YAMOUSSOUKRO : DEUXIÈME FORUM INTERNATIONAL DES ONG

EN PARTENARIAT OFFICIEL AVEC L’UNESCO

Un droit humain fondamental
Les femmes et les jeunes à la source de cet objectif

30-31 juillet 2014

Fin juillet, quelques rares ondées ponctuent la petite saison sèche avant le retour des pluies. Posée au milieu de la savane pré-forestière – des petits arbres entrecoupés de bosquets et de haies de palmiers – Yamoussoukro la cosmopolite compte moins de 300 000 habitants. Quatre tribus y vivent sous le même soleil. Parfois, on en viendrait à souhaiter que sa chaleureuse présence se fasse plus discrète, mais n’est-on pas en Afrique ? Omniprésent, le soleil surplombe jusqu’à l’écusson de la ville où sont représentés une chaise royale, symbole du pouvoir, plantée au pied de la Basilique Notre-Dame-de-la-Paix qui éclaire les décisions de ses dirigeants, en compagnie d’une tête de bélier en la mémoire du Président Houphouët-Boigny.
Du 30 au 31 juillet dernier, deux cents représentants d’ONG nationales, régionales et internationales, des experts en ressources en eau ainsi que des représentants de la société civile, ont participé à Yamoussoukro, au forum international des ONG en partenariat officiel avec l’UNESCO. Organisé par le Comité de Liaison ONG-UNESCO, en coopération avec le secrétariat de l’UNESCO et en collaboration avec l’État ivoirien, le forum a débattu du thème  »L’accès à l’eau pour tous en Afrique, un droit humain fondamental ».

Mesdames Kandia Camara et Christine Roche

Mesdames Kandia Camara et Christine Roche

Avec environ 300 participants venus de quinze pays (dont le CCIC représenté par Christine Roche), c’est le premier forum international des ONG en partenariat officiel avec l’UNESCO à se tenir en dehors de Paris. On notera l’implication des autorités ivoiriennes à cet événement placé sous le parrainage du Premier Ministre ivoirien, représenté par le ministre de l’Éducation nationale et de l’enseignement technique de Côte d’Ivoire, Madame Kandia Camara.

A l’ouverture du forum, la Directrice générale de l’UNESCO, Irina Bokova, a souligné dans un message vidéo que le développement humain durable et la culture de la paix passent par le partage des ressources en eau : « Il y a suffisamment d’eau sur cette Terre, ce qui manque, c’est la gouvernance, une meilleure gestion des ressources. Ce travail ne peut se faire qu’ensemble, avec tous les acteurs concernés. Les ONG et la société civile jouent ici un rôle de premier plan ».

Indispensable à la vie, l’eau est une ressource naturelle dont l’accès limité menace l’existence de populations entières, particulièrement en Afrique, première victime du manque d’accès à l’eau douce à cause de la désertification des terres (Sahara), de la sécheresse et de la pollution. Comme l’a rappelé Marie-Christine Gries de La Barbelais dans l’introduction à la synthèse des travaux présentée aux participants : « L’Afrique manque d’eau mais la ressource existe en quantité suffisante. Elle est donc mal partagée. Les disparités géographiques et sociales ne sont pas une excuse à ces injustices. L’insuffisance des ressources est une idée préconçue largement diffusée qui contribue à un fatalisme inacceptable. L’accès à l’eau est reconnu comme un droit humain, ce qui implique que tous les obstacles, quelle que soit leur importance, doivent être surmontés, à tout prix. »

Dans une résolution de l’Assemblée générale des Nations unies en date du 28 juillet 2010, l’accès à l’eau a été proclamé « droit fondamental, essentiel au plein exercice du droit à la vie et de tous les droits de l’homme ». Mais dans les faits, l’accès à l’eau continue de générer des inégalités majeures de par le monde. « Plus de 600 millions de personnes n’ont toujours pas accès à l’eau potable et 40 % des pays de l’Afrique subsaharienne sont touchés par la question imminente de l’eau », a déclaré le sous-directeur de l’UNESCO, Éric Falt. yakro2Chaque année, plus d’un million de personnes meurent, suite à la consommation d’eau polluée. Quant à la disponibilité de l’eau dans le monde, sa disparité est flagrante : la consommation en eau d’un Européen s’élève à 150 litres/jour tandis que dans les pays en développement elle n’est que de 10 litres/jour. Selon Éric Falt, « Le forum (…) offre aux participants de réfléchir sur la question afin de mener des actions concrètes et changer les choses pour l’avenir. Il faut trouver des remèdes, une solution à cette question. Les gouvernements aujourd’hui ne peuvent pas gérer seuls ces problèmes, il faut y adjoindre le secteur privé et la société civile ».

L’objectif des ONG étant de relever les défis pour avancer, les sages paroles de Monsieur Abou Amani, hydrologue régional pour l’Afrique, Bureau de l’UNESCO à Nairobi :  « Penser globalement, agir localement » ont trouvé un écho très favorable dans l’assemblée.
En effet les ONG présentes souhaitent une meilleure implication des populations, une concertation avec les intéressés, en particulier les femmes et les jeunes : « Les femmes, dont le rôle est fondamental dans la quête et la gestion de l’eau des foyers, doivent acquérir davantage de responsabilités, participer aux décisions intéressant la communauté en apportant leur expérience. Des exemples de succès dans la gestion confiée aux femmes en démontrent la pertinence. C’est l’objectif de l’approche «  genre » sur la question de l’eau comme dans d’autres domaines ».
Euphrasie Yao, responsable et co-titulaire de la Chaire UNESCO « Eau, Femmes et Pouvoir de Décisions » Côte d’Ivoire, a expliqué aux participants la portée de l’approche “genre” en se fondant sur l’expérimentation de Diatokro, un village de 4 000 âmes situé dans le département d’Aboisso au Sud-Est de la Côte d’Ivoire.yakro3
Partant de la constatation du rôle indéniable et incontestable de la femme dans l’approvisionnement, la gestion et l’utilisation de l’eau, mais déplorant sa marginalisation dans les prises de décisions lors des grandes assemblées, le projet « Eau, Femmes et Pouvoir de Décisions » a été mis en place en 2005 pour soutenir les actions du Gouvernement. Intitulé «  L’implication des femmes leaders rurales dans la gestion des systèmes HVA pour une pérennisation de l’accès à l’eau potable et le développement durable », il a pour objectifs généraux de lutter contre la pauvreté par l’élévation du taux d’accessibilité en approvisionnement en eau potable de façon durable, d’améliorer le statut de la femme, et d’impliquer les populations dans la gestion des affaires les concernant. Quant à ses objectifs spécifiques, ils consistent à motiver les femmes en leur faisant prendre conscience de leur importance dans la nouvelle politique d’entretien et de gestion des points d’eau, en leur donnant, ainsi qu’aux hommes gestionnaires des Ouvrages Hydrauliques Villageoises, les outils nécessaires à l’accomplissement de leurs tâches.
Les bons résultats obtenus de 2006 à 2014, tant au niveau des aspects techniques et financiers qu’au plan socio-culturel et en matière de prises de décision, ont valu à ce projet la médaille d’or au Symposium International de l’Eau de CANNES en 2004 et l’obtention d’une Chaire UNESCO « Eau, Femmes et Pouvoir de Décisions » en 2006. L’expérimentation de Diatokro prouve que des solutions locales pertinentes existent pour peu que l’on s’en donne les moyens, par une stratégie, des actions de sensibilisation, de formation et des investissements adéquats.
A l’échelle du continent africain, les solutions pérennes qui exigent la mise en chantier de projets seraient bien plus coûteuses : rien que pour créer ou renforcer des infrastructures de distribution et d’assainissement, il faudrait que l’Afrique consacre l’équivalent de 11,5 milliards d’euros par an, selon des chiffres de la Banque africaine de développement. Dans l’immédiat, il est vital de faire face au financement du minimum pour que chaque individu reçoive gratuitement 20 litres d’eau par jour pour ses besoins élémentaires. Dores et déjà, il est urgent que les pollutions agricoles et industrielles soient interdites et que « l’Afrique ne devienne pas la poubelle des déchets radioactifs mondiaux ».
Comme souligné dans la synthèse : «  Les défis que rencontrent les acteurs du Développement durable, en particulier pour l’eau, restent multiples et importants. Outre la question de l’approvisionnement et de la répartition, plusieurs points cruciaux ont été soulevés par les orateurs et les participants : les maladies liées à l’eau (l’eau apportant la mort au lieu de la vie !), l’insuffisance de l’assainissement aggravée par l’absence de connaissances des populations, le gaspillage à tous niveaux, la prise en compte de l’explosion démographique du continent… Enfin nous avons tous la conviction que l’Éducation est la clé du Développement durable, et qu’elle doit intégrer l’information, la formation de tous au respect de l’eau et aux questions de sa gestion, et ce dès la petite enfance. »
Impliqué dans la préparation de ce forum, le CCIC a profité pleinement de sa présence sur place et a pu constater la réussite de ce projet. Les contacts pris avec Madame Kandia Camara, ministre de l’Éducation nationale ivoirienne, avec certains spécialistes et surtout avec les délégués des ONG africaines, permettent d’élargir nos pistes de travail grâce à une meilleure connaissance des réalités « de terrain ».
Les échanges avec de jeunes Africains engagés ont posé les bases d’une collaboration concrète entre les ONG. Parce qu’ils analysent avec lucidité les freins qui s’opposent au progrès dans leurs pays, leur détermination à faire bouger les comportements a poussé le CCIC à prendre une responsabilité dans le secteur « Éducation » du groupe « de suivi du forum de Yamoussoukro » auprès du Comité de liaison. Ce groupe travaillera en collaboration avec une structure similaire en Côte d’Ivoire et un ensemble de suivi initié par le gouvernement ivoirien.
Enrichi par son expérience africaine, le CCIC rejoint une mobilisation qui s’appuie sur dynamisme et lucidité, afin que « ça bouge » et que l’humanité gagne la « bataille de l’eau douce ».
 

Avant de se séparer, deux jeunes participants au forum de Yamoussoukro ont proclamé « L’ Appel de Yamoussoukro :

yamoussoukro

1, rue Miollis, 75732 Paris Cedex 15. Tél : +33 1 45 68 36 68
www.ong-unesco.net Facebook : Ngo-Unesco Liaison Committee

DEUXIEME FORUM INTERNATIONAL DES ONG
EN PARTENARIAT OFFICIEL AVEC L’UNESCO
L’accès à l’eau pour tous en Afrique
Un droit humain fondamental
Yamoussoukro (Côte d’Ivoire), 30-31 juillet 2014

« Nous devons sensibiliser les décideurs au-delà de la sphère des spécialistes en eau, leur fournir des outils pour comprendre les conséquences de leurs décisions et mettre en évidence d’autres moyens ».
Irina Bokova, Directrice générale de l’UNESCO.

L’APPEL DE YAMOUSSOUKRO
« POUR QUE ÇA BOUGE ! »
PASSER DES PROMESSES AUX ACTES !

Nous, participants au Forum des ONG,
Sachant que l’Afrique est riche en eau et que les technologies sont capables de la rendre propre et de l’amener à tous,
Considérant que l’accès à l’eau potable pour tous conditionne le succès des OMD contre la pauvreté, pour l’éducation, la santé…

  • Souhaitons, pour tous, le minimum pour boire, cuire les aliments, se laver, soit 20 l d’eau saine et gratuite par jour et par personne ;
  • Considérons que, pour être réalisés, les OMD post 2015 devraient être assortis de clauses contraignantes, respectées par tous les États. Les organisations non gouvernementales (ONG) devront s’en emparer pour travailler en lien avec les populations et en coopération avec tous les acteurs ;
  • Sommes décidés à être efficaces afin d’en finir avec la soif et les maladies, la mort dues à l’eau sale et polluée, ou au manque d’eau ;
  • Faisons appel aux États afin qu’ils rendent opérationnelle la reconnaissance du droit à l’accès à l’eau potable pour tous par des dispositions institutionnelles et pratiques pertinentes ;
  • Invitons les États à soutenir les travaux du groupe de travail intergouvernemental, mis en place par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies le 26 juin 2014, pour « l’élaboration d’un instrument international juridiquement contraignant sur les sociétés transnationales et autres entreprises et les droits de l’homme. »
  • Faisons enfin appel à toute la société civile pour qu’elle soutienne efficacement ce plaidoyer, sensibilise les acteurs locaux, et contribue activement à la réalisation de ces objectifs au service de l’humanité.