Consultation en ligne le 9 juin animée par M Sobhi Tawill responsable au sein du Secteur Education de l’équipe dédiée au suivi des futurs de l’apprentissage et de l’innovation.
Dans le prolongement de ce qui a été fait pour l’élaboration du rapport sur « Les futurs de l’Education », le système onusien avec l’Unesco comme chef de file poursuit une démarche active sur le sujet, une démarche qui sera consacrée par l’organisation d’un grand sommet sur la « Transformation de l’Education » le 19 septembre prochain en marge de l’Assemblée Générale de l’ONU ; un document qui servira de base pour les discussions est en cours d’élaboration, d’ores et déjà cinq thèmes ont été identifiés pour structurer le débat ; les échanges porteront ainsi sur :
1/l’Ecole,
2/l’Apprentissage et les Compétences pour le développement durable, la Vie et le Travail,
3/ les Enseignants,
4/la Transformation numérique,
5/ le Financement
Un pré-sommet est programmé pour se tenir à New York du 28 au 30 juin. La consultation dont on restitue ici les éléments saillants s’inscrit dans le cycle des cinq consultations organisées sur chacun de ces cinq thèmes en vue de réviser la première version du document qui est mis en ligne.
Près de 250 personnes ont suivi les échanges pendant une heure et demie ; en plus des réactions données sur le « chat » ou exprimées (selon une méthode maintenant bien rodée) par un sondage-questionnaire conduit en temps réel, et d’ une origine géographique très diversifiée, une quinzaine de participants experts des domaines concernés sont intervenus.
Observation liminaire
Il y a dans ce que l’on a entendu beaucoup de réflexions générales déjà très souvent formulées dans les nombreuses réunions organisées à propos des nouvelles technologies de l’information au service de l’Education, mais ce qui peut sembler comme un « classique » des analyses à ce sujet doit moins être vu comme une lancinante répétition que comme l’expression insistante de problèmes sérieux que rencontrent toujours de nombreux pays aux ressources limitées pour couvrir avec le numérique leurs immenses besoins en matière d’Education .
De nombreux intervenants ont insisté sur les graves lacunes qui empêchent le développement de l’usage du numérique dans les écoles : réseaux électriques déficients, énormes problèmes pour assurer une bonne connectivité, insuffisance des assistances techniques.
Sont évidemment reprises assez généralement les idées d’inclusion, d’équité et d’exigence de qualité lorsqu’on entend développer l’usage du numérique, et là encore sont mis en exergue les obstacles pour y parvenir lorsque, comme cela reste le cas très fréquemment, subsiste une grande fracture numérique.
Bien entendu, tous ceux qui se sont exprimés portent un jugement très positif sur l’utilité du numérique et sur la nécessité d’en promouvoir l’ usage pour opérer une transformation radicale des enseignements scolaires . Il faut, a-t-on entendu, former des « citoyens numériques », voir l’Ecole « épouser le numérique », certains ont ajouté – à juste titre – qu’il fallait savoir en discipliner l’usage mais on en n’a pas dit beaucoup plus. On aura tout de même retenu l’idée qu’il fallait sensibiliser les jeunes aux risques de la désinformation et les aider à savoir évoluer (naviguer) dans le monde du digital, avec suffisamment d’esprit critique.
Quelques autres observations intéressantes à retenir
D’abord, on retiendra les propos des représentants des deux pays qui ont pris en charge l’’organisation de cette réflexion collective sur le « thème 4 » (la Grèce et Singapour)
-se soucier des apprenants marginalisés
-promouvoir des systèmes éducatifs gratuits et mobilisant des outils et des contenus numériques de qualité
-avoir des capacités pédagogiques qui permettent de maximiser les bienfaits de l’apprentissage par le numérique (ce point a été souligné par plusieurs autres intervenants) et de ne pas s’en tenir aux aspects techniques.
-pour introduire et développer chez les élèves cette nouvelle manière d’apprendre avec l’outil numérique, il va de soi que le rôle des enseignants est essentiel ; en aucun cas il ne s’agit de mobiliser la technique pour les remplacer ou en minimiser l’importance ; mais pour préserver la place centrale du professeur dans sa classe il faut lui assurer un fort soutien, un accompagnement par la formation et aussi par la mise à disposition de bonnes ressources (les outils, les plateformes spécialisées, les contenus des programmes mis en ligne etc) . Il y va du respect de leur fonction et même de leur statut, beaucoup d’observations ont été formulées dans cet esprit.
On récapitule ci-après les principales réflexions émises par la quinzaine d’intervenants qui se sont exprimés :
-il faut des environnements robustes, gratuits autant que possible, avec des plateformes à accès libre, commodes d’utilisation, des systèmes ouverts et adaptés pour tenir compte de la diversité des « publics apprenants » (diversité linguistique et culturelle notamment, prise en compte des besoins spécifiques des handicapés)
-une intervenante du Brésil a développé une observation sur le sujet des « plateformes numériques » à partir des expériences conduites dans son pays ; il faut selon elle pouvoir compter sur des conditions minimales à fonder sur le respect de paramètres clairs et qui gagneraient à être définies mondialement mais, à tout le moins ce souci d’exigences quant aux plateformes (pour protéger les utilisateurs) doit être porté au niveau national et donner lieu à des démarches collaboratives ou partenariales « public-privé » notamment.
–bien appréhender la question des « données » lorsqu’elles doivent être diffusées et utilisées sur une grande échelle : on a parlé à propos de leur utilisation pour l’enseignement par voie numérique, de la nécessité d’une « pédagogie de la donnée » qui permette de bien répondre aux besoins des élèves
–avoir une vue complète de l’organisation des apprentissages avec large recours au numérique : cela signifie, ne pas avoir des approches excessivement « en-fermantes » comme par exemple utiliser un seul outil, ou miser exclusivement sur l’approche numérique.
-exploiter les ressources de la technologie pour offrir aux éducateurs et aux apprenants des opportunités nouvelles : travail à distance, notamment pour les handicapés, mais aussi pour atteindre des communautés qui autrement ne pourraient pas bénéficier d’apprentissages (ex : camps de réfugiés, populations vivant loin des écoles)
–écouter les professeurs, c’est une nécessité pour les motiver et éviter le risque de fournir des outils qui n’auraient pas leur préférence ou qui ne répondraient pas à leurs besoins. Il est important à cet égard de bien expliquer les conditions de fonctionnement et les apports des outils numériques que l’on introduit : il apparait trop souvent qu’on fournit des logiciels ou des accès à des plateformes sans beaucoup de précisions ; se créent ainsi des asymétries entre utilisateurs et prestataires de service qui peuvent nuire à la promotion des approches numériques.
-finalement, on peut parler d’une nécessaire alphabétisation numérique de tous les acteurs des systèmes éducatifs pour aider à la propagation d’un phénomène engagé qui est de nature universelle : tous les domaines de l’éducation vont être concernés (qu’il s’agisse de l’éducation formelle ou informelle comme par exemple en relève l’organisation des bibliothèques), il est urgent de procéder aux adaptations qui vont partout s’imposer, c’est une vraie mutation avec de grands changements dans les pratiques ; elle ne sera pas simple à mener, les problèmes que cela pose sont nombreux singulièrement dans les pays les plus pauvres, et l’on se doit de s’interroger sur le risque de voir avec ce changement d’ère s’amplifier les inégalités qui sont déjà criantes
-pour répondre à l’urgence des réformes à engager avec l’irruption du numérique, il faudra mobiliser des ressources sur une grande échelle, il faudrait que cela devienne partout une priorité, tout particulièrement pour les pays les moins avancés : un vrai défi qu’il ne sera pas facile à relever si des plans massifs d’aide internationale ne sont pas mis en œuvre.
Conclusion
L’échange aura certainement permis d’enrichir le contenu des réflexions sur cette grande problématique du numérique appliqué aux systèmes éducatifs.Le thème 4 par son intitulé tend naturellement à privilégier des considérations techniques, elles sont importantes mais elles ne sauraient éliminer des sujets que l’on pourrait renvoyer à l’anthropologie, or ici bien peu de commentaires ont été émis ; on a certes évoqué l’importance de la pédagogie et souligné le rôle du professeur comme personne- enseignante en rapport avec ses élèves, une allusion a aussi été faite à propos de la santé mentale des apprenants dans ce nouvel environnement en train de prendre forme, mais tout ici n’a été qu’effleuré. Sans aucun doute, beaucoup reste à approfondir, et, s’agissant du numérique introduit dans le domaine de l’Education, plus que dans beaucoup d’autres, il faudra bien se préoccuper de la question des interactions et relations interpersonnelles(apprenants-élèves) « en vrai », au-delà du seul usage des nouveaux outils qu’offrent les technologies du numérique ; mériterait aussi d’être plus analysé un autre sujet qui, au demeurant, n’est pas propre au domaine éducation, à savoir la question des effets de ces nouvelles technologies sur les apprenants, surtout sur les plus jeunes (leur psychologie, leurs comportements etc)