A l’occasion de cet anniversaire s’est tenue à l’UNESCO une table ronde sur les grandes questions que traitent actuellement les géosciences, partout dans le monde et de multiples manières avec de nombreux acteurs, qu’il s’agisse de laboratoires universitaires, de centres spécialisés, de structures portées par l’industrie ou le secteur public (comme par exemple les services géologiques)

Les experts qui se sont exprimés, universitaires ou chercheurs venant d’un ensemble de pays très divers (Sénégal, Algérie, Corée, Royaume Uni, Colombie, etc…) ont donné à l’échange un contenu très riche et pour tout dire passionnant en ce qu’ils ont bien mis en évidence les grands enjeux et en réalité les risques qui peuvent peser sur la situation de notre Terre, qu’il faut considérer au sens large, c’est-à-dire à la fois avec ses parties émergées et celles que recouvrent les océans. Les échanges ont ainsi bien fait ressortir la diversité des sujets que recouvrent la géologie et les sciences de la Terre mais aussi le domaine de l’océanographie, en montrant l’acuité de certaines problématiques dont on n’a pas toujours conscience, dans la mesure où elles peuvent souvent s’inscrire dans un temps long avec des effets forts mais lents à sa faire sentir.

On se propose ici de simplement récapituler les principales idées ressorties de la discussion, surtout celles qui ont eu trait aux risques que court notre Terre, cette Terre dont il faut savoir prendre soin, pour reprendre une des idées fortes issue des échanges.

  • La nécessité d’approfondir nos connaissances en géosciences : on est encore loin de tout bien comprendre
  • Pour justifier cet appel à aller plus loin, on retiendra l’un des arguments avancés : « la Terre nous apprend beaucoup de choses »
  • Si beaucoup a été déjà fait en matière de cartographie des ressources minérales, il y a lieu de poursuivre ces indispensables exercices d’inventaire notamment en Afrique, avec un plus grand souci pour les champs couverts par les matériaux critiques (comme les terres rares)
  • En matière de collecte de données, les efforts gagnent à être intensifiés, notamment pour mesurer les impacts des facteurs qui peuvent affecter la Terre  (NDLR à part le carbone, ces facteurs n’ont pas été expressément listés, mais ils ont parfois été évoqués et on peut aisément les concevoir : érosion, pollution, effets de grands travaux, d’extractions minières, ces trois derniers facteurs étant des éléments caractéristiques de notre ère « anthropocène » , sujet qui a plusieurs fois été esquissé )
  • Quelques problématiques revenues souvent dans la discussion apparaissent comme de grandes préoccupations : la Géologie et le Développement, la question minérale et le dérèglement climatique, les aspects sociaux (impact du terrain et des sols sur les populations vulnérables exposées aux risques comme : affaissement des sols, glissements de terrain, altération des traits de côtes, fonte des glaciers).
  • Les risques : parmi les dangers à traiter par les géosciences, relever ce qui touche à la santé, avec les pathologies que peut générer la manipulation de terres contenant des minéraux à risques (ex l’arsenic ou le mercure, deux métaux dont peuvent être victimes les chercheurs d’or (clandestins) en Amérique du Sud).
  • La question de la transition énergétique qui renvoie dans une large mesure aux sujets découlant de la progressive disparition de l’exploitation pétrolière : ressources alternatives, restructuration des chaines de valeurs, reconversion des processus et des personnels.
  • Le rapport souvent crucial entre la géologie et l’hydrogéologie
  • La séquestration du carbone : ce point a été souvent abordé, notamment pour faire ressortir les différentes méthodes susceptibles d’être utilisées ; on notera ici qu’un sujet n’a pas été évoqué alors qu’il semble l’exemple-type de l’énergie décarbonée, à savoir le nucléaire. On aura été intéressé par les résultats obtenus d’une expérience de la Corée du Sud qui a exploité les capacités d’absorption-carbone d’une roche pour en tirer parti en les dispersant en mer avec comme retombée positive une réduction de la teneur en CO2 des zones marines concernées.
  • Les ressources de la géothermie, l’exploitation de l’hydrogène
  • S’agissant des moyens au service des Géosciences, on fait ressortir l’immensité des besoins à couvrir contrastant avec l’insuffisance des ressources disponibles : il y a pénurie d’experts, un manque cruel de vocations dans le domaine de la recherche, et, ce qui peut expliquer les insuffisances en ressources humaines, on souligne la persistance d’une pénurie financière.
  • Les besoins de capitaux -capital financier et investissements en capital humain – sont tout particulièrement ressentis en Afrique ;  il faut ici envisager de former un plus grand nombre de personnes qui soient issues du continent africain et qui, une fois acquise leur expertise, y restent.
  • Comme pour beaucoup d’autres domaines, on insiste sur la nécessité d’investir massivement dans la formation, ce qui nécessite de convaincre les politiques ; plusieurs intervenants ont abordé le sujet, en soulignant la difficulté qu’il y a à les intéresser à un domaine quelque peu complexe dont ils peuvent ne pas voir les bénéfices potentiels, surtout lorsqu’il s’agit de financer des actions qui souvent portent leurs fruits sur le temps long.
  • A l’occasion de la présentation des réalisations du Programme International des Géosciences, on a rappelé qu’il s’agit du seul programme scientifique de l’ensemble onusien, pour mieux en justifier toute l’importance, qui se vérifie par les nombreux projets que le programme permet de développer en propre ou indirectement au travers d’une fonction de « facilitation » qu’il peut exercer au sein des réseaux de chercheurs avec lesquels il coopère.
  • La fonction Recherche a fait l’objet de nombreux commentaires pour insister sur son importance, étant observé qu’«on ne sait pas tout », et qu’on « a encore beaucoup à apprendre de la Terre et qui a beaucoup à nous dire ».
  • A de nombreuses reprises, les Géoparcs ont été mentionnés comme de bons moyens pour promouvoir et faire rayonner concrètement les valeurs des géosciences, il a été regretté qu’ils soient encore trop peu connus. (NDLR : prochaine réunion des Géoparcs prévue pour septembre au Maroc)
  • Il a été fait état du bien- fondé et des retombées très positives des nombreux évènements organisés autour des sujets se rapportant à la géologie ou aux sciences de la Terre (conférences, colloques, séminaires etc) ; ce sont de bons moyens pour sensibiliser les populations à des questions qui peuvent les toucher directement et qu’elles peuvent comprendre dès lors qu’on les leurs expose en termes simples. Il s’agit, ce faisant, d’augmenter le niveau de résilience de ces populations face aux risques qu’elles encourent.
  • La règlementation : un constat, elle est de plus en plus stricte, s’agissant d’un domaine qui dépasse le niveau « national », on peut apprécier favorablement que de plus en plus de pays adhèrent à ce sujet des géosciences qui est éminemment global

Deux derniers points que l’on aura particulièrement notés :

  • Les sujets se rapportant à l’usage des ressources naturelles (et ici minérales) au service du développement durable, thème bien connu, sont maintenant intégrés pleinement dans les esprits.
  • A propos de développement durable, une voix intéressante a été entendue sur un second thème qui pourrait surprendre à première vue à propos de la géologie mais qui tout bien considéré a toute sa place en géosciences : « la nécessité d’une éthique des minéraux »

Questions posées :

  • Comment peut-on intéresser le grand public via les Géoparcs ?
  • Reconnait-on assez l’importance à donner aux réalisations obtenues en matière de « séquestration-carbone » et de « recours à l’hydrogène » ?
  • On parle souvent de Sciences de la Terre, n’est ce pas réducteur pour en parler comme si cela recouvrait la Géologie ?
  • Ne pense-t-on pas que les programmes Unesco sont insuffisamment mis en relation ? (ex le PICG avec les programmes MAB-Programme Homme et Biosphère -, ou COI- Commission Océanographie Internationale -? Comment miser mieux sur des coopérations intersectorielles au sein de l’Unesco ?
  • Communique-t-on suffisamment sur le  Programme International des Géosciences ?   
  • Mobilise-t-on assez les données en matière de Géosciences ?

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Voir aussi : le programme conjoint géosciences et géoparcs

L’annonce de cette célébration par l’UNESCO