Les déclarations des délégués ont assez largement repris les thèmes et les observations entendues lors des débats de la précédente session et rejoint sur le fond beaucoup des sujets développés par la directrice générale dans son introduction. Dans l’ensemble, l’échange a fait ressortir un large soutien aux nombreuses initiatives portées par l’UNESCO, une UNESCO dont le rôle a été salué par beaucoup avec des mots marquants : une institution qui a su parfaitement réagir face aux difficultés, qui remplit une fonction vitale, qui est précieuse et unique en son genre… Au travers de ce satisfecit adressé à l’UNESCO, beaucoup de délégués ont renouvelé leurs félicitations à sa directrice générale pour la qualité de son leadership et plus généralement ont exprimé l’attachement de leurs gouvernements au multilatéralisme.
Le débat : éléments extraits des déclarations
La crise du Covid et la façon dont elle a fait sentir ses effets sur les pays a été à nouveau fréquemment évoquée avec, toujours la même insistance sur la sérieuse aggravation des inégalités qui s’en est suivie et qui appelle à plus de solidarité. Ce sujet des inégalités (fractures, divisions, fossés) a été repris abondamment, au-delà même de son lien avec la pandémie.
Dans de telles conditions, pour faire face à ces grands déséquilibres, de nombreux intervenants ont appelé à intensifier les coopérations, tout particulièrement dans le domaine scientifique, à accroître les financements en faveur des pays les plus défavorisés, à développer les missions d’assistance dans le domaine de l’Education notamment. Éradiquer la pauvreté, se soucier prioritairement des populations les plus vulnérables, ces deux autres sujets préoccupants ont été aussi mentionnés comme faisant partie des objectifs à se donner.
Sur de nombreux autres thèmes inscrits à l’ordre du jour et qui avaient déjà été discutés en mars, les observations et jugements ont fait ressortir une appréciation favorable portée sur la qualité des documents remis par les services à l’appui des discussions et une assez grande communauté de vues quant à la pertinence de leurs contenus.
Plus spécifiquement, on pourra retenir les éléments suivant à propos des projets qui seront transmis pour validation à la 41ème Conférence générale :
Les rapports concernant les aspects stratégiques (la Transformation Stratégique, la Stratégie à Moyen terme) semblent donner une large satisfaction.
S’agissant de l’esprit dans lequel doivent être menées les nombreuses actions de l’UNESCO, les progrès sont salués, comme bien souvent lors des précédentes sessions, mais plusieurs délégués ont appelé à rester aussi concret que possible et privilégier les actions sur le terrain, à ne pas se disperser, ne pas s’égarer dans les mots et savoir passer aux actes. Certains délégués disent tout l’intérêt d’organiser des consultations et invitent le secrétariat à poursuivre ce qu’il a déjà bien engagé à cet égard.
La priorité Afrique qui est confirmée ne fait pas débat ; cela dit, de très nombreux délégués en ont rappelé toute l’importance.
Les délégués de pays concernés ont salué la meilleure prise en compte des Petits États Insulaires en Développement (PEID) tout en rappelant à quel point ils avaient besoin d’aide en raison de leur vulnérabilité.
Les Jeunes : beaucoup plus que lors des sessions précédentes, la question des jeunes a été abordée de très nombreuses fois sous deux angles :
- Celui du principe : il y a maintenant un large consensus pour que les jeunes soient beaucoup plus associés et impliqués dans ce que fait l’UNESCO (les Programmes par exemple, et là on a cité le réseau des jeunes sur le Climat) ;
- Et plus spécifiquement, celui du Forum des jeunes qui devrait se tenir en lien avec la prochaine CG mais qui manifestement pose problème (Quand ? Et avec quelle composition ?) même si cela n’est paru que de façon très esquissée pendant le débat.
Le Réseau hors siège a fait l’objet de nombreux avis ; on en souligne toute son importance pour assurer une présence de qualité pour l’UNESCO, tant d’un point de vue opérationnel que pour les relations avec les Etats. Comme cela a été observé dans de précédentes sessions, il y a eu souvent un jugement critique quant au soutien apporté à ces implantations hors siège (insuffisance de ressources).
Même observation à propos de la représentativité du personnel : de l’avis de plusieurs délégué la composition actuelle des effectifs ne reflète pas encore une assez juste répartition mesurée selon le critère de la taille des populations.
Sur le projet de norme, « Ethique de l’Intelligence Artificielle », large accord des intervenants qui saluent ce qui va constituer une grande avancée. A l’aune de ce chantier qui est en train de se conclure avec succès, à plusieurs reprises, il a été fait mention de la nécessité de se préoccuper d’éthique, et rappelé qu’à cet égard, l’UNESCO a une expertise reconnue qu’elle pourra valoriser encore plus à l’avenir. On a parlé, d’éthique de la solidarité (pour les vaccins en particulier), d’éthique du commerce des biens culturels, d’éthique du vivant et des technologies ; même si cela n’a été qu’évoqué allusivement, l’éthique peut paraître plus présente dans la discussion.
Les recommandations portant sur la « Science ouverte » : là aussi, les propositions sont saluées, elles viendront appuyer positivement le domaine des Sciences qui a besoin de pouvoir compter sur le plus large d’accès possible et qui par ce puissant levier gagnera en potentiel de diffusion des connaissances, de coopération entre chercheurs et, d’innovation. Au-delà des avis portés sur cette nouvelle norme, de nombreux délégués ont (re)dit toute l’importance que revêtait la Science pour le développement, en Afrique notamment. Il a aussi été fait remarquer qu’il fallait lutter contre la défiance à l’égard des sciences, et à encourager les vocations de scientifiques, avec plus de vulgarisation et d’attractivité, notamment pour les femmes.
Les questions touchant à l’Eau et aux Océans sont toujours considérées comme très importantes par de nombreux pays, qui soutiennent les initiatives du PHI (Programme Hydrologique International) ou de la COI (Commission internationale pour l’Océanographie).
Quelques interventions ont porté sur les sujets portant sur la nature et l’environnement, avec la question du dérèglement climatique toujours présente. On aura noté l’ajout à l’ordre du jour d’une proposition visant l’étude de l’évolution des glaciers ; faisant un lien avec ce sujet un représentant d’un pays d’Asie Centrale a appelé l’attention sur la situation particulière des pays situés dans des zones de hautes montagnes au regard du dérèglement climatique.
L’Education reste le principal sujet commenté, en rapport avec les situations particulières (présentation de plans d’action, description des difficultés parfois immenses, les investissements, les aides apportées, les stratégies etc.) ou d’un point de vue général, avec le plus souvent une appréciation très favorable exprimée à propos du rapport sur les futurs de l’Education ou des développements sur la nécessité d’une large conversion au numérique. On souligne pour s’en féliciter ce qui est entrepris en faveur des enseignants (le cœur des systèmes éducatifs), l’éducation au développement durable, aux média et au numérique.
S’agissant de la Culture, le sujet de l’économie créative est revenu assez souvent, avec notamment l’accent mis sur son potentiel de création d’emplois ; on a aussi salué l’essor du réseau des villes créatives ; Les sujets relevant de la convention de 1970 sur le trafic illicite des Biens culturels a fait l’objet de plusieurs observations ; les restitutions récemment opérées ont été saluées mais il a aussi été demandé qu’on amplifie l’action en ce domaine ainsi que sur le terrain de la répression.
A été très fréquemment citée, l’organisation prochaine (en 2022) du second sommet mondial de la Culture qui sera accueilli en 2022 par le Brésil (MONDIACULT)
Comme lors de la 211ème session, plusieurs délégués dit leur satisfaction de voir la reprise du registre Mémoires du Monde.
Dernier point concernant la Culture, enfin : les Conventions. Un délégué s’est félicité de voir ici l’engagement d’un travail visant leur harmonisation.
Malgré les assez fréquentes allusions à la Paix, cette fameuse défense de la Paix à laquelle invite l’acte constitutif, et en dépit des appels à ne pas politiser les échanges, on a assisté comme cela devient presque une habitude, à certains propos qui pour être en général assez brefs n’en sont pas moins marqués d’une charge politique parfois quelque peu agressive ; ils ne sont que le reflet d’un existant qui réapparaît lors de chaque session, presque toujours dans la même configuration, et avec les mêmes formulations ; on citera simplement les pays concernés : Éthiopie, Ukraine, Pays baltes, Cuba, Venezuela, Belarus, Palestine.
La Communication et l’Information : beaucoup d’intervenants ont exprimé leur soutien aux actions conduites pour lutter contre la violence qui traverse les réseaux sociaux (discours de haine), les censures et les « infox » et à tout ce qui est fait au titre de la protection des journalistes.
On notera enfin deux problématiques sensibles (en parties liées entre elles) particulièrement mises en évidence : les discriminations à l’encontre des Femmes et des filles, et la question afghane. Sur le second sujet on aura été ému par une déclaration poignante du délégué de l’Afghanistan, qui a dit toute la souffrance qu’endure son pays, et sa population victime selon ses termes d’un terrorisme islamiste abject.
Quelques évènements à venir ou propositions annoncées par les délégués
On aura noté pour l’année prochaine :
- Conférence mondiale de l’Enseignement supérieur – Espagne
- Journée de la liberté de la presse – Uruguay
- Forum mondial de l’eau – Sénégal
- Capitale du Livre Accra – Ghana
- Réunion du réseau des villes créatives – Brésil
Propositions pour la célébration de nouvelles journées internationales ou mondiales
- Journée mondiale de l’Avenir
- Journée de la Femme dans le Multilatéralisme
- Journée de la langue kiswahili
Reprise de quelques propos sortant de l’ordinaire
Au détour de certaines déclarations, ressortent parfois des idées qui accrochent plus particulièrement l’attention. En mentionnant les délégués porteurs de tels propos qui peuvent inciter à la réflexion, on propose ci-après un morceau choisi (on restitue les idées pas la façon exacte dont elles ont été exprimées) :
- Portugal : « Attention, à ce monde de Robots où l’homme voudrait qu’ils soient à son image, avec des robots qui penseraient pour lui ou qui l’amèneraient à penser au travers des machines : ne nous égarons pas, n’oublions pas la valeur de notre pensée qui est proprement humaine, de la philosophie et sachons garder en nous la richesse de l’empathie…«
- Sainte Lucie : « Ayons à cœur de promouvoir une diplomatie de l’action, en utilisant le droit international comme un outil pour porter les valeurs de l’UNESCO« .
- Madagascar : « « Ensemble », : on peut avoir une certaine gêne avec ce mot si souvent utilisé, au vu de la persistance de tant d’inégalités, d’égoisme et de nationalisme« .
- Inde : « Sachons en matière d’Education initier à la spiritualité… la spiritualité qu’il ne faut pas confondre avec la religion ; à propos d’intelligence, prenons garde de ne pas en rester à la seule dimension intellectuelle, et plus encore ne nous fions pas aux QI, il faudrait prendre plus en compte l’affect, en considérant les émotions qui pourraient s’évaluer sur une autre échelle que celle du QI, le QE (coefficient émotionnel) ; le délégué a aussi parlé des « forces supérieures du cœur ».
- Chine : citation de Confucius, à propos de la paix et de l’harmonie : « Ne faites pas aux autres ce que vous ne voudriez pas qu’on vous fasse ». Sage invitation que l’on pourrait retrouver dans d’autres grands textes inspirants pour l’Humanité avec une même valeur à portée universelle.
- Emirats Unis : reprise d’une citation de son fondateur : « La vraie richesse est celle des relations humaines, pas l’argent ni le pouvoir politique » . « L’argent doit servir les peuples avant tout ».
- Afghanistan : « Je prie pour que d’autres pays n’aient pas à vivre ce que nous vivons ».
Conclusion
A l’issue du débat, on fait le constat d’une atmosphère qui, au-delà des quelques frictions mentionnées, semble bonne et parait en voie d’amélioration.
Il y a en tout cas un jugement d’ensemble très positif porté sur l’UNESCO et sa directrice générale au terme de son premier mandat.