Sans être complètement revenue à la normale, l’UNESCO et ses organes directeurs retrouvent presque entièrement son mode de fonctionnement antérieur ; après 18 mois d’activité en mode virtuel ou hybride, pour cette seconde session de l’année 2021 il y a eu retour aux réunions « in presentia », ce dont beaucoup de délégués se sont félicités, et reprise des pratiques d’avant la crise Covid : discours du Président du Conseil exécutif et de la Directrice générale, débats en séances plénières, travaux des commissions.

L’évènement est évidemment important en soi et au titre de la fonction éminente du Conseil, mais il l’est aussi parce qu’il marque la fin du Conseil dans sa composition actuelle et du mandat de son président et qu’il se tient juste avant la 41ème Conférence générale qui aura à procéder à l’élection des membres et président du prochain Board.

La présente session du Conseil aura essentiellement pour objet de finaliser les grands dossiers qui seront soumis à cette CG notamment ceux couvrant la Transformation stratégique, la Stratégie à moyen terme, les Programmes et budgets, les propositions de normes sur « l’Ethique de l’Intelligence Artificielle et la Science Ouverte ».

On reprend ici les éléments essentiels que l’on aura retenu des discours du président du Conseil exécutif et de la Directrice générale, ainsi que les déclarations des délégués lors des débats.

Dans l’ensemble, on aura relevé beaucoup de similitudes avec les propos tenus lors de la précédente session (par exemple : les nombreuses références à la crise Covid et ses effets dévastateurs tout comme les actions conduites pour y faire face, le discours très communément tenu portant sur la nécessaire montée en régime du numérique, notamment dans les systèmes éducatifs, les soutiens appuyés aux grands chantiers maintenant achevés : transformation stratégique, normes pour l’éthique de l’IA et les Sciences ouvertes. La question du développement durable et de l’environnement est toujours présente et considérée comme importante notamment en rapport avec l’agenda 2030, mais notamment au cours du débat, elle parait avoir été un peu moins commentée que lors des précédentes sessions du Conseil. L’Education reste le domaine le plus mis en exergue.

Les développements qui suivent sont loin de restituer l’exhaustivité d’échanges qui, comme toujours, ont été très riches puisqu’aussi bien, pour les orateurs lors des séances introductives, il s’agit d’évoquer les sujets à l’ordre du jour, les éléments d’actualité rejoignant leurs préoccupations du moment et, dans certains cas, d’exprimer des vues se rapportant à l’UNESCO qui leurs tiennent à cœur.

Discours de M Agapito Mba Mokuy, Président sortant du Conseil Exécutif

Pour sa dernière intervention introductive d’une session du Board, M Mokuy tout en se référant à ce qui a été fait ces six derniers mois et aux projets qui seront présentés à la CG a donné à son propos un tour plus solennel que d’ordinaire ; disant sa fierté d’avoir eu à tenir sa fonction durant deux ans, et le bonheur des travaux accomplis, il a surtout voulu adresser un message de Paix, en insistant sur cette nécessité de viser l’harmonie, le consensus, la bonne entente. Pour prendre le bon chemin, celui du développement durable dans un monde toujours exposés à de grands risques il appelle à rester unis, constructifs et à trouver ensemble des réponses communes sur les grands sujets auxquels l’UNESCO et les Etats seront confrontés à l’avenir dans une nouvelle ère, celle du post-covid : le numérique, et plus généralement toutes les innovations, les méthodes de gestion, la protection des plus vulnérables, les voies et moyens pour être plus résilients, moins inégalitaires dans un monde menacé par la pauvreté ou le dérèglement climatique. Autant de défis à relever avec beaucoup d’écoute mutuelle et un grand souci de solidarité pour une planète plus saine, une paix durable et la dignité de l’Homme. En citant un poète brésilien nous disant que la guerre n’est qu’illusion et Mandela qui disait lire dans sa prison le courrier de l’UNESCO pour garder l’espoir, M Mokuy invite à partager ces paroles d’espérance et cette foi en une UNESCO qui, conformément à son mandat, par ses actions doit pouvoir continuer d’avancer pour le bien commun au service de la paix.

Discours introductif de Mme Audrey Azoulay, Directrice générale

Autant dans son allocution introductive que dans son discours conclusif, Mme Azoulay, comme à l’accoutumée, a développé son propos avec toujours le même engagement et un souci marqué pour bien rendre la richesse des réalisations que ne cesse d’opérer l’UNESCO. Deux discours clairs, précis, très informatifs ; un souci – légitime – pour citer les Etats qui viennent appuyer l’UNESCO dans ses initiatives ou qui portent les financements de nombreux projets.

La DG s’est d’abord félicitée d’avoir vu l’UNESCO et ses organes directeurs dont le Board, capables de s’adapter pour tenir leur rôle face à la crise Covid. Comme elle l’avait dit lors de la 211ème session, elle a redit tout le bénéfice retiré des coopérations, coalitions, alliances mises en place en des circonstances difficiles, singulièrement dans le domaine de l’Education.

En ces temps troublés, elle a souligné combien était important l’éclairage éthique notamment en matière de santé (voir la déclaration pour une plus juste répartition des vaccins)

Elle a voulu mentionner les deux grands sujets sensibles sur lesquels l’UNESCO s’est pleinement engagée et le reste avec le souci d’aider à résoudre des problèmes scolaires, humanitaires :

  • Haiti (une mission d’experts pour aider les écoles, et une mobilisation de financements en urgence) ;
  • Afghanistan (message forts pour protéger les Femmes et les Filles, protection des personnels du Bureau de Kaboul, attention et intention forte affichées pour la préservation de vingt années d’acquis).

La Directrice générale rappelle l’ampleur des besoins à couvrir partout dans le monde dans les domaines relevant des missions de l’UNESCO, les défis sont immenses et il y a là une grande attente des populations. La contrainte financière reste présente mais, nous dit-elle, on a la satisfaction de voir la situation s’améliorer assez significativement avec un taux de versement des dotations gouvernementales au titre du budget ordinaire en net progrès ( de dix points) , et une très forte hausse des versements extra budgétaires (+ 130 millions de dollars à ce jour par rapport à une enveloppe prévisionnelle de 454 millions)

Nous ont ensuite été présentées une assez impressionnante liste des projets/sujets sur lesquels l’UNESCO met l’accent en les articulant autour de quatre axes : l’Education, l’Ecologie, la Paix, la Science.

On s’en tient ici aux éléments qui ont le plus retenu notre attention :

Education : L’entraide

Situation peu satisfaisante : des statistiques impressionnantes ont été données pour rappeler les méfaits de la crise Covid sur les systèmes éducatifs (fermetures des écoles, décrochages, inégalités des accès, violences, éviction des jeunes filles, fragilisation mentale des apprenants etc.).

Dans beaucoup de pays la situation est loin de donner l’assurance que l’ODD4 (Education) pourra être atteint.

La Coalition mondiale pour l’Education, avec notamment les réunions du sommet mondial pour l’Education vont devoir continuer de déployer leurs efforts pour atténuer ces difficultés et réduire de criantes inégalités que le Forum « générations-égalité »( organisé par la France avec le Mexique) a mis en lumière.

La DG a rappelé que l’UNESCO, avec l’aide de son réseau hors siège, menait de nombreuses action sur le terrain ; elle a aussi rappelé la très grande contribution que devrait apporter le rapport maintenant achevé sur les futurs de l’Education ; un rapport issu d’un très grand travail avec les experts et qui a été soumis à une consultation qui a été un très grand succès. Le sous-titre du rapport est là pour dire toute l’ambition qu’il faudra avoir pour construire l’Education de demain : « réimaginer nos futurs ensemble avec un nouveau contrat social ».

L’Ecologie : les sites, les experts

Là aussi, il nous est rappelé toutes les menaces qui pèsent sur notre planète avec la biodiversité en déclin, les océans abîmés, les incendies de forêts, les grandes sécheresses ou inondations : des sinistres de plus en plus fréquents, et de plus grande ampleur ; un tiers de notre patrimoine naturel est menacé.

L’UNESCO a un rôle à jouer, et elle le tient de trois façons, en s’efforçant d’intensifier ses actions :

  • La protection de certains territoires (les géo-parcs, les zones de biosphère) ;
  • La désignation de nouveaux sites lors des Congrès mondiaux sur la nature, avec par exemple lors de sa dernière réunion au Nigéria l’inscription de 20 nouvelles réserves de biosphères ;
  • La création récente, dans le cadre du GXX et avec l’aide de l’Italie, d’un réseau international d’experts de l’environnement.

Plusieurs autres initiatives ont été mentionnées montrant bien toute la palette des champs couverts par l’UNESCO sur le terrain de l’écologie :

  • Les travaux en matière de sciences hydrologiques et océanographiques (dans le cadre de la décennie des sciences océanographiques) ;
  • Lancements de 7 laboratoires,28 programmes, 63 projets ;
  • Journée mondiale des océans ;
  • Rapport sur les sciences océanographiques ;
  • Conférence de Berlin sur l’Education au développement durable (80 pays ont participé) ;
  • Création de deux chaires UNESCO à Rome (université pontificale du Latran) sur l’Education au développement durable.

En prévision, dans le cadre de la cop26 de Glasgow, une réunion de Ministres de l’Education sur le sujet « enseignement du développement durable ».

La Paix : la question de l’Information, et la Culture
L’information : les discours de haine, le risque des positions dominantes

Un projet avec le Canada, sur les discours de haine et l’extrémisme violent : engagement pour lutter contre ce fléau, avec comme slogan à retenir : « social media for peace » ; 15 pays s’y associent.

Autre initiative lancée ayant pour objet, l’évaluation des actions conduites pour endiguer les dérives violentes dans le domaine des systèmes d’information outre l’Union européenne, y participent la Bosnie, l’Indonésie et le Kenya.

A New-York s’est tenue la première conférence des Ministres de l’Education sur les discours de haine et l’école.

A été rappelée l’organisation en mars par la Corée du premier Forum sur le racisme et les discriminations ; une seconde édition est prévue pour 2022.

La DG a listé tout ce qui est fait pour lutter contre les menaces qui pèsent sur les journalistes et notamment les femmes journalistes : publications, production d’un document « boite à outil » avec l’Université de Oxford, formation-sensibilisation des professions judiciaires. La prochaine Conférence Mondiale pour la liberté de la presse aura lieu en Uruguay.

Dernier sujet travaillé à propos des problèmes de l’information : la question des plateformes et de l’internet vue sous l’angle des menaces que peuvent représenter des positions dominantes ou excessivement uniformisatrices (ici se pose notamment la question de la préservation des identités, et notamment de la diversité linguistique) : s’il faut confirmer le principe d’universalité de l’internet, il est impératif que l’on défende ce second autre principe, celui de la diversité.

La Culture : préserver la diversité, les identités

La défense et la promotion de la Culture constituent, avec une bonne diffusion de l’information, un autre levier facteur de Paix ; et là encore, l’UNESCO mène de nombreuses actions sur le terrain.

  • Action de sensibilisation (Conférences) ou de médiation (auprès des gouvernements) pour tout ce qui se rapporte aux trafics de Biens culturels dans le cadre de la convention de 1970 . Ont été rappelées à ce sujet, deux opérations de restitution pour lesquelles l’Unesco a pu prêter son concours.
  • Action de restauration de patrimoines à Mossoul (avec l’aide des Emirats Unis) et Beyrouth ou de revitalisation culturelle (relance d’un festival à Beyrouth), des réussites qui ne doivent pas occulter l’immensité des besoins qui restent à couvrir.
  • Importance du sujet « registre Mémoire du Monde », la relance de cette activité (comme celle de la Route des esclaves) constitue un grand progrès, progrès qui ne doit pas être gêné par de vaines querelles politiciennes.
  • Les questions touchant les Patrimoines sont importantes car elles touchent aux identités culturelles ; ces patrimoines inscrits sur la liste des sites « nous raconte, dit notre diversité » nous fait observer Audrey Azoulay, qui ajoute qu’à cet égard, l’Afrique n’est pas assez reconnue.

A été mentionné la tenue réussie de la réunion du Comité international du Patrimoine en Chine.

Au moment où s’achève l’année de l’économie créative, on a aussi rappelé ce qu’a fait l’UNESCO à cet égard au cours de 2021, et toute l’importance qu’il fallait attacher à ce secteurs, créateur d’emplois.

Enfin, dernier point sur la Culture : intention exprimée pour repenser l’organisation et la formulation des Conventions culturelles pour en faciliter la diffusion et leur application.

La Science au service de l’humanité

La DG invite à renforcer ce secteur essentiel, en ayant à cœur de former des praticiens, « faire de la Science plutôt que de simplement recevoir »

L’UNESCO soutient de nombreux projets visant à susciter des vocations scientifiques parmi les jeunes ; elle porte son appui à 34 projets qui concernent de jeunes chercheurs venant 70 pays. Elle a un intérêt tout particulier porté aux Femmes qui, encore trop souvent, sont empêchées d’entrer dans des filières scientifiques. Avec le soutien de L’Oréal, a été créé un réseau des Femmes scientifiques.

Le projet de recommandation sur la « Science Ouverte » va être présenté à la Conférence générale : Il est important, car beaucoup peut être obtenu pour les Sciences si l’on amplifie l’action en ce domaine : élargissement des accès à la science, retombées positives pour mener à bien des collaborations, facilitation pour promouvoir l’interdisciplinaire.

Trois autres idées sont émises :

  • Lutter contre les défiances à l’encontre de la Science ;
  • Valoriser le domaine scientifique, avec des ouverture du monde des experts vers l’extérieur, pas d’entre soi ;
  • Et, chose très importante, avoir un solide socle éthique, comme celui qu’on s’apprête à adopter pour l’IA, et toutes les recommandations éthiques déjà produites par l’UNESCO, qui, sur ce terrain , a souvent été à l’avant-garde, et qui va le confirmer sur l’Intelligence artificielle.

Conclusion

Mme Azoulay conclut son propos sur une note très positive, elle fait observer à quel point l’UNESCO a été confirmée dans ses choix, elle dit son ambition pour une institution que l’on attend, et qui saura répondre aux grands défis auxquels elle est confrontée ; elle salue ses collaborateurs qui ont montré qu’ils savaient s’adapter, à qui ont doit reconnaissance et respect et qui remplissent leurs fonctions avec passion et sens du service public.

Riche de son Histoire, l’UNESCO, nous dit-elle, peut se tourner avec confiance vers l’avenir, dès lors qu’elle a une vision et qu’elle saura se fixer un cap ; Réfléchir pour demain, échanger et décider en connaissance de cause, alors, surmontant les difficultés -toujours présentes dans l’aventure humaine faite de concorde et de discorde, comme l’a rappelé Edgar Morin – on pourra trouver pour l’UNESCO un chemin d’avenir.