L’évènement prend toute sa place dans le cadre de la décennie de la « Descendance Africaine » de l’ONU (2015-2024) et du Programme ONU-UNESCO « Héritages de l’Esclavage », mais il est surtout à situer dans la séquence des webinaires qu’organise actuellement l’UNESCO sur le thème de l’inclusion au temps du Covid-19.

L’explosion de violence après la sinistre affaire de Minneapolis, coincide avec la tenue de ce webinaire, un webinaire au cours duquel ont été décrits et dénoncés le scandale (le mot n’a pas été prononcé mais les propos tenus le sous-entendaient) d’un racisme ordinaire et structurel qui existe toujours partout et tout particulièrement aux Etats-Unis.

On ne s’appesantira pas sur toute la substance des interventions qui ont été produites par des experts, un représentant d’une Municipalité membre de la Coalition des Villes inclusives et durables, (Bordeaux en l’occurrence), une universitaire historienne américaine, une ancienne responsable de programme UNESCO (« la Route des Esclaves »), ainsi que les représentants de l’ONU et de l’UNESCO (département SHS).

La crise du Covid-19 a révélé bien des faiblesses de nos sociétés en de multiples domaines, en particulier, elle a fait ressortir des accès de violence (réelle ou symbolique) sous une forme exacerbée ou d’une manière plus diffuse ; de graves incidents ont ainsi tristement illustré la persistance d’un racisme partout présent, notamment à l’encontre des populations d’ascendance africaine ; les échanges au cours de ce webinaire ont porté sur un aspect important du phénomène à savoir le lien que l’on peut (doit) faire entre l’Histoire et la Situation présente pour expliquer mais aussi combattre le racisme en général et ici plus particulièrement l’ostracisme ou les ségrégations dont peuvent encore souffrir les populations d’origine africaine.

Relier le Présent au Passé

Le thème de l’Héritage appelait à restituer à grands traits ce qu’a représenté ce système du Commerce triangulaire qui pendant plus de trois siècles à organisé les échanges de Marchandises et d’Etres Humains entre les trois continents européen, africain et américain. Pour introduire le sujet, nous ont été ainsi rappelés à grands traits les éléments constitutifs d’une longue et dure Histoire. Mme Lisa Coleman de l’Université de New-York nous a ainsi présenté une cartographie des flux avec le triptyque principal que l’on vient d’évoquer (sachant qu’il y eût aussi des flux intra africains et entre l’Afrique et l’Asie), elle a rappelé aussi l’historique d’un démantèlement qui est loin d’avoir effacé toutes les traces de ce passé dans les mentalités comme dans les situations réelles des populations de descendance africaine, surtout aux Etats-Unis.

Il y a bien, aux Etats-Unis, persistance d’un racisme qui est plus que latent, on parle de racisme structurel qui appelle à faire encore beaucoup, et singulièrement dans le domaine de l’Education, avec des approches objectives, factuelles, rigoureuses pour dévoiler l’Histoire, expliquer les tenants et les aboutissants d’’un phénomène qui continue de marquer les esprits et nourrir des comportements qui parfois mettent en cause la dignité des Hommes.

La mémoire du Passé facteur d’intégration : l’expérience d’une Ville

Le témoignage du représentant de la ville de Bordeaux est venu illustrer ce que concrètement une municipalité pouvait faire pour aider à une meilleure intégration des populations d’origine africaine avec des initiatives « mémorielles ». Responsable de projets dédiés à la Mémoire de ce qu’a été l’organisation du commerce des esclaves (on rappelle que Bordeaux était un port essentiel dans la traite des Êtres Humains et des marchandise), M Yoann Lopez a expliqué de façon convaincante l’engagement par la ville d’initiatives culturelles qui ont comme fondement principal l’idée que la restitution du Passé, fût-il critiquable, ne peut qu’aider à une meilleure cohésion sociale.

Le Racisme toujours présent sur fond d’inégalités criantes, le passé comme facteur explicatif, les mesures à prendre pour le combattre

Un troisième témoignage nous est venu du Mexique avec Mme Elisa Gutierrez, ancienne Présidente du Comité international scientifique de l’UNESCO. Elle a d’abord souhaité parler du Projet Route des Esclaves qui, fort opportunément, continue d’exister : il est important de parler d’un phénomène qui a concerné tant de pays et de populations, nous dit-elle. Cette histoire doit permettre d’expliquer et de mieux voir à la lumière du passé toute la pertinence de ce que recouvre aujourd’hui les notions d’exclusion et d’intégration avec des progrès qui se dessinent parfois mais aussi et surtout, la persistance d’évidentes disparités, discriminations, vulnérabilités dont souffrent des populations minoritaires ethniquement comme celles des afro-américains.

On retiendra de cette intervention, un développement porté avec une grande force de conviction sur le racisme qui reste encore très présent et qui montre qu’il existe encore, de par le monde, des courants idéologiques parlant de races, en avançant l’idée d’une hiérarchie entre les hommes du fait de leurs ascendance ethnique… alors que l’inanité de cette thèse a été démontrée scientifiquement (NDLR à ce sujet : dans les années 50, l’UNESCO était fortement engagé contre ces supposés fallacieux).

Quand on voit certains comportements violents fondés sur des critères raciaux, notamment en ce temps de crise du Covid, le combat contre le racisme reste d’actualité et doit être mené en utilisant tous les moyens : les budget, l’arsenal des lois, et aussi, et même principalement, l’Education, avec notamment l’étude du Passé.


Mme Angela Melo (Directrice des Programmes et Politiques pour le domaine Sciences Humaines et Sociales) a conclu la session en faisant ressortir les points suivants :

  • La crise du Covid19 a été révélatrice d’un phénomène endémique (inégalité systémique) fruit d’une longue et dure histoire qui s’est traduit par des accès (excès) de violence, défiance.
  • Il faut le reconnaître, changer les états d’esprit, agir sur tous les terrains, combattre le racisme : c’est un impératif éthique.
  • Encore une fois et à juste titre, on doit insister sur le rôle essentiel que l’Education doit jouer pour analyser, expliquer, faire comprendre les phénomènes au travers de l’Histoire, mais aussi avec l’enseignement des Valeurs qui peuvent faire changer le monde et combattre le racisme : la solidarité, la justice et tout ce qui touche l’Humanité dans ce qu’elle a de plus profond et d’universel.
  • A propos des questions touchant au traitement discriminant de certaines populations, il faut souligner l’importance d’approches attentives à l’écoute de toutes les parties prenantes : les Femmes, les Pauvres, les victimes de toutes ségrégations.
  • Concernant les acteurs publics, qui sont essentiels, il faut pouvoir ancrer les actions sur le terrain, et là, les villes ont un rôle éminent à jouer. De l’importance de la Coalition des villes pour l’inclusion et le développement durable.

Toute dernière remarque : pour avancer sur des sujets qui peuvent être sensibles, il est bon de savoir sortir, autant que faire se peut, de ses propres convictions avec l’organisation de dialogues où l’on s’efforce de se mettre à la place des autres et obtenir ainsi de vraies rencontres.

Questions posées à distance

Comment éviter une représentation erronée de l’Histoire ?
Avoir une conception plus globale, voir tous les aspects (économiques, sociaux, les mentalités, leur évolution dans le temps etc.), développer des réflexions collectives, en associant notamment la participation de représentants de minorités techniques, typiquement les noirs aux Etats-Unis)

Que dit-on du racisme anti africain en Chine ?
Il existe aussi, et le phénomène doit être étudié, analysé de la même façon que dans le cas américain, en traitant la question historique sans esquiver la réalité des faits pour expliquer et combattre ces comportements discriminants.

A propos de la crise du covid-19 aux Etats-Unis, peut-on parler de ségrégation venant du monde médical ?
Oui, il y a eu manifestement des traitements inégalitaires, ce problème doit être pris très au sérieux, il faut plus de justice sociale pour ces populations défavorisées (NB les afro-américains comptent pour 13% de la population des USA mas ils représenteraient 23% des décès du Covid-19).

Toujours concernant les questions relatives à la santé, comment peut-on envisager d’améliorer les choses ?
Réponse du représentant de la ville de Bordeaux, à partir du cas de cette ville et de l’exemple français : il y a à penser en termes de solidarité, la ville a largement distribué des masques de protection, par ailleurs, il y a une couverture sociale universelle, ce qui est bien différent de la situation américaine.

Quelles solutions pour en finir avec le racisme ?
La principale est à trouver du côté de l’Education : il faut massivement transmettre une connaissance de l’Histoire, qui peut servir comme un moyen pédagogique ; enseigner l’histoire de l’esclavage est utile à cet égard pour mettre en valeur ce que peuvent représenter, à présent et a contrario par rapport au passé, les notions de justice, d’égalité entre les hommes. Il faut aussi obtenir que la question soit plus et mieux traiter au niveau des universités.

Comment peut-on lutter contre le racisme au travers des média sociaux ?
Il peut y avoir matière à contrer les discours haineux véhiculés au travers des réseaux sociaux, mais, peut être plus subtilement ou efficacement, miser sur la musique et toutes formes d’art susceptibles de porter de bons messages (NDLR pour compléter ce qui est suggéré : message de paix, d’harmonie, d’élévation, de fraternité etc.).

Quelques idées données par les différents intervenants à la fin de la session exercice habituel conduit à la fin de chaque webinaire)

I

Sensibiliser
Nourrir l’Espoir
Renforcer la Résilience

II

Faire le lien entre Culture et Histoire
Expliquer, Faire œuvre de Mémoire : ne plus négliger
Parler des erreurs du Passé, voire des Crimes contre l’Humanité : c’est facteur d’intégration, mais c’est à faire « ensemble »

III

Ne rien occulter : ne pas rester silencieux sur certains pans de l’Histoire qui peuvent expliquer le Présent
Les Musées peuvent jouer un rôle positif pour expliquer, comprendre
Combattre le racisme

IV

Voir les aspects structurels, systémiques
Parler et se souvenir