Séances introductives
du 18 et 19 septembre 2022
Discours et débats

            Sept mois après la précédente session, les échanges introductifs de la 215ème  réunion du Conseil Exécutif, comme à l’accoutumée, ont été riches en informations et commentaires qui viennent confirmer ce que l’on pourrait appeler un retour à la normale après le paroxysme de la crise du Covid . Aussi bien pour l’Unesco elle-même qu’au niveau des Etats, les effets de la pandémie s’estompent, les nombreuses actions annoncées par la Directrice Générale dans son discours introductif et les observations des délégués l’ont confirmé, mais à de nombreuses reprises il y a encore été fait allusion pour souligner, notamment en Afrique et dans le secteur de l’Education, que certaines conséquences négatives se font toujours sentir pour parfois être appelées à s’inscrire dans la durée ; par ailleurs, en lien avec les retombées de la crise sanitaire, un point spécifique a été inscrit à l’ordre du jour («  cadre mondial pour une science ouverte face aux pandémies »).

            La présente session a été inaugurée par une allocution du président du Ghana qui tout en saluant les succès de grandes initiatives de l’Unesco comme celles touchant l’Education, a appelé à faire plus au travers des programmes en particulier pour l’Afrique.     

Allocution du président du Ghana, Monsieur Nana Akufo Addo

            L’orateur a rappelé les quelques évènements marquants qui ont consacré les liens de son pays avec l’Unesco ; il a dit tout l’importance que revêtaient les actions de l’institution pour l’Afrique qui a de grands besoins dans les domaines de sa compétence et qui doit surmonter de multiples obstacles dans des contextes souvent tourmentés. Le réseau des bureaux hors-siège est là pour jouer son rôle, il est primordial que ses moyens soient préservés.

Discours de la présidente du Board, Madame Rastovac Siamashvilli

            La présidente a d’abord salué tous les efforts de l’Unesco qui reste active et mobilisée comme l’a montré l’organisation réussie des grands sommets sur l’éducation et la culture, des succès d’autant plus remarquables que partout règnent des tensions ; elle invite à persévérer dans le même esprit en misant sur des dialogues fructueux et en préservant cette culture du consensus qui consacre l’une des meilleures traditions de l’institution. Plus prosaïquement, pour parfaire l’atteinte de cet objectif elle conclut son propos en recommandant d’apporter le plus grand soin à l’organisation des travaux au travers des consultations, d’une diffusion efficace de l’information et de bonnes méthodes de travail (élaboration des calendriers, communication et contenu des documents, bonne concertation pour prendre en compte la diversité des points de vue, etc…)

Discours introductif de la Directrice Générale (la DG), Mme Audrey Azoulay

            En premier lieu, la DG a fait remarquer combien l’actualité vient confirmer la légitimité de l’institution (la persistance de conflits, les catastrophes naturelles, la question climatique notamment: sècheresse en Afrique du Sud, inondations au Pakistan, sinistres à Cuba) et appelle à continuer d’agir  concrètement pour préserver « l’habitabilité de notre monde » et sa bio-diversité avec la force du multilatéralisme qui peut prendre appui sur les conclusions de grandes rencontres comme celles qui ont été organisées en septembre à Mexico pour le secteur culturel (Mondiacult) et à New York (le sommet mondial pour l’éducation : TES, Transforming Education Summit). Elle a ensuite développé son propos autour des trois grandes lignes d’action qu’elle se propose de privilégier : celles qui se rapportent au vivant (1), aux sciences (2), et aux nouvelles technologies (3), avec des développements riches en informations sur les actions déjà conduites et les initiatives nombreuses à venir. Audrey Azoulay a ainsi prononcé un discours dense et réaffirmé l’engagement que doit tenir l’Unesco pour être à la hauteur des défis auxquels il lui faut faire face, avec l’aide des Etats dont la DG escompte un grand soutien, et en restant à l’écoute de la société civile. Un point nouveau est à relever, avec l’allusion aux effets des tensions inflationnistes qui rendent la gestion financière beaucoup moins aisée.

            De cette intervention de la DG, on aura enfin retenu deux derniers points intéressants : 1/l’annonce d’un projet de réécriture de la Recommandation de 1974 : l’ « Education pour la Paix et les Droits Humains » pour permettre un meilleur ancrage des notions d’ouverture, de respect et d’inclusion dans les programmes scolaires ;

2/l’estimation à près de 70 millions du manque d’enseignants dans le monde ce qui, avec l’insuffisance des moyens financiers alloués à l’éducation, explique dans une large mesure les déficiences des systèmes éducatifs de nombreux pays.

Le Débat

            On se propose ici de relever principalement ce qui paraît relativement nouveau par rapport aux propos entendus lors de la dernière session,

            Le fait peut être le plus marquant aura concerné l’Ukraine. A cet égard, on aura noté deux choses : le très grand nombre d’allusions à ce conflit et la tonalité très « incisive » des déclarations ; beaucoup de délégués ont dénoncé cette guerre jugée illégitime, inacceptable, injuste pour les souffrances endurées par les populations, et scandaleuse à raison des destructions du patrimoine culturel tout autant que des infrastructures. Certains ont explicitement appelé à cesser les combats, un délégué s’adressant au pays agresseur l’a exhorté de ne plus mentir, un autre a parlé de barbarie au sujet des exactions commises.

            Sans que l’observation ne soit nouvelle, il faut aussi relever les très fréquentes remarques faites sur la situation des femmes et jeunes filles en Afghanistan ; de nombreux délégués ont dénoncé en particulier une situation qui prive d’accès à l’école beaucoup de jeunes filles et invitent le Secrétariat à poursuivre ses efforts pour appeler à mettre fin à ces discriminations. La situation en Iran a également été évoquée par deux délégués.

            En un monde où, comme on le voit, la conflictualité et les violences restent très présentes, on signalera aussi le cas de l’Arménie dont le représentant, comme lors de la précédente réunion du Board, a décrit une situation toujours aussi peu apaisée face à son voisin l’Azerbaidjan.

            Un autre point remarquable a concerné les secteurs de l’éducation et de la culture : là aussi, la totalité des orateurs se sont exprimés sur les deux sujets en se référant aux grandes rencontres organisées ces derniers mois à Paris, New York et Mexico autour des deux initiatives marquantes qu’ont été  d’une part le projet puis le sommet mondial sur  « la transformation de l’éducation » et, d’autre part, la  grande rencontre des ministres de la culture sous l’appellation « Mondiacult ». Il y a eu unanimité des intervenants pour saluer le succès de ces deux grands évènements qui se sont tous les deux conclus par des engagements forts (déclarations, feuilles de route) dont il est attendu qu’ils se traduisent maintenant en actes à inscrire dans des politiques publiques appropriées. A ce stade, et pour en rester au contenu du débat, les propos tenus se sont tous rejoints pour souligner l’importance de l’éducation, notamment pour le développement, et de la culture comme élément fédérateur, ces deux composantes  des sociétés étant essentielles pour préserver la paix de notre monde. Elles sont des biens publics à considérer comme un droit comme l’ont spécifié les deux déclarations issues des deux sommets évoqués plus haut.  S’agissant plus spécifiquement de l’éducation, on pourra retenir du sommet de New York l’insistance sur les questions suivantes (souvent mentionnées par les délégués): la condition de l’enseignant, l’intégration du numérique et le sujet du financement à placer au premier rang des priorités avec la mise en exergue de deux thématiques pour une éducation à réinventer (expression reprise par la DG) : celles de l’inclusion (une éducation et un accès à l’école  pour  tous) et du développement durable.

            Peu de commentaires ont été donnés sur plusieurs sujets nouveaux inscrits à l’ordre du jour et traités par les Commissions, comme par exemple : la science ouverte et les pandémies, la mise en place d’un cadre de suivi de l’éducation artistique, les eaux sous-terraines. On aura noté néanmoins  sur ce dernier thème, les réflexions de certains représentants de pays très concernés, qui ont permis de mettre en évidence l’importance du sujet pour tous les pays dans la mesure où la préservation des eaux sous-terraines permet d’assurer la protection des écosystèmes et du cycle de l’eau. (Ndlr : cette précision a été incluse dans la résolution adoptée sur ce sujet) 

            La priorité Afrique souvent mentionnée, les délégués des pays africains ont appelé à bien pouvoir la concrétiser sur le terrain en prenant appui sur le réseau des bureaux hors-siège dont la réforme annoncée (point à l’ordre du jour) a suscité certaines préoccupations. A signaler aussi l’évocation des problèmes des PEID (Petits Etats Insulaires en Développement) maintenant bien intégrés comme une autre priorité dans les programmes.

            S’agissant toujours de l’Afrique, il a été fait observer pour le regretter que le continent africain reste encore très sous-représenté sur la liste des Patrimoines dont on fêtera en novembre  le cinquantième anniversaire de la Convention pour leur sauvegarde. Plus généralement, et plus que d’ordinaire, les délégués ont abordé le sujet  de la sauvegarde des patrimoines sans doute en raison de cet anniversaire mais aussi à cause de mises en péril et de la réhabilitation de certains sites du fait de certains conflits (Mossoul, Beyrouth, Crimée….)

            Plusieurs autres thèmes ont été mentionnés à nouveau par beaucoup de délégués comme devant continuer de faire l’objet des préoccupations du Board : l’ensemble des questions en rapport avec le dérèglement climatique, la diversité culturelle avec notamment la défense des langues autochtones, le traitement des populations déplacées et la sécurité des journalistes. A noter, cette fois-ci, quasiment aucune allusion aux thématiques en lien avec le développement du numérique, ou  à propos des sujets éthiques.

(pour mémoire) les évènements tenus récemment ou à venir signalés par la DG ou les délégués/ambassadeurs des Etats  (liste non exhaustive) :

  •  les sommets Mondiacult (Mexico) et Transformation de l’Education (New York) tenus en septembre.
  • 2 éme Forum mondial contre le racisme (Mexico, novembre 2022)
  • Journée mondiale de l’Eau (2023)
  • Conférence internationale sur les océans (Lisbonne -déjà tenue)
  • Conférence sur l’enseignement supérieur (Barcelone )
  • Conférence internationale sur l’Education des adultes (Maroc)
  • Conférence sur la Protection de la Petite Enfance (Ouzbékistan)
  • Forum mondial de la science (décembre 2022)
  • Sommet sur les eaux sous-terraines (à venir)
  • Journée mondiale de la presse (Montevideo, mars 2022)
  • Forum africain pour une culture de la Paix (Angola- déjà tenu en 2022)
  • Forum sur les industries culturelles créatives( Angola -déjà tenu en 2022)
  • Conférence de haut niveau sur les journalistes (Vienne novembre 2022)