Originalité d’une conversation entre une dizaine de Responsables politiques de haut niveau (ministres, députés) et neuf jeunes engagés dans l’action et le débat, le plus souvent au travers d’ONG, sur les grands défis de notre temps au service du bien commun.

Deux heures d’échanges, riches et vivants, animés par deux jeunes modérateurs qui ont organisé la discussion avec dynamisme, introduisant bien les trois thèmes qui pourraient être presque considérés comme les principaux enjeux de notre temps et en posant de bonnes questions aux participants de ce panel. Autre performance de ces deux « maîtres de cérémonie » : leur capacité à avoir synthétisé au terme des discussions de chaque thème et au terme de la réunion avoir pu succinctement récapituler les idées exprimées.

Bien entendu, il ne s’agissait que d’un regard parmi d’autres sur les grandes questions de notre temps, les pays représentés étaient plutôt de petits pays, les jeunes adultes issus du monde des ONG et porteurs d’avis tirés de leurs expériences qui, pour être riches d’enseignements, ne pouvaient pas intégrer toutes les problématiques sensibles de notre époque.

L’important de ce forum aura été de montrer comment peuvent s’opérer les interactions entre « Jeunes » et « Politiques » sur des sujets essentiels, et l’importance que peut revêtir ce dialogue dans les Pays venus témoigner à ce sujet, avec l’idée que les changements qui s’engagent ne permettent plus d’y faire face en circuit fermé.

Pays représentés par des responsables politiques : Tadjikistan, Mali, Estonie, Sierra Léone, Lettonie, El Salvador, Arménie, Andorre, Malte, Uzbekistan.

Domaines et spécialités représentés par les jeunes : promotion de solutions éducatives (Argentine), journaliste RFI (France), urbaniste-écologiste (Irak), entrepreneuriat social (Luxembourg), directrice d’une ONG axée sur la promotion de pratiques éducatives innovantes chez les enfants (Nigéria), co-fondatrice d’une ONG dont l’objet est la défense des populations autochtones en risque face au dérèglement climatique (Nouvelle Zélande), membre d’un Conseil pour la jeunesse en Lituanie (Lituanie), le plus jeune député de son pays (Panama).

On reprend ci-après les principales observations que l’on aura retenues du débat (les titres donnés pour les trois thèmes ne sont pas exactement ceux retenus dans la brochure qui a été distribuée).

Le Climat déréglé : sauver la Planète

En Nouvelle Zélande, les jeunes sont venus aider à sensibiliser la Population et les Politiques aux risques de catastrophe naturelle auxquels est exposée la communauté Maorie (risque de la submersion). En cela, ils ont été les vecteurs d’une solidarité agissante.

En Irak, les jeunes ont pu aider à changer les mentalités face aux besoins de reconstruction des villes : oublier ce qui était « l’obsession militaire » pour repenser l’urbanisme de grandes villes comme à Bassorah, avec la promotion d’un urbanisme nouveau, les villes vertes.

En Lituanie, le pays n’est pas directement menacé, mais ne serait-ce que par solidarité, il ne peut se désintéresser. Les jeunes interviennent comme des « influenceurs », au travers par exemple d’un conseil de la jeunesse.

Réactions des Politiques :

On a à faire face à des risques globaux qui imposent des réponses multilatérales surtout quand on est très petit (voir le risque des « éco-systèmes montagnards » cité par le représentant de l’Andorre). Les jeunes peuvent et doivent être écoutés, leur implication permet de faire face aux forces d’inerties souvent présentes, il faut les écouter, les rencontrer notamment au travers de forums.

Même observation pour le El Salvador : les actions menées engagent pour l’Avenir et l’Avenir ce sont les jeunes. Il faut se donner les moyens de les impliquer car ils sont totalement concernés par les conséquences des dérèglements climatiques, ne pas le faire expose à des risques de crise.

Synthèse

On voit « fleurir » les initiatives auprès et avec les jeunes, et cela se concrétise. Il en ressort des propositions qui ont des impacts comme, par exemple, des changements législatifs, comportementaux.

Il y a de plus en plus des espaces de dialogues, avec des gouvernements disposés à répondre aux sollicitations exprimées, et l’impression grandissante qu’il faut de plus en plus penser multilatéral et associer tous les acteurs.

L’Éducation remise en cause : son avenir

Une évidence avec l’Intelligence Artificielle : l’Éducation est à réinventer, avec des aptitudes nouvelles requises. Il faut aussi mettre plus l’accent sur trois sujets majeurs tous à dimension globale : le Développement Durable, la Citoyenneté mondiale, le Numérique.

Que disent les Politiques et les Jeunes ?

Un avis d’Arménie

« Il faut convaincre de la nouveauté radicale qu’il faut instaurer, la population et même les jeunes parfois, n’ont pas cette conscience, mais cela tend à changer, notamment avec le rajeunissement de la classe politique. Il faut faire beaucoup pour sensibiliser, avec au besoin des actions spectaculaires (voir par exemple, comme l’on fait plusieurs autres pays, des opérations de reboisement massifs).

Sur les grandes questions nouvelles à introduire dans les systèmes éducatifs, il faut une approche qui s’intègre dans le cadre d’une stratégie mondiale. »

Avis d’une responsable d’ONG tournée vers l’éducation de l’enfance

« Ne pas se le cacher : tout ne va pas de soi, et même si beaucoup est fait (cas du Nigéria), ces résultats sont souvent plus quantitatifs que qualitatifs (ouverture massive des accès à l’Éducation), or l’objectif visé doit être celui de la Qualité, c’est-à-dire une éducation qui produise pleinement ses effets au bénéfice de la société, traite de nouvelles dimensions et prenne en compte des préoccupations souvent négligées. Cette jeune intervenante énonce ici toutes les difficultés à surmonter qui ne sont pas minces : vaincre les réticences de certaines communautés, offrir aux communautés éducatives de nouvelles compétences qu’il est important de maîtriser : l’intelligence émotionnelle, la capacité à réagir de façon responsable, l’attention aux plus vulnérables. »

Intervention du représentant de Panama, à la fois Politique, très engagé et Jeune

« Notamment pour les jeunes, il faut développer de nouvelles approches, avec des compétences appropriées. Le débat et l’action collective (formation à l’esprit d’équipe), l’aptitude à l’analyse des problèmes techniques, la capacité à utiliser les informations. »

Il faut investir massivement dans l’Éducation. C’est ce que fait le Panama qui repense entièrement son système et qui, dans cette entreprise, écoute les messages de la jeunesse, en créant des Espaces à cette fin.

La question des infrastructures est importante, notamment pour ce qui est des nouvelles technologies qui permettent de toucher les populations éloignées des grands centres (monde rural) ou situées dans des zones difficiles d’accès (mise en place de plateformes, développement du téléenseignement etc.) (Arménie, Ouzbekistan).

Le représentant du Mali voit la richesse que recèle la Jeunesse avec toute son énergie. Il faut compter avec elle mais, s’agissant d’Éducation, cela ne doit pas faire perdre de vue ce que sont ses Fondements, à savoir, bien au-delà de l’enseignement des savoirs de base, la transmission de clefs essentielles pour la vie et l’enseignement de Valeurs fondamentales. Ces objectifs doivent se trouver bien évidemment dans les Programmes, avec des contenus de qualité, mais les Programmes ne sont pas tout et sur certains sujets, comme par exemple l’Éducation des personnes sans travail ce n’est pas forcément le plus important.

Par ailleurs, et là l’enjeu est de première importance, l’Éducation c’est aussi cultiver une disposition d’esprit à savoir Penser, Analyse, Critiquer pour permettre de s’ouvrir sainement à la réflexion, notamment à celle qui porte à la Valeur de la vie Humaine et à ce qu’elle a de sacré. Il est crucial que cela soit bien inculqué auprès des Jeunes pour leur faire ainsi percevoir ce qu’est la Terreur et s’interroger sur les errements auxquels conduit la Violence.

Avec son expérience au Nigéria, la jeune représentante d’une ONG tournée vers l’enfance évoque la question de la Qualité de l’Éducation comme facteur de cohésion sociale : idéalement en donnant plus d’autonomie, les apprentissages ne peuvent avoir que des retombées bénéfiques, mais la réalité est tout autre. Se pose par exemple la question de la qualité des enseignants insuffisamment formés, des matières enseignées qui ne sont pas forcément en rapport avec les besoins. Enfin, dans un monde plus impacté par les technologie, la maîtrise insuffisante des nouveaux outils par rapport aux objectifs de bonne éducation auxquels ils sont supposés contribuer.

Le Politique venant d’Estonie partage le même avis : il faut savoir utiliser les nouveaux outils, s’approprier des mots nouveaux, mais ne pas s’en tenir là, il faut voir préservées les grandes valeurs, et craindre (éviter absolument) un appauvrissement de l’Humain.

A propos des nouveaux outils, on met en exergue à juste titre la capacité des jeunes à s’y adapter plus facilement que les adultes… Ils peuvent même ici former leurs parents, sans aucun doute… mais cela aura été la seule allusion faite au rôle des parents.

Synthèse

L’Éducation, c’est quand même avant tout aider à se découvrir Humain.

  • On voit qu’il y a beaucoup de dimensions à creuser.
  • On ne peut pas tout attendre des outils.
  • Peut être serait-il bon d’écouter les enfants à propos de leur perception ?
  • L’accès élargi (et gratuit) à l’Éducation est évidemment souhaitable… mais pas n’importe lequel, pas n’importe comment.
  • Il faut une Éducation de Qualité, encore faut-il bien définir ce qu’on entend par là.

Les Technologies « disruptives » : une ère nouvelle

Questions posées : que penser des nouvelles technologies ? Est-ce que tout ne va pas trop vite ? Si vite qu’on finit par oublier les risques ?

Réponse d’une jeune militante qui s’intéresse aux sciences et aux technologies et est membre de l’ONG « Our Common Future » :

« L’impossible survient maintenant, et déjoue les prévisions. Il faut absolument ne pas se laisser prendre de vitesse, les Politiques ne doivent pas être à la traîne, mais pour contribuer à maîtriser cette course et prendre le cas échéant les bonnes décisions, il leur faut s’entourer de précaution avec l’avis des experts et des citoyens, les jeunes notamment. Il y a lieu de tenir compte des contextes, on ne saurait faire abstraction des spécificités nationales (notamment juridiques). »

Le représentant Politique d’Estonie partage l’idée qu’il faut intervenir, en toute connaissance de cause et avec le souci de protéger. Son pays est à l’avant-garde avec un secteur public presque totalement converti au numérique, mais ce changement radical ne s’est pas opéré sans précaution prise préalablement, les données comme le droit des personnes sont protégés.

Un autre jeune, venu de Lituanie, appelle à tenir une position raisonnable. De plus en plus d’applications informatiques vont avoir recours à l’Intelligence Artificielle. On ne doit pas bloquer intempestivement cette évolution, mais il ne faut pas pour autant s’abstenir d’intervenir (par la loi ou la réglementation) si ces techniques font courir des risques excessifs (accès non équitables, exploitations abusives des données individuelles, manipulations en tous genres etc). Il y a ainsi poser des limites ou imposer des standards qui gagneront le plus souvent à être d’application générale (le monde numérique ne saurait se cantonner aux espaces nationaux).

Le représentant politique du Sierra Leone juge problématique le principe d’ouverture des accès à tous. Avec l’avènement de techniques de plus en plus performantes en matière de gestion des données (le big data), il est impératif d’en contrôler l’utilisation par de saines gouvernance voire des règles contraignantes.

L’important est de pouvoir garder la maîtrise des outils et la compréhension des modes de traitement des données. Cela vaut tout particulièrement pour les Jeunes, nous dit le jeune de Lituanie, coordinateur de programme pour le Conseil de la jeunesse qui insiste :

« Il faut développer l’aptitude de la jeunesse à utiliser les nombreux media qui leur sont offerts, mais cette recommandation vaut plus généralement pour l’ensemble de la population qui doit savoir faire preuve d’esprit critique et parfois refuser de s’engager face aux sollicitations qui peuvent leur être adressées. On parle à juste titre d’une nécessaire entreprise d’alphabétisation se rapportant aux médias, et plus particulièrement aux réseaux sociaux. Les actions à mener sont d’ordre éducatif : il faut ainsi faire apprendre à maîtriser son expression (usage des mots), son comportement (savoir se retenir de réagir, respecter, prendre de la distance etc.). »

Au-delà des technologies appliquées aux médias et des réseaux sociaux, toutes ces innovations disruptives qui vont de plus en plus nous impacter y compris dans le fonctionnement des régimes politiques, l’important sera de préserver la confiance et l’humain, ceci requiert que l’on ait des principes et des cadres bien conçus, et, probablement plus que tout, des règles éthiques.

Synthèse

C’est l’idée principale retenue en conclusion : les mutations qu’induisent les nouvelles technologies imposent qu’on en parle sérieusement pour que ces changements ne minent pas la confiance, et cela doit passer par des débats multidimensionnels et multilatéraux qui ne sauraient se circonscrire à la participation des seuls experts, ces débats doivent associer les « profanes ignorants », et aussi être transgénérationnels, internationaux.