Échos de la 206ème session du Conseil Exécutif de l’UNESCO
séance introductive
8 avril 2019


Intervention du Président du Conseil Exécutif M. LEE

Brève intervention, mais propos appuyés du Président du Conseil pour que cette session, face aux défis à relever – défis sans précédents – amène à donner des réponses fortes et solides sur les sujets soumis à discussion. M. LEE a ainsi invité les délégués à se conformer à quelques recommandations : ayez des visions à long terme (« au-delà de vos petites vies »), souciez-vous de la défense de la marque UNESCO, avec ses valeurs et intervenez dans un esprit constructif.

Au-delà de cette observation préliminaire, il a extrait de l’ordre du jour les thèmes essentiels : l’éducation, et plus particulièrement l’initiative proposée d’une réflexion à engager sur l’ « Avenir de l’éducation », l’engagement des discussions sur le nouveau document budgétaire (le 40 /C5) et les 4 scénarios suggérés par le Secrétariat, les questions relatives à l’Intelligence Artificielle avec trois éclairages : perspective de désignation de Centres de catégorie II dédiés à ce sujet, l’Éthique de l’IA, et les réflexions sur l’Éducation et l’IA (Conférences). Autre point mentionné en raison de son importance, la Transformation Stratégique , avec, ici, allusion à l’évaluation du MOPAN (mission d’évaluation des performances du multilatéralisme) lequel juge positivement l’opération engagée et confirme que l’Éducation doit être une composante essentielle des activités de l’UNESCO comme cela est reconnu avec le rôle de chef de file qui lui a été assigné pour le suivi de l’ODD4.

En conclusion, M. LEE a rappelé toute l’importance des missions de l’UNESCO au regard des deux valeurs de défense de la Paix et de recherche de Solidarités Morales qui figurent dans son Acte Constitutif, et, de ce point de vue, le Président a rappelé deux évènements récents illustratifs de progrès que l’on peut enregistrer en la matière : conclusions de la Réunion du Comité du Patrimoine mondial à Barheïn et inscription sur l’inventaire du patrimoine immatériel de l’humanité d’un art martial coréen, suite à une demande conjointe des « deux Corées ».

Intervention de la Directrice Générale Mme Audrey AZOULAY

Observation liminaire : apaiser, être consensuel, à la hauteur des Missions de l’UNESCO.

Discours introduit avec des mots forts pour rappeler tout le côté tragique des catastrophes naturelles qui ont touché récemment l’Afrique australe et plusieurs autres pays, et dénoncer les agressions racistes, les attentats terroristes et les discours de haine propagés via l’internet ainsi que la diffusion d’images scandaleuses sur les réseaux sociaux comme ce fut le cas à Christchurch. Tous ces évènements tragiques invitent à en tirer les leçons, et à en traiter les causes avec, ici, l’évidence que l’UNESCO, plus que jamais, a un rôle à jouer, au titre de son mandat, et singulièrement dans le domaine de l’Éducation ; mais, pour honorer ses Missions -nobles missions disent souvent certains délégués – il importe d’être soutenu. Les conclusions du MOPAN sont un appui précieux suggère la Directrice Générale, mais, pour aller plus loin et tenir ses engagements, l’Organisation a surtout besoin d’être soutenue par les États qui doivent assumer leurs responsabilités pleinement, et cela concrètement et de deux façons : en retrouvant plus d’harmonie (mettre fin aux tensions politiques) et une situation financière plus convenable. A cet égard, on suggère que les choses s’améliorent mais, notamment dans le domaine financier (à cause du départ des États-Unis et d’Israël), la situation reste fragile. On nous indique aussi, qu’outre un meilleur recouvrement des contributions au budget ordinaire, l’amélioration observée est grandement liée à la progression des ressources extra-budgétaires.

S’agissant des tensions politiques qui, nous dit-on, se font moins présentes, il faut absolument viser le consensus, mot repris à plusieurs reprise par la Directrice Générale qui, comme le Président du Conseil exécutif, voit les signes de cet esprit de conciliation dans le progrès du dossier « Moyen Orient » (adoption de plusieurs textes). Cette recherche de consensus et le souci d’agir ensemble permettra d’avancer. Il faut le vouloir, nous le voulons, insiste Mme Azoulay, qui, pour bien marquer son engagement, ajoute qu’on déploiera nos meilleurs efforts pour faire valoir ces vues, en mobilisant si besoin un mécanisme de médiation que pourra gérer le Secrétariat. Il est essentiel de dépasser les antagonismes pour trouver des communs comme cela a été fait sur les opérations « Esprit de Mossoul », « les deux Corée », ou le dossier « Proche Orient »

Après ces observations générales, tous les sujets sectoriels ont été passés en revue.

Les Secteurs :

On aura retenu les points suivants :

L’Éducation :

C’est une pierre angulaire, une priorité de toute première importance (l’idée aura été reprise à de nombreuses reprises lors de la session).

Quatre points sont soulignés :

  • Les encouragements du MOPAN qui salue le rôle de l’UNESCO dans le suivi de l’objectif « Accès inclusif à une Éducation de Qualité » (ODD4), et appelle à mener ce pilotage avec une collecte de « données » pertinentes (cette préoccupation sera exprimée par plusieurs délégués ; une aide de l’Union européenne à destination de l’Institut des Statistiques viendra aider l’UNESCO à répondre à ce besoin impérieux) ;

  • La Conférence Mondiale sur l’Éducation tenue à Bruxelles en décembre et la déclaration qui en est ressortie sera une référence pour les orientations futures ;

  • L’annonce d’un Forum de Haut niveau à New York sur le suivi de l’objectif Éducation à l’occasion d’une rencontre aux Nations Unies sur l’agenda 2030 ;

  • L’importance du nouveau projet présenté au Conseil avec la proposition d’un nouveau rapport mondial sur « l’avenir de l’Éducation ».

Par ailleurs, sont soulignées deux autres réflexions appelées à conduire à l’élaboration de normes ou recommandations :

  1. Initiative sur les Sciences ouvertes ;
  2. L’Éthique de l’Intelligence Artificielle.

Trois thèmes spécifiques sont choisis comme devant retenir tout particulièrement l’attention :

  1. Les Filles et Femmes (un rapport à venir en juillet 2019 ;
  2. Les Réfugiés et Populations déplacées ;
  3. Les normes pour l’Enseignement Supérieur (qualifications, reconnaissance des diplômes).

Les Sciences :

L’eau :

On signale des programmes sur le terrain.

On annonce un premier rapport ONU/UNESCO sur la « mise en valeur de l’eau » (cartographie).

Une Conférence sur l’Eau est annoncée à Paris (13-14 mai prochain).

Lancement récent d’un Observatoire des Océans.

La Biosphère :

Le 6 mai lancement du premier rapport mondial sur la « Biosphère et diversité »

Les Sciences Humaines et Sociales :

Forum sur les Humanités à Bamako (septembre 2019)

Le programme MOST va ajouter les apports des Humanités dans ses réflexions

Succès de la Nuit de la Philosophie

Les questions éthiques :

Ce point est particulièrement développé : il est traité par la COMEST qui prépare un rapport sur « Éthique des progrès techniques » avec comme objectif final de définir des Principes communs et émettre une recommandation qui pourra être issue de ce que les secteurs expérimentent. La Directrice générale voit ici un exemple de ce que peut faire l’UNESCO au titre de sa vocation universelle, en émettant l’idée que, sur de tels sujets, une « éthique à la carte » est impensable. En la matière, il est prévu de coopérer avec d’autres organisations.

Une attention toute particulière sera apportée à l’Intelligence Artificielle, domaine qui appelle à dépasser les seules considérations techniques et où l’enjeu éthique émerge comme une évidence à traiter de façon approfondie pour maintenir la Confiance (NDLR en l’Homme, en la Société ?). Il y a là une préoccupation qui entre pleinement dans le mandat de l’UNESCO.

Communication et Information :

On rappelle la Journée Mondiale de la Presse.

On insiste sur ce qui est fait pour prévenir l’extrémisme violent (notamment en direction des jeunes) et tout particulièrement les actions conduites pour lutter contre les messages de Haine

Les Réformes, les Moyens

La Transformation stratégique

  • La Phase 1 réforme des structures est achevées ;
  • La Phase 2 aspect managérial et gestion : phase bien engagée ;
  • La Phase 3 orientation stratégique à moyen terme : à lancer avec large consultation, l’échéance de cette troisième et dernière phase est fixée à 2021.

On fait à nouveau référence au MOPAN qui tout en saluant ce qui a déjà été entrepris, appelle à bien mobiliser le réseau hors siège, et associer tous les réseaux ou partenaires externes (exemple : les commissions nationales, la société civile etc).

la Finance

On redit que l’on a atteint un étiage en dessous duquel l’UNESCO serait « en risque », le MOPAN souscrit à cette analyse : il n’est plus question de réduire le budget ordinaire, et la générosité des donateurs (au titre de l’extra budgétaire qui a progressé de 35% en 2018) ne saurait justifier de réduire le montant des contributions obligatoires.

La réforme de l’organisation de l’ONU

L’UNESCO est pleinement engagée dans cette action d’envergure qui vise à moderniser le système onusien.

On en est encore à la phase des consultations, avec un sujet très important, qui intéresse le réseau UNESCO, à savoir la fonction et le mode de fonctionnement du « coordinateur résident ».

Pour conclure cette présentation très complète, la Directrice générale redit son engagement pour rendre plus efficace l’Organisation en la centrant bien (mieux) sur les grandes Priorités, avec des préoccupations qui doivent être partagées, en rendant bien les arbitrages « ressources/activités ». Les choix (priorités, positionnement sur les grands défis du moment : Éducation, le Genre, l’Intelligence Artificielle, l’Afrique) doivent être cohérents, corrects pour assurer une « gestion sereine ». Bien plus que par des considérations visant l’institution et son avenir stricto sensu, ces choix doivent être guidés par le souci d’être à la hauteur de ce qui est attendu : défendre la diversité et le multilatéralisme, soutenir la réalisation de l’agenda 2030, combattre les fragmentations et les inégalités, avancer avec une vision au service de l’humanité.

Citant un ancien Directeur général de l’UNESCO, madame Azoulay termine en disant en substance « L’UNESCO ne peut être sourde et aveugle à tous les grands défis et à toutes les inquiétudes, il lui faut rester à la hauteur… et, est-il ajouté : « impartialité n’est pas synonyme d’indifférence ».