Le 6 avril 2020, les deux Comités internationaux de l’Unesco en charge des questions éthiques (CIB et COMEST) ont publié une Déclaration commune que l’on peut considérer comme un appel éthique adressé prioritairement aux Etats maintenant tous concernés ou impliqués dans le combat mondial qu’ils mènent face aux graves menaces que fait courir le virus Covid-19.

Il s’agit d’un document d’orientation dense qui énonce avec force et tout à fait opportunément une série de principes et de recommandations pratiques. Son objet est de guider les gouvernements pour qu’ils ne perdent pas de vue les considérations éthiques dans les nombreuses mesures qu’ils sont contraints de prendre souvent dans l’urgence. L’idée est de promouvoir un socle de « Communs » avec l’aide de la Science et des Technologies prenant pleinement en compte les Valeurs de l’Ethique.

Tout en donnant des indications précises pour tenir compte des particularités de cette pandémie d’une ampleur et aux conséquences sans précédent, la déclaration fait référence à plusieurs textes émis par les deux comités d’éthiques les années précédentes dont la teneur est tout à fait pertinente dans les circonstances présentes : la responsabilité individuelle en matière de santé, les questions concernant les migrants et les réfugiés, la non- discrimination et la non-stigmatisation, le respect de la vulnérabilité humaine et intégrité de la Personne.

Un certain nombre de points soulignés sont d’une grande actualité pour la crise sanitaire à son paroxysme mais aussi pour « l’après » tant il est vrai que les questions éthiques dépassent le seul sujet de la santé, quand sont concernées d’autres dimensions d’importance vitale.

On aura relevé en particulier :

  • La nécessité de traiter les données collectées et les informations diffusées avec une grande rigueur, cohérence, transparence, fiabilité, justesse, et souci de combattre les fausses nouvelles ou interprétations, notamment sur les réseaux sociaux.
  • L’exigence pour chaque Etat d’élaborer et mettre en œuvre dans les domaines de la Santé ET du Social, des stratégies fondées sur l’écoute de toutes les parties prenantes, alimentée par des données correctement intégrées, et plaçant en toute première priorité la Personne et la Communauté (la dimension collective).
  • Le « primat de la Science » est mentionné en associant ce principe à un autre qui ne se limite pas au domaine scientifique : la démonstration par la preuve, en tenant compte des incertitudes.
  • L’attention toute particulière à porter aux Vulnérabilités et aux Inégalités, et en tout premier lieu celles qui touchent les Personnes dont il faut respecter la Dignité et les Droits Fondamentaux. Les Droits de l’Homme et la Justice sont ici deux objectifs essentiels.
  • A propos des vulnérabilités dont il faut se préoccuper, on voit mentionnées à juste titre, deux questions importantes à ne pas négliger dans le contexte actuel : le stress psychologique que peut générer le confinement et les violences intrafamiliales.
  • Pour faire face aux menaces qui pèsent sur les plus faibles avec cette pandémie, il est doit être fait appel au sens des Responsabilités des Etats qui dans leurs choix (allocations de ressources, accès aux soins) sont invités à être « justes, bienfaisants, équitables ».
  • A noter une certaine réserve sur la notion d’immunité collective
  • Un appel à miser massivement sur les coopérations en particulier dans le monde de la Recherche, si fortement sollicité pour trouver les moyens d’endiguer la pandémie. Le rôle de l’OMS est souligné. Il est suggéré qu’en matière d’éthique soit mis en place des structures capables de faciliter le traitement des questions éthiques à tous les niveaux.
  • Il est aussi fait allusion au principe d’efficacité, mais sans préciser plus ce dont il s’agit ; au demeurant on pourrait sans risque de se tromper dire qu’il s’agit de viser une efficacité « à dimension humaine » (voir ci-dessus les exigences de dignité et de respect de la personne) ; à cet égard, on aura noté une allusion à la question du « triage des personnes », qui est à exclure comme mode de gestion des malades.
  • Si la question sanitaire a toute son importance, il ne faut pas s’en tenir aux seuls aspects médicaux ou au sujet très important de la Recherche ; la Déclaration appelle les Etats à ne pas négliger les questions d’ordre social qui ne manquent pas de se trouver soulevées avec cette pandémie, notamment là où elle sévit dans les Pays les moins développés.
  • Si le Droit à la santé est à confirmer, mais sans oublier les Devoirs que cela implique. Dans cet esprit la déclaration appelle à ce que les concepts, juridiques ou autres, en lien avec la pandémie soient vraiment convertis en Actes.

On ne peut que saluer la publication de ces « considérations » en espérant qu’elles soient partout de plus en plus prises en compte, singulièrement pour traiter le cas des Personnes les plus vulnérables.

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