Les ONG veulent être plus impliquées concrètement dans la transformation stratégique de l’Unesco et être partenaire entier dans la nouvelle gouvernance à venir de l’Unesco. Cela s’est concrétisé par une consultation des délégués permanents, les responsables de Secteurs à l’écoute ; un bref retour sur les rencontres du 23 août 2019 (le secteur « Education ») et du 24 août 2019 (le secteur « Sciences Humaines et Sociales » ou « SHS »)

Ces deux réunions présidées par M Jean-Yves le Saux, Directeur du Bureau de la planification stratégique, s’inscrivent dans le cadre des travaux activement menés sur la Transformation stratégique de l’Unesco dont le plan d’action prévoit le traitement des questions sectorielles, les six domaines couverts par l’Unesco. Ces consultations viennent également à l’appui de la préparation (actualisation) de la composante C4 qui constitue la référence que se donnent la Conférence Générale et le Bureau exécutif au titre des orientations de l’institution.

Ces deux dernières sessions se sont tenues en présence des Directeurs Généraux Adjoints (ADG), ce qui marque bien l’importance qu’entend accorder la Direction Générale aux avis des représentants des Etats. Outre la présence de Mmes Stefania Giovannini (« Education ») et Nada Al Sharif (« SHS ») qui, à la fois dans leurs propos introductifs et leurs réponses aux observations des délégués, ont été précises dans leurs interventions, la communication préalable de documents sur le sujet soumis à discussion a été appréciée.

Sans viser l’exhaustivité des propos entendus, on se propose de faire ressortir un certain nombre des idées les plus fréquemment exprimées, et de formuler quelques observations complémentaires qu’elles nous ont inspirées.

Même si pour chacun des secteurs, il y a eu des commentaires spécifiques, on ne peut manquer de noter des points communs qui, tout en étant susceptibles de trouver des traductions propres à leurs domaines, sont révélateurs de valeurs, principes, priorités souvent partagés et certainement appelés à venir alimenter « les fondamentaux » de la future Stratégie de l’Unesco.

L’intersectoriel, le travail transversal

Aussi bien les ADG que les intervenants de la salle ont souligné la nécessité d’aller beaucoup plus loin en la matière ; de fait, les deux domaines par nature couvrent de multiples dimensions et intéressent, l’un comme l’autre, les autres secteurs de compétence de l’Unesco. L’agenda 2030, notamment pour la réalisation de l’ODD4 (« Education ») appelle au demeurant l’engagement de démarches transversales. Mais le dire n’est pas faire, et comme le reconnaît l’ADG « Education » on est encore loin d’avoir trouvé le bon équilibre ou la bonne voie, étant observé qu’il s’agit d’aller plus loin que de (vaguement) coopérer. Venant du domaine « SHS », on relève aussi le risque d’une insuffisance, ainsi, l’ADG prenant l’exemple de l’implication des jeunes (un objectif maintenant porté par l’ONU, et dont « SHS » a la charge) reconnaît qu’il faut aller plus loin dans la sensibilisation des autres secteurs à ce sujet.

Le concret, le terrain, l’ancrage local, des réponses aux préoccupations spécifiques des Etats 

Là aussi les avis sont assez concordants, il y a une demande de traduction réelle (des actes) visibles des initiatives qui peuvent être prises. « Assez les Grands discours, des actions » dit un délégué… un avis repris par d’autres, mais qui gagne à être nuancé comme l’a fait le délégué espagnol qui, à juste titre, a insisté sur la nécessité de pouvoir asseoir les activités sur un socle d’idées et de réflexion de fond suffisant, ce qui n’est pas le cas actuellement : on parlerait trop de procédures, de gouvernance et pas assez des idées qui pourraient traduire une vision, une vue d’ensemble de l’Unesco que l’on s’attache pourtant bien souvent à présenter comme « un laboratoire d’idées » (exceptionnel, unique, disent certains).

Le souci d’efficacité, une gestion rigoureuse, la mesure des actions (leurs retombées, leur évaluation)

Ici sont reprises par beaucoup des considérations qui ne sont pas nouvelles, on retiendra tout de même quelques éléments sur lesquels on insiste : nécessité de bien mesurer statistiquement mais aussi qualitativement (ex ante et ex post) avec notamment l’aide indispensable de l’ISU (Institut de la Statistique)

On met l’accent sur les nécessaires études d’impact, il faut pouvoir mesurer les retombées des projets ou programmes engagés, avec de bons indicateurs, étant observé que certains domaines (nouveaux souvent) appellent à repenser les approches statistiques (un exemple type nous étant donné avec le suivi de ce qui a trait à l’Intelligence Artificielle)
Bien entendu, il a été fait mention à plusieurs reprises de certaines exigences qui ne sont pas nouvelles : prioriser, ne pas se disperser, exploiter les synergies (intra-Unesco et inter-agences de l’ONU).


Quelques thèmes sont clairement mis en avant ?

Il y a d’abord les deux sujets déjà prioritaires, à savoir l’Afrique et le Genre. Ils ne seront pas remis en cause, au demeurant. Plusieurs autres sujets – plus nouveaux à certains égards – peuvent s’y rattacher, à savoir :

  • L’Intelligence Artificielle (thème plébiscité et qui a fait l’objet de nombreux commentaires) : quid de l’éthique ? Comment l’utiliser pour l’Education ? Les risques de l’Inégalité ? etc.
  • Les Femmes et les Filles (peu développé, le sujet a tout de même été cité à d’assez nombreuses reprises pour les deux domaines) : Par exemple à propos de leur intégration dans le secteur des sciences et technologies (domaine Education), ou, sur un point spécifique, à savoir « Les jeunes filles et le sport » (domaine « SHS »)
  • L’implication des Jeunes : cet objectif est soutenu par le SG de l’ONU, pour toutes les agences onusiennes, l’Unesco va amplifier ses actions à destination de cette population avec l’idée de les engager à la fois dans les aspects « réflexion » et « mise en œuvre ».
  • L’Ethique : là aussi, le thème est bien cité par un certain nombre de délégués qu’il s’agisse notamment de l’IA ou de questions scientifiques… avec en particulier une référence au MOST l’un des seuls programmes mentionnés explicitement.
  • Le Sport : soutien appuyé à ce qui est fait par l’Unesco notamment par les représentants de pays d’Afrique.
  • Réflexions et actions autour des Discriminations, de la Violence (notamment les actions préventives à mener auprès des jeunes), des exclus (voir en particulier l’Education des migrants).
  • L’Education : il est en particulier fait état de la nécessité de bien promouvoir les valeurs qui s’attachent aux Droits de l’Homme et à la Citoyenneté globale. Sur ce dernier thème, on a fait allusion aux travaux conduits sur les villes (voir les villes résilientes, la coalition des grandes métropoles).
  • Ces deux derniers thèmes ont été rappelés mais sans qu’ils fassent l’objet de longs développement : les dialogues interculturels et la question climatique.
  • Enfin, une idée nouvelle a été introduite par l’ADG Education, à savoir la question du Vieillissement.

En conclusion

Comme l’a relevé le Président de séance en conclusion de ce cycle de consultation, on semble s’acheminer vers une convergence de vues, ce qui est de bon augure… De fait, les avis ont été assez consensuels. On parait progresser mais il faudra attendre le prochain Bureau exécutif et la Conférence Générale de novembre pour en avoir la confirmation.


Même si elles ont peu été mises en exergue, subsistent des difficultés, sans parler de l’esprit multilatéral récemment mis à mal, la question des ressources reste un réel souci mais le sujet a été peu évoqué… On l’a tout de même rappelé à l’appui de certaines propositions suggérées, et on l’a déploré pour le secteur « SHS » qui est « sous financé » a-t-on dit.


A propos du secteur « Education », un délégué a rappelé qu’on ne peut se satisfaire d’une situation qui va voir le nombre des enfants déscolarisés progresser d’ici à 2030.

Si on insiste sur le bienfait de la transversalité, on appelle aussi à associer tous les acteurs concernés par les projets ou programmes engagés, on rappelle d’abord l’utilité d’une meilleure utilisation du réseau hors-siège et des coopérations inter-agences onusiennes qui seront renforcées, on ajoute aussi que le secteur public doit pouvoir plus et mieux coopérer avec le privé… Les partenariats sont souhaités, mais à propos de tous ces acteurs à associer, on aura pu relever, à peine mentionné, le rôle de la société civile et notamment celui des ONG (alors qu’on entend agir concrètement, sur le terrain etc.)

En conclusion, les échanges ont été nourris, beaucoup de ce qui s’est dit faisait écho à des propos déjà tenus en d’autres lieux mais cela n’aura pas été que des redites, et parmi les éléments que l’on aura retenus comme nouveaux ou très soulignés, on relèvera les travaux à engager ou poursuivre sur l’IA, les Femmes et les Jeunes Filles, l’Ethique (MOST).