Trois journées bien remplies ont rassemblé comme tous les deux ans les ONG en relation de partenariat avec l’Unesco au siège de l’organisation à Paris. Parmi les 401 dotées de ce statut de partenariat, une centaine se sont mobilisées, à Paris ou en ligne. Comme à l’accoutumée, cette conférence aura permis de faire le point et envisager l’avenir des coopérations entre les ONG -sous l’égide de son Comité de liaison- et l’Unesco, ainsi que sur les principales activités de cette importante composante de la société civile (ONG, organisations non gouvernementales- ou OCS -organisations de la société civile -) que représentent ces structures: les forums (en particulier , celui tenu récemment à Ottawa autour du thème de deux des « décennies Unesco » (celles des Océans et des Langues autochtones), les webinaires (organisés notamment lors du confinement covid), la réflexion collective sur l’éducation (CCONG Education 2030).
Trois séances thématiques ont porté sur 1/ « Approches multipartites pour atteindre les ODD : opportunités et défis pour les ONG », 2 / le rôle des OSC dans la transformation de l’Education, et 3/ les relations entre ONG et Commissions Nationales Unesco. Une vingtaine d’orateurs, essentiellement issus d’ ONG, se sont exprimés. Les échanges tenus en mode hybride ont apporté des éléments d’information intéressants illustrant bien ce qui peut résulter de la coopération des ONG à l’Unesco.
Ces séances thématiques ont étayé le travail collectif de réflexion et proposition des ONG sur les enjeux du prochain biennium de la CIONG : plusieurs séances de travail ont donné la parole aux ONG présentes dans la salle et en visio pour exprimer leurs propositions . Un nouveau Comité de Liaison a été constitué dont la plupart des membres étaient nommés d’office par le jeu des quotas géographiques et statutaires (4 ONG en statut d’association et 6 de consultation). Sa composition sera consultable sur le site du Comité de Liaison.
On récapitulera ci-après les principales idées ayant retenu notre attention.
Discours introductifs
M Matoko Directeur-Général adjoint en charge des relations extérieures et M Davide Grosso Président sortant du Comité de liaison ont tous les deux souligné l’importance que revêt l’ancrage des ONG à l’Unesco pour contribuer à son bon fonctionnement et à l’organisation d’évènements au siège mais aussi régionalement, et apporter leurs concours aux « Grands Programmes » avec la richesse de leurs expériences « sur le terrain ». On s’est aussi félicité du fait que la continuité ait pu être assurée pendant le confinement (ex : réunion des ONG via Zoom)
Débats, propositions des ONG
Réactions au rapport d’activité du Comité de Liaison :
- proposition pour de nouvelles améliorations du site du CDL, notamment en mettant plus en exergue ce que fait le CDL, en assurant la promotion des grandes initiatives que peuvent prendre les membres de la CIONG.
- donner les informations plus en amont lorsqu’elles concernent les sujets soumis à débat
- plus associer la jeunesse-
Le groupe de travail sur l’Education s’est particulièrement impliqué pour s’exprimer sur les grands chantiers en cours : réflexion avec le groupe de haut niveau sur l’Education, évènements organisés sur « la Transformation de l’Education », suivi du mécanisme de coopération pour le pilotage des ODD, et plus particulièrement de l’ODD4.
Idées suggérées pour améliorer la communication :
- une newsletter et mettre en place une plateforme de discussion
- appel à ne pas tout attendre du CDL : il faut aussi que les ONG « se prennent en main »
- (dans le même esprit) éviter des processus qui seraient uniquement « descendants » : de l’importance d’un mode de fonctionnement plus ascendant, où les ONG pourraient prendre pleinement leur part avec un CDL écoutant leurs observations au lieu de tout attendre du CDL.
- mettre plus en évidence le rôle des parents lorsqu’on porte notre attention à l’Education (il a été fait remarquer que le groupe de réflexion « Education » ne perd pas de vue cette grande préoccupation )
Suggestions, propositions des ONG pour le nouveau biennium :
Globalement, souhait d’une meilleure participation des diverses ONG qui se sont senties peu consultées par le CDL dans ses initiatives :
- retour aux groupes thématiques, de réflexion, groupes ad hoc
- demande d’une salle de réunion fournie par le secrétariat par exemple un jour par semaine, à répartir entre les groupes qui en feraient la demande)
- développer la communication du CDL sur les réseaux sociaux, communication avec les jeunes
- création d’un « comité jeunes »
- laisser aux ONG le choix du sujet des forums des ONG, en fonction des besoins émanant de leur connaissance du terrain
- forums plus « inclusifs », participation des plus pauvres ou marginalisés
- projet d’une table ronde sur le dialogue interreligieux en vue de la paix
- intervention de plusieurs ONG de jeunes ou orientées jeunes : UMEC, IAAS, MIJARC, et du CCIC
Un comité de rédaction a mis en forme ces demandes sous forme de recommandations à la Directrice Générale et au nouveau Comité de Liaison, ces recommandations seront consultables sur son site.
Séances thématiques
1- « Apports multipartites des ONG pour les objectifs du développement durable (ODD) : :opportunités et défis pour les ONG »
Témoignages variés (ONG, ONU, Fondation) avec in fine des expressions qui se rejoignent pour souligner la nécessité d’associer le plus possible les organisations de la société civile pour nourrir les réflexions sur les sujets majeurs que vise l’agenda 2030 dans la perspective d’un monde meilleur, avec les ODD. La diversité de ces acteurs souvent très ancrés dans les réalités concrètes peut aider assurément à la réussite de ces objectifs adoptés par les organisation gouvernementales, cela a été bien mis en évidence dans les commentaires, notamment par le représentant de l’ONU, ou par des exemples donnés (ex : un dialogue entre acteurs du pourtour méditerranéen). Mais même si les avis ont été assez consensuels quant à l’efficacité des dialogues et autres initiatives misant sur de larges coopérations, on n’aura pas manqué de noter que les situations ne sont pas toujours faciles : il ne faut pas penser que forcément les ONG sont les bienvenues, il y a des résistances qui tiennent à la fois à des traditions ou à des positions de principe réservées du côté des politiques ; en tout état de cause, a-t-on ajouté, les ONG doivent se prendre en main si elles souhaitent être plus impliquées et ce, quelles que soient les situations (locales, nationales ou internationales) : rien ne viendra tout seul, pour reprendre une expression entendue.
Au-delà des questions de reconnaissance et de participation des ONG , notamment pour la mise en œuvre des ODD, on a, à juste titre, évoqué la façon dont devraient être menés les débats : il peut y avoir de la conflictualité, ce risque doit être évité au travers d’échanges nourris de respect de l’autre, d’empathie et surtout focalisés non sur des idées générales mais sur des réalités faites d’exemples positifs comme ce qui peut être fait en rapport avec les jeunes ou la défense des femmes et des jeunes filles.
Une autre idée a été évoquée en rapport avec la redevabilité : bien rendre compte de ce qui est fait et, surtout, des résultats positifs sur des sujets d’intérêt commun, est de nature à susciter l’intérêt et, partant plus d’adhésion.
Dernier argument avancé pour justifier la mobilisation effective des ONG : les consultations, elles sont de plus en plus nombreuses, avec bien souvent des contenus pouvant les concerner pleinement. De l’importance d’y prêter une grande attention.
Au fil des interventions, on note l’évocation des 25 ans de la déclaration de Pékin, regrettant que l’égalité de genre ne soit pas assujettie au devoir de rendre compte, le rôle des 57 millions de jeunes qui par leur engagement scout contribuent à la mise en œuvre des ODD, ne serait-ce que par l’appel de Baden Powell à laisser le monde en meilleur état qu’il l’ont trouvé, l’importance de la recherche interculturelle, l’abandon souhaitable d’une culture « du Nord » qui devrait servir de modèle de référence aux pays « du Sud », de l’importance de processus de co-création.
2- L’évolution du rôle et du futur des organisations de la société civile (OSC) et des partenariats dans le mouvement mondial pour la transformation de l’Education dans un monde en crise et en plein bouleversement »
Les intervenants ont situé leurs propos par rapport aux grandes initiatives de l’Unesco en matière d’Education pour bien souligner le rôle pro-actif qu’ont joué et que jouent encore les ONG comme force de proposition ; on aura retenu que leurs analyses ont été bien prises en compte, en particulier pour ce qui a trait à la Transformation de l’Education et aux sujets suivants que les ONG ont fait valoir : Education aux Droits de l’Homme, suivi de l’ODD4 avec des cibles et des indicateurs bien précisés et déclinés régionalement. En effet, par l’intermédiaire de la CCONG- Education 2030, organe de réflexion collective dont est membre de droit un membre du Comité de liaison -en l’occurrence Mme Machon Honoré – qui permet aux ONG de l’Unesco de faire entendre leur voix, la société civile est représentée jusqu’aux instances suprêmes comme en juin et septembre 2022 à l’Unesco puis à l’ONU au TES (Transforming Education Summit) et participe à l’élaboration du GEM (Global Education Monitoring Report) Autres problématiques essentielles, les questions touchant au dérèglement climatique et à la biodiversité, ces sujets sensibles sont à intégrer dans les enseignements, il y a là des sensibilisations à mener mais aussi des alertes à lancer pour agir sans faute à raison des risques encourus. Au fil des témoignages, on aura noté un plaidoyer pour mettre les soft skills au même niveau que les hard skills, en particulier en développant l’apprentissage émotionnel, le refus d’un monde qui sépare l’ émotion de la raison, d’une éducation qui se concentrerait sur les techniques en oubliant l’art, la créativité, la philosophie…l’alerte sur la numérisation qui déshumanise, l’importance d’éduquer pour la liberté et non pour le marché, l’idée de prendre en compte dans les évaluations les compétences sociales en plus des résultats académiques. Par ailleurs considérer l’éducation comme un droit humain et non comme un service éviterait que le budget alloué à l’éducation soit aussi fragile.
A noter le thème de l’éthique qui a été évoqué, mais seulement très brièvement, par uniquement une ONG .
3- « Plus forts ensemble : Travailler avec les commissions nationales »
L’échange a été introduit par une présentation des résultats d’une enquête menée par un groupe de travail du Comité de Liaison auprès des ONG sur l’état de leurs relations avec les Commissions nationales de l’Unesco. Même si les retours ont été décevants en terme de nombre de réponses, leur contenu a été intéressant en ce qu’il révèle une grande méconnaissance réciproque de ces instances; quand bien même n’y a-t-il pas de critiques formulées pour envisager des rapprochements sur le fond, il apparaît qu’on ne sait pas bien comment faire.
A l’occasion de cette présentation, il a été rappelé que ces Commissions existent à part entière et jouent un rôle utile dans de nombreux pays, avec parfois un grand nombre de collaborateurs comme en Allemagne, ou bien réduites à un fonctionnaire à temps partiel dans d’autres . Le Secrétaire général de celle du Royaume Uni est intervenu pour montrer comment la Commission britannique jouait un rôle de conseiller du gouvernement, avec le bénéfice qu’elle pouvait tirer de l’écoute d’organisations de la société civile (un exemple a été donné pour l’élaboration d’un texte sur les infirmières). Celui de la Commission Nationale Canadienne souligne la pertinence de faire concorder les demandes de partenariat émanant des ONG avec les priorités nationales à laquelle elles s’adressent, qui les définissent dans leurs stratégies communiquées à l’Unesco. La Commission Nationale Française pour l’Unesco fait remarquer qu’elle a publié un guide sur les Commissions Nationales de l’Unesco.
En conclusion on aura retenu deux idées fortes extraites au fil des échanges :
A propos des jeunes : on a beaucoup insisté sur le bien-fondé et la nécessité de leur implication ; il y a avec leur énergie et leur capacité à produire des idées nouvelles de puissants leviers pour faire face aux grands défis de notre époque (ces idées ont été développées lors d’une session consacrée à leur sujet)
Le croisement des regards et l’importance des rencontres : ces deux dispositions à « l’intelligence de l’autre » ont été reprises en termes éloquents par une experte en éducation artistique pour montrer toute la valeur des arts et leur pouvoir créateur d’harmonie. L’observation très juste en ces domaines culturels pourrait être formulée pour une application bien plus générale : n’est-ce pas en effet dans l’Education que l’on doit retrouver ces deux propriétés, et, pour tout dire n’a-t-on pas ici beaucoup de richesses à exploiter comme l’essence de ce qui devrait gouverner notre humanité ?
Une visite des Œuvres d’art de l’Unesco était proposée aux ONG. La salle II où s’est réunie la CIONG est décorée depuis sa création en 1958 d’une fresque de Tamayo figurant Prométhée apportant le feu aux hommes.