Mots clés : Internet, cyber espace, protection des données personnelles, renseignement criminel.
« DarkNet : les nouveaux défis sociétaux, juridiques, technologiques et éthiques »
14 septembre 2017 Siège de l’UNESCO

RÉSUMÉ

Tous les contenus disponibles dans le cyberespace ne sont pas accessibles à l’aide des moteurs de recherche habituels. En réalité, il existe tout un monde virtuel parallèle que l’on appelle le DarkNet, qui désigne la partie de l’Internet à laquelle on peut accéder de manière anonyme, et qui est fréquemment utilisée pour des activités illicites, notamment l’échange de données sensibles, la pornographie, le trafic de drogues, le trafic d’armes, etc. Il est également de plus en plus utilisé par les groupes terroristes et extrémistes incitant au racisme, à la haine et à l’extrémisme violent. Pour accéder au DarkNet, des logiciels, des configurations ou des autorisations spécifiques sont nécessaires. Les sites Web du DarkNet ne sont accessibles qu’au moyen de logiciels spéciaux tels que TOR (« The Onion Router ») et I2P (« Invisible Internet Project »). L’identité ainsi que l’emplacement des utilisateurs du DarkNet restent secrets et ne peuvent être analysés en raison du système de cryptage à couches superposées. Le DarkNet est donc un phénomène complexe qui est en constante évolution, et qui pose par conséquent un certain nombre de questions de confidentialité et de sécurité.

CONTEXTE
Une plate-forme pour l’extrémisme violent

Le DarkNet et les groupes extrémistes entretiennent des liens de plus en plus étroits. Le Web surfacique conventionnel devient trop risqué pour les entités qui recherchent l’anonymat. Au contraire, sur le DarkNet, le réseau décentralisé et anonyme permet d’éviter plus facilement l’arrestation et la clôture des plates-formes terroristes. Les groupes extrémistes et les membres de l’ISIS sont de plus en plus nombreux à chercher refuge dans le cloud anonyme du DarkNet. Les réseaux cachés sont utilisés pour distribuer du matériel de recrutement, former et informer les groupes de terroristes, radicaliser et diffuser de la propagande, collecter des fonds et coordonner les actions et les attaques. Avec ses forums, espaces de discussion en ligne et applications de messagerie djihadistes chiffrés, le DarkNet est devenu la plate-forme de recrutement numéro un de l’ISIS.

Implications éthiques

L’anonymat offert par le DarkNet permet également de couvrir les personnes vivant sous des régimes répressifs qui ont besoin de la protection de la technologie pour naviguer sur le Web, accéder à des contenus censurés et faire valoir de quelque autre manière que ce soit leur plein droit à la liberté d’expression. Dans les pays non démocratiques, la présence de l’anonymat est pour les individus le seul moyen d’exprimer des points de vue contraires. Par conséquent, l’infiltration alarmante de terroristes connaissant bien l’Internet dans les « grottes virtuelles » du DarkNet devrait inciter la communauté internationale à trouver une solution pour combattre les activités illicites et répréhensibles, mais sans conduire à la fermeture des réseaux anonymes, dans la mesure où cela desservirait les personnes qui profitent véritablement de ces systèmes chiffrés.

OBJECTIFS DE LA RÉUNION
– Mieux faire connaître la dynamique évolutive du DarkNet.
– Identifier des stratégies et des réponses politiques à ces défis.
– Envisager des moyens par lesquels l’UNESCO pourrait renforcer ses activités dans ce domaine.

(source UNESCO)
Sur ces 3 objectifs, seulement le premier – Prise de connaissance du phénomène « Darknet » – a été abordé, faute de temps.


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Qu’est-ce que le Darknet ?
Le cyberespace peut être divisé en 3 parties :

  • Surface web : Espace visible indexé c’est à dire répertorié, comme des livres dans une bibliothèque. Il est donc interrogeable via des moteurs de recherche (type Google ou Facebook) par tout le monde. Son accès est gratuit. Il ne représente que 4% des 5000 milliards de pages disponibles.
  • Deepweb : Espace confidentiel pour déposer et mettre à la disposition d’acheteurs des données, académiques, scientifiques, dossiers médicaux, ressources gouvernementales
  • Darkweb : très sécurisé où l’entrée se fait souvent par cooptation. On y trouve des données illicites, des communications privées d’entreprises ou de particuliers. Les données y sont encryptées à plusieurs niveaux. Le Darknet est le réseau du Darkweb.

Pourquoi le Darknet fait peur ?

Le Darknet est un réseau aux fins de rendre les données anonymes, stockées sur des serveurs non localisables grâce à de l’encryptage multiple, avec des protocoles instables (en constante évolution pour échapper à toute analyse afin d’éviter toute régulation).

A l’origine, le Darknet a été créé pour le Gouvernement Américain afin de garantir la confidentialité de données personnelle. Aujourd’hui, son côté invisible fait peur de la même façon qu’Internet pouvait faire peur il y a environ 20 ans (Big Brother is watching you !)

Comment ça marche ?

Un des sites majeurs s’appelle TOR : The Onion Router. Les données y sont encapsulées à plusieurs niveaux comme un oignon (ou des poupées russes) avec des algorithmes complexes s’emboîtant les uns à la suite des autres. Chaque couche d’oignon est située sur un serveur placé dans un endroit diffèrent du précèdent sur la planète. Toute localisation devient alors impossible.

Quels sont les dangers liés au Darknet ?

Darknet répond à une demande de toutes sortes de consommateurs et à des motifs économiques (services techniques tarifés).

Internet a des avantages uniques : il est disponible presque partout, rapidement et à tout instant. Il reste anonyme et Darknet est construit autour de cette garantie. Il permet la dématérialisation de l’action criminelle (on voit des photos d’armes bien avant d’en avoir une en main). Il permet de mettre en relation des personnes aux intentions de tous ordres, ce qui profite aux criminels et aux terroristes, mais aussi aux défenseurs des droits de l’homme.

Les requêtes les plus importantes sont liées à la drogue (20%), a la pornographie (aussi 20%), aux armes (15%). Les 2 pays les plus touchés par ces fléaux sont les USA (pour un montant estimé à 5 milliard $) et le Royaume Uni (2,5 milliards $). A noter que 40% des requêtes sont inconnues.

Le Darknet est aussi un lieu de recel de données proposées à la vente. Il existe des services tarifés en ligne destinés à porter atteinte à un site d’entreprise ou à une réputation ou à la vie d’une personne. De plus, 200000 demandes de rançon – du type « vous payez, sinon… » – dans 150 pays ont été émises en 2014 sur ces sujets.

Le pape de Darknet nommée Ross Ulbricht a proposé, entre autres, 13000 drogues sur son site et ainsi génère 180 millions $ de revenus en 2013, l’année ou il a été arrêté et condamne à la prison à vie.

Un officier du renseignement criminel d’Interpol a exposé succinctement ce qui est fait en matière de crimes contre les enfants. Ce sujet emploie 24 personnes au siège mondial d’Interpol situé à Lyon. En 2015, le projet Love Zone a permis d’identifier 45,000 utilisateurs de réseaux pédophiles dont une centaine a été arrêtée, ce qui a permis de mettre 300 enfants en sécurité. Chaque jour, 5 enfants de plus sont identifiés sur ces réseaux pédophiles.

Que faire ?
Interpol a développé une base de données de 11000 enfants. Malheureusement le crime se développe plus vite que la police.
Darknet est-il illégal ? Non, mais c’est son utilisation qui peut l’être.

On peut techniquement fermer de façon légale un site illégal. Mais l’efficacité de cette mesure est quasiment nulle car il sera souvent trop tard et de plus le site se rouvrira ailleurs grâce à des moyens nettement supérieurs à ceux mis en œuvre pour l’arrêter.

Afin de fermer un site illégal, il faudra des preuves. Si elles sont obtenues de manière illicite, ce qui est souvent le cas, elles pourront être invalidées par la défense. Les moyens du Darknet étant immenses, les actions de la Police et de la Justice sont souvent entravées.

Deux méthodes sont souvent exploitées pour débusquer un utilisateur assidu: le piégeage et le pot de miel. Malheureusement le nombre des utilisateurs augmente plus vite que celui de leurs arrestations.

Conclusion

Comme on l’a vu, les enjeux abordés étant liés à la liberté, la sécurité et à l’économie, l’étroite collaboration entre techniciens, juristes et économistes est indispensable.

Ensuite, face au défaut de localisation du Darknet, la coopération entre tous les Etats (police, justice) est primordiale.

Enfin l’éducation des enfants dès le plus jeune âge (CE1) doit être faite sur les dangers du vagabondage sur le Darkweb. L’objectif est de leur donner quelques règles de bonne conduite, comme on le fait avec le Code de la Route pour la conduite des véhicules.

Ces sujets ne peuvent pas être laissés dans les seules mains des techniciens et celles du marché. Un rôle important de l’UNESCO est dès lors souhaitable, afin de préparer l’avenir.