Échos de la 206ème session du Conseil Exécutif :
le débat, quelques points notés

A l’image de ce que la Directrice Générale faisait observer dans son discours introductif à propos du climat régnant à l’UNESCO, le débat s’est déroulé dans une atmosphère relativement sereine. Beaucoup de délégués ont félicité la Direction Générale pour la qualité de son rapport d’activité.

Les intervenants se sont assez largement accordés pour saluer l’engagement de la Direction générale et tendent tous à reconnaître les avancées du projet de Transformation stratégique, partageant en cela les conclusions du MOPAN (Mission d’évaluation des performances du multilatéralisme) auxquelles il a été fait souvent allusion. Il y a un large consensus pour que l’UNESCO se modernise en procédant à une profonde réforme, se mette au goût du « siècle » pour reprendre l’expression d’un délégué. Nombre d’intervenants insistent sur leur besoin d’informations et la nécessité d‘une meilleure consultation des États sur les sujets essentiels ou sensibles (comme par exemple l’organisation de la Communication et, thème qui va prendre de plus en plus d’importance, la définition des grandes orientations à moyen terme qui constitue le troisième pilier du Plan).

Le sujet Réseau hors-siège a fait l’objet d’assez nombreuses observations. Il y a là des préoccupations, parfois même des inquiétudes (lorsque les États accueillent des implantations) mais sont aussi exprimées des idées plus générales quant à l’organisation de cette partie essentielle que représentent les échelons décentralisés qui seront très impactés par les réformes engagées par l’UNESCO elle-même et par le système onusien (dans le cadre de la réforme initiée par le Secrétaire général). Pour mémoire, on pourra citer un chiffre donnant l’importance de cette composante avec l’enveloppe budgétaire allouée au fonctionnement de réseau qui est de l’ordre de 100 millions de dollars.

L’Éducation, comme toujours, mais peut-être, cette fois ci, avec plus d’insistance, a fait l’objet de nombreux commentaires, notamment pour souligner l’engagement d’actions conduites par les États ou l’UNESCO. Il a aussi été fait référence à des événements récents ou à venir dont on souligne l’importance. A cet égard, on aura noté la référence à la Conférence mondiale sur l’Éducation tenue à Bruxelles, qui a été saluée par beaucoup et dont on relève la déclaration avec huit thèmes prioritaires qui pourront être un guide pour l’avenir. A noter aussi la Conférence panafricaine de Nairobi qui a donné lieu, elle aussi, à une déclaration susceptible d’aider à définir les orientations stratégiques spécifiques à ce continent (à l’horizon 2030 – l’agenda onusien – ou 2063 s’agissant du Plan Afrique).

Les propositions nouvelles avancées par la DG sont toutes bien reçues (comme par exemple les thèmes : « Éthique de l’Intelligence Artificielle » ou la réflexion sur « l’Avenir de l’Éducation »).

Le Développement Durable a souvent été mentionné, avec les deux préoccupations figurant à l’ordre du jour : organisation du suivi de l’ODD4 et l’intégration de cette problématique dans les enseignements. A propos de l’agenda 2030, suivi par l’UNESCO au titre de l’objectif « éducation de Qualité ouverte à tous », est souligné le besoin de données, d’harmonisation des méthodes et le bien fondé d’organisation des concertations régionales.

Autre idée souvent exprimée (partagée d’ailleurs par le Secrétariat) : tirer le meilleur parti de travaux intersectoriels et développer les coopérations.

La question budgétaire a été évoquée. On salue les progrès du dialogue structuré sur le financement notamment, des remarques sont faites sur des sujets « assez classiques » ( rechercher les synergies, se soucier de la mesure des résultats, bien fixer les priorités et éviter une excessive dispersion des centres d’intérêts, ne pas rajouter sans cesse de nouvelles activités etc). Mais au total, ce thème qui pourtant reste sensible (on est proche de la disette !) n’a pas été développé significativement en séance plénière. Cela contraste avec les nombreuses déclarations entendues sur l’avenir de l’UNESCO qui doit être assuré, sur le soutien que beaucoup d’États confirment en faveur d’une organisation unique, essentielle… On parle de ses avantages compétitifs, de ses domaines de compétence, notamment l’éducation, qui contribuent puissamment à œuvrer pour la Paix, de sa fonction irremplaçable de laboratoire d’idées, des services inestimables rendus pour le bien être de l’Humanité etc.

Peu d’observations sur les ressources extra-budgétaire, mais l’observation a été faite qu’il fallait en la matière veiller à tenir une bonne conduite quant à leur objet et quant aux conditionnalités. Plusieurs délégations ont salué les pays donateurs venus aider au financement de certains de leurs projets et dit à quel point ces concours leurs sont indispensables.

Dans un contexte qui demeure tendu, les discussions s’engagent sur le 40/C5 sur la base de quatre scénarios mais à ce stade peu d’intervenants se sont exprimés précisément (le point a naturellement été soumis à la Commission FA Finance administration).

Concernant les activités et principaux sujets suivis, l’Intelligence Artificielle est très souvent mentionnée par les délégués, soit pour signaler des initiatives dans leurs pays, soit pour commenter ce que fait et propose l’UNESCO, avec quasi unanimement un jugement favorable. Mais Il a été aussi fait observer la prolifération des réflexions et autres initiatives engagées : cela impose de bien positionner l’UNESCO en la matière en focalisant son centre d’intérêt sur ses domaines de compétence, en misant sur l’intersectoriel.

A propos des Programmes, qui sont le cœur des activités de l’UNESCO, quelques remarques ou conseils peuvent être retenus : être pertinent, performant (mesure des résultats par rapport aux attentes), sélectif, consensuel, visionnaire (avoir des orientations de long terme), bien associer les partenaires, dont les Commissions nationales et les États (points sur lesquels insistent toujours plusieurs délégations).

Beaucoup d’intérêts ont été exprimés sur les nombreux programmes conduits par l’UNESCO, notamment par les États les plus concernés par les sujets couverts : l’eau et les océans avec le PHI et les travaux de la COI ; le Patrimoine ou le trafic des biens culturels ; l’Éducation des populations déplacées ou des Jeunes filles ; les initiatives à propos de Jérusalem ou de la Crimée) etc.

Qu’il s’agisse des montants alloués à cette priorité ou de l’avenir du réseau hors siège sur le continent africain, la question sur l’Afrique, l’une des deux priorités stratégiques de l’UNESCO, a été soulevée par plusieurs délégués avec l’expression d’une certaine inquiétude.

Enfin, trois interventions originales ont été relevées, en ce qu’elles ont plus porté sur des thématiques générales (en lien avec les sujets mis à l’ordre du jour au demeurant) que sur des points particuliers :

  • Le délégué iranien, sur un mode presque philosophique, a parlé du changement de paradigme que représente un monde de la modernité en plein essor et se développant à vive allure à combiner avec les legs du monde des traditions : n’y a-t-il pas, notamment lorsqu’on voit le développement de l’intelligence artificielle, un risque de voir se développer une sorte de schizophrénie culturelle ? En tout cas, il y aura lieu de bien traiter cette question par un dialogue qui devra permettre d’opérer des rapprochements ou, pour reprendre l’expression utilisée, une hybridation féconde. Il ne faudra pas oublier que l’Intelligence Artificielle n’est qu’un outil, une technique (allusion à une réflexion de Mgr FOLLO à ce sujet), et qu’elle ne saurait se confondre avec l’intelligence humaine. Il faudra une réflexion approfondie, sérieuse : ne pas faire du « lèche-vitrine » superficiel, et se laisser impressionner par les prouesses de la technique qui ferait son « show ».
  • Le représentant du Cameroun, en se concentrant sur la question des Sciences ouvertes sur lesquelles le Secrétariat propose de mener la réflexion avec d’éventuelles recommandations à émettre, a appelé l’attention sur le concept même sur lequel s’entendre : s’il peut y avoir à ce sujet des vues très positives (rapprochement entre pays, interdisciplinarité, collaborations entre experts, échanges etc), il faut se soucier du risque que peut générer cette réflexion mondiale, à savoir celui de consacrer les inégalités, de pérenniser des relations de dépendance ou d’exploitation.
  • L’ambassadeur du Portugal, pour sa part, inspirateur de l’initiative « Avenir de l’Éducation » a développé ce dernier point en le combinant avec la proposition concernant la « Science ouverte » cette autre initiative mise à l’ordre du jour : avec beaucoup de conviction, il a ainsi déclaré qu’il faut absolument réfléchir à « l’Avenir de l’Éducation » pour lui assurer un avenir, avec, ici, un rôle éminent de chef de file à faire tenir à l’UNESCO. Il a énoncé, par ailleurs, un second impératif en mettant l’accent sur la Science (au sens le plus large) qui doit rester ouverte parce que, finalement, ajoute-t-il, « sa vocation est d’être universelle ». L’Éducation et tout particulièrement celle qui touche à la science, est un domaine fondamental et structurant : elle est l’élément clef pour expliquer les inégalités entre les hommes et entre les pays, et c’est ici la raison pour laquelle l’UNESCO – dont c’est la Mission au service de la Paix et la Justice – va pouvoir porter les deux Projets soumis au Conseil. Ce faisant, elle pourra donner une nouvelle raison d’être ou plus exactement faire émerger un nouveau multilatéralisme pour qu’ensemble on trouve des consensus de nature à résoudre les nombreux problèmes que connaît le monde actuellement, des problèmes qui ne peuvent se résoudre par des réponses fragmentées et des solutions uniquement internes.

Dernières idées relevées : celle de l’importance de l’Humain, plusieurs orateurs venant de tous les horizons géographiques y ont fait allusion à propos de l’éducation (importance du rôle des enseignants notamment) ou de l’intelligence artificielle ou encore des actions pour la protection des patrimoines (culturels ou naturels).

Le débat a été suivi des interventions de la Directrice Générale,(réponse aux interventions et aux questions des délégués et de la Présidente de la Conférence Générale).

Parmi les évènements annoncés ou rappelés au fil de la discussion on retiendra :

  • La Conférence mondiale sur l’Éducation à Bruxelles (décembre 2018) ;
  • La Conférence panafricaine de Nairobi sur l’Éducation ;
  • La Conférence sur l’Intelligence artificielle en Afrique organisée par le Maroc ;
  • La Conférence sur l’Intelligence artificielle et l’Education dans le cadre du Développement durable (à Pékin mi-mai 2019) ;
  • La Conférence internationale sur l’eau (à venir : le 13 mai) qui aura lieu à Paris ;
  • L’organisation d’une semaine de l’éducation aux média (en Suède) en mai 2019 ;
  • La réunion de la Convention sur le Patrimoine subaquatique que préside la France ( juin 2019 à Brest) ;
  • La rencontre de haut niveau à New York sur le suivi des questions touchant le développement durable (juillet 2019) ;
  • Une réunion des Ministres de la Culture (novembre 2019).