratiquement pas relevé d’appels alarmants à son sujet, mais implicitement, sachant qu’il y a une réforme en cours concernant toutes les implantations territoriales de l’ONU avec de possibles remises en cause de certains bureaux, on n’aura pas manqué de noter les très nombreuses allusions aux services rendus par les Bureaux nationaux ou locaux, ce qui laisse supposer que l’éventualité de suppression de certains d’entre eux n’ira pas de soi aux yeux des États des pays d’accueil.

Quelques éléments de différenciation, voire de dissension

Un intervenant a surtout voulu axer son intervention sur la nécessité pour l’UNESCO de plus assoir ses initiatives sur les idées.

Un autre s’est concentrée uniquement sur le thème de la Culture, sa promotion, la nécessité et le bien-fondé de la diversité, du dialogue interculturel.

Un troisième orateur, avec à l’esprit un point important mis à l’ordre du jour à propos d’une réforme du mandat (pour permettre une plus grande représentativité du Conseil exécutif, avec une modification du régime de rotation de ses membres), a voulu axer son propos sur les risques de clivage, et la nécessité de préserver le consensus pour ne pas mettre à mal le fragile équilibre sur lequel repose encore l’UNESCO qui a besoin d’harmonie.

Avec plus ou moins de force, la vingtaine de Petits États Insulaires (les PEID) ont centré leurs interventions sur les catastrophes naturelles auxquels ils sont exposés :

« Nous sommes les plus petits, les plus exposés et les moins responsables de tous ces dérèglements qui nous menacent en première ligne, aidez-nous plus encore, inscrivez ce sujet comme une troisième priorité ! »

Voilà en substance ce que les représentants se sont employés à faire valoir. A propos des aides dont ces petits pays ont grand besoin, il a été suggéré que les critères retenus pour leur allocation au titre de « l’aide au développement » ne soient plus exclusivement fondés sur le paramètre « PIB par habitants » afin que soit mieux prise en compte la dimension « exposition aux risques naturels ».

Les violences liées au terrorisme ou au guerres larvées ou manifestes ont donné lieu à quelques interventions montrant dans certains pays l’étendue des sinistres voire des désastres que leurs font subir pareils fléaux :

  • Le Yemen ici a rendu un témoignage poignant sur sa situation, et sur tous les dégâts subis par son système éducatif, avec leurs enfants victimes innocentes au premier chef et par dizaine de milliers ;
  • Le Cameroun a évoqué les agressions permanentes dont sont victimes les populations aux frontières, et déploré que cela nécessite de dépenser plus pour la Police et l’Armée au détriment de ce qui est alloué à des secteurs aussi importants que l’Éducation.

Quelques interventions (avec parfois des réactions aux dites interventions) ont rappelé la persistance de situations problématiques aux frontières, ou à l’intérieur des pays pour certaines minorités culturelles ou encore à propos de la préservation de certains patrimoines. Sans entrer plus avant dans le détail de ces situations toujours conflictuelles on ne fera que mentionner les pays concernés (comme victimes ou auteurs – patentés ou non – de ces situations troubles) : Hongrie, Arménie, Azerbaidjan, Syrie, Albanie, Serbie, Russie, Ukraine, Palestine.

Mais, à l’inverse on aura noté les histoires plus heureuses de plusieurs pays qui après des années de guerre civile, redressent leur situation ou s’apprêtent à le faire comme c’est le cas en Éthiopie ou au Soudan, en Gambie, au Mozambique ou encore en République Centre Africaine avec parfois de grands accords passés entre toutes les forces politiques pour aller vers une concorde nationale. Amélioration des situations politiques, qui vont, il faut le souhaiter, permettre à ces États de traiter sur de bien meilleures bases les conditions de leur développement.

Autres observations

Le sujet de la gouvernance a très peu été évoqué lors de la discussion générale. Il aura été discuté postérieurement lors des discussions plus spécialisées qui ont suivi, avec ici des antagonismes que l’on pouvait discerner avant même la tenue de la Conférence générale et qui n’ont pu être résolus lors de cette session (sujet reporté à la 41ème Conférence Générale). Au demeurant les divergences de vues qui ont été exprimées l’ont été sans esprit polémique.

Les ONG ont été invitées à s’exprimer vers la fin du DPG. Une dizaine d’entre elles ont pu donner leurs vues (à raison de trois minutes par intervention). Sont intervenues notamment la Présidente du Comité de liaison (qui représente les ONG auprès de l’UNESCO), et le CCIC qui, conformément à ce dont dispose les Directives de l’UNESCO, a fait valoir le bien fondé de coopérations ou échanges de vue avec toutes les parties prenantes de l’UNESCO (États, Commissions nationales, l’UNESCO).

Cela étant rappelé, il a été très peu question de la société civile lors des interventions des États membres.

A propos des sujets évoqués, les questions Éthiques retiennent l’attention. La plupart des intervenants s’en sont tenus à ce qu’appelait l’ordre du jour à ce sujet : l’éthique de l’Intelligence Artificielle, mais quelques orateurs (fort peu nombreux), ont été un peu plus insistants en indiquant que le sujet de l’éthique revêtait une grande importance, notamment avec la rapidité et l’ampleur des changements que peuvent induire les innovations scientifiques et technologiques. Un seul État, le Mali, a rappelé toute l’attention qu’il fallait continuer d’accorder à la question de l’Éthique de la Science de la vie (la bioéthique) mais rien n’a été dit des discussions qui se tiennent à ce sujet au sein de la COMEST (Commission Mondiale pour l’Éthique des Sciences et des Techniques).

Groupe de délégués d’ONG à l’espace dédié aux ONG. De droite à gauche : FAPE (Fédération Africaine des Parents d’Élèves), CCIC, UMEC (Union Mondiale des Enseignants Catholiques), FAPE et Mme Machon, présidente la CIONG