Éducation à la Citoyenneté mondiale pour l’avènement de sociétés pacifiques et inclusives


L’éducation en général, Une éducation à la citoyenneté ouverte au Monde, des clefs pour un avenir meilleur : deux leviers essentiel, les Enseignants, le Contenu des Enseignements


Échange co-organisé le 20 février 2019 par la Fondation qatarie WISE « World Information Summit for Education », l’UNODC « United Nation Office on Drugs and Crimes » et l’UNESCO.


Si le thème de « l’Éducation à la citoyenneté mondiale » a constitué l’élément central de la discussion avec cette idée essentielle qu’elle est et doit être un puissant moyen pour contribuer à un monde plus pacifique et plus juste, deux tablesrondes ont amené à évoquer des questions plus générales touchant à l’Éducation en tant que telle, avec ses acteurs, ses programmes, ses difficultés et les mutations qu’elle traverse pour répondre à d’immenses défis à tous les niveaux et dans toutes ses composantes.


Une dizaine d’orateurs (politique, universitaires, experts de l’UNESCO, responsable d’ONG, chercheur-sociologue etc) ont été invités à débattre autour de deux thèmes directeurs: « les Missions et le statut des enseignants au XXIème siècle », et « Le Contenu des Programmes pour une Éducation à la citoyenneté mondiale, au service de sociétés pacifiques et inclusives ».


Introduction par :

Madame Stefania Giannini, Sous-Directrice générale de l’UNESCO pour l’éducation :

  • rappel de ce que fait l’UNESCO en matière éducative, l’Éducation est au cœur de son mandat. C’est, plus généralement, une priorité pour l’ONU qui, dans son agenda 2030, a défini deux objectifs s’y rapportant (l’ODD4 pour une Éducation de qualité et l’ODD16 promotion d’une Éducation à la citoyenneté au service de la Paix et la Justice) ;
  • rappel aussi des termes de la déclaration de DOHA (sur la Paix et la Justice) et des missions de l’UNODC (lutte contre la criminalité, éducation à la tolérance et au respect etc) instance avec laquelle l’UNESCO collabore étroitement, comme en témoigne la sortie récente d’un « guide sur le renforcement du respect du droit par l’Éducation » élaboré conjointement par les deux institutions.

M. Ali ZAINAL, Ambassadeur, Délégué Permanent du Qatar auprès de l’UNESCO, en évoquant la mission de la fondation WISE au service de l’éducation, a insisté sur la place qu’il fallait donner à toutes les parties prenantes constitutives des systèmes éducatifs (parents, gouvernements, ONG, professeurs). Il a, bien évidemment, souligné le rôle essentiel des professeurs qu’il faut savoir écouter et respecter Il l’a fait avec quelques accents de poésie (deux courtes citations de poètes arabes bien connus) et aussi comme un appel à prendre la mesure des énormes difficultés auxquelles est confronté le métier de l’enseignant. Leurs besoins ne sont pas assez bien couverts, alors pourtant qu’il s’agit « d’un métier divin » qui mérite une totale reconnaissance. L’enseignant, nous dit l’ambassadeur qui vient de ce monde, doit être respecté de tous : les élèves, les parents et les instances éducatives. Il faut inculquer cet impératif dans les esprits ajoute-t-il.


Panel 1 Les Enseignants dans le contexte du XXIème siècle.

Un constat d’abord : il y a presque partout une dévalorisation de la fonction, qu’il s’agisse des rémunérations ou du statut social, ce qui amène à dégrader la qualité d’ensemble des systèmes éducatifs qui n’attirent plus (postes non pourvus, qualité insuffisante des candidats, démissions des bons profils etc). L’expérience finlandaise montre le lien étroit qui existe entre les « performances d’un système éducatif » et le traitement réservé aux enseignants : dans ce pays, la place des enseignants est privilégiée et les bons résultats que révèle l’enquête PISA doivent beaucoup à cet engagement social.

Pour pouvoir obtenir de bons résultats, il faut aussi que le métier d’enseignant s’adapte à la nouvelle donne de nos sociétés qui subissent des évolutions fortes allant s’accélérant. Pour l’enseignant l’important n’est plus prioritairement de transmettre des connaissances, selon l’un des intervenants, dirigeant du centre de formation UNESCO UNEVOC orienté « technique » et « apprentissage professionnel », il faut :

  • avoir un socle de base suffisant qui permet de s’adapter face aux changements ;
  • savoir miser sur la transversalité et avoir un esprit critique constamment en éveil ;
  • mais aussi être spécialisé ; l’important est de ne plus rester enfermé dans son domaine et être imaginatif dans des environnements qui ne cessent de changer. C’est véritablement un nouveau paradigme.

A Singapour, la question de la formation continue a été prise à bras le corps, avec une nouvelle mentalité : plus d’autonomie a été donnée aux enseignants pour leur formation continue, et le gouvernement, pour sa part, a développé des incitations notamment en offrant plus de « crédit d’heures » optionnellement mobilisables à cette fin de formation.

Au-delà de la nécessité d’une offre de temps disponible pour permettre une formation continue digne de ce nom, le Temps est un paramètre à estimer à sa juste valeur pour traiter de la fonction enseignante (temps libre, temps de cours, temps de préparation…) et cela renvoie bien souvent à la question des Moyens.

A propos de pédagogie innovantes, là encore, on insiste sur le bien fondé de la transversalité ou d’accompagnement par des équipes qui aident les professeurs à travailler sur la façon d’enseigner au niveau de chaque école (Singapour).

On souligne tout l’apport qu’on peut tirer de la vue des autres. Exploiter les résultats des travaux de Recherche est aussi considéré comme très utile.

Un problème est posé au sujet de l’égalité, égalité d’accès à l’École. Ici, beaucoup va dépendre de l’engagement des gouvernements : les politiques doivent jouer le jeu de l’inclusivité en particulier pour ce qui est des filles et des populations rurales.

S’agissant des incitations à s’engager et rester dans l’enseignement, la question salariale est importante, mais c’est loin d’être le seul élément qui compte. On peut aussi miser sur l’autonomie laissée aux enseignants, une meilleure répartition des charges de travail, une implication dans les décisions prises. Bien évidemment, l’attirance pour l’enseignement dépend aussi de l’image que l’on donne de la profession au sein de la société.

La question des parents a été évoquée. Il est important de les associer. On ne saurait tout demander à la communauté éducative, en particulier pour ce qui est en rapport avec les valeurs. Il en est certaines, fondamentales, qui devraient être transmises par les parents, et, ici, la Finlande adhère à l’idée et la met en pratique… mais, là aussi, ce modèle n’est pas généralisable. Dans beaucoup de pays, les parents ne jouent pas ou plus assez ce rôle primordial d’éducateur. Alors, l’école est amenée à combler cette lacune, et cela passe par l’éducation civique, citoyenne et par l’apprentissage d’une discipline comportementale (la politesse, les civilités, le respect de l’autre etc).

La séance des Questions/Réponses a amené à confirmer à quel point sont remises en cause les approches traditionnelles. L’enseignant n’assure plus une simple fonction de transmission du savoir, il lui faut opérer de façon plus « holistique », aidé notamment avec les outils du numérique. Il lui faut être plus un facilitateur, un guide, et fonctionner comme un « consultant »… C’est un nouvel état d’esprit avec une nouvelle façon d’interagir avec les élèves qui, eux-mêmes, sont appelés à être mobilisés autrement que par le passé (plus d’implication, d’interaction, de créativité).


Panel 2 – Éducation globale à la citoyenneté pour des sociétés pacifiques et inclusives

En introduction, M. Dov Lynch responsable UNESCO de la section « citoyenneté globale et éducation à la Paix et au Développement durable » a évoqué la déclaration de Doha et l’agenda 2030 qui sont deux puissantes sources d’inspiration et de mobilisation au service d’œuvres de Paix et de Réconciliation (par l’inclusivité) dans un Monde encore trop miné par les tensions, la violence, le terrorisme. De l’importance des formations dispensées aux élèves des écoles qui doivent être sensibilisés à toutes ces problématiques, juridiques notamment, qui touchent à la citoyenneté et qui constituent le cœur d’un programme dédié de l’UNESCO.


– Témoignage d’un Responsable politique : l’Éducation est une priorité, les Enjeux du numérique

S.Ex. Mme Erlinda Handal Vega, Vice-Ministre des Sciences et des Technologies du Salvador, a présenté toutes les actions engagées par son pays en faveur de l’Éducation, qui est une priorité du gouvernement.

Les initiatives sont nombreuses, la formation des maitres (formation initiale et continue) reçoit une attention particulière, ainsi que le domaine de la Recherche.

L’essentiel de l’intervention de la ministre a porté sur les TIC (informatique, le numérique, les « Techniques de l’Information et de la Communication »). Des efforts importants sont déployés, pas seulement pour la mise en place des outils, même si des moyens importants sont mobilisés en la matière. Outre la formation des personnels et l’aide pratique au déploiement des logiciels, les populations sont sensibilisées aux innovations numériques jusque dans les zones rurales les plus éloignées des centres urbains.

Il faut aussi noter toute une série d’actions conduites autour des risques de la cybercriminalité jugés à juste titre comme une menace, notamment pour les jeunes. Est ainsi engagé un plan de prévention qui intègre tout particulièrement la formation des enseignants (détection des dérives, moyens de se protéger).


Éduquer à la Citoyenneté globale (mondiale) : une nécessité dans un monde devenu divers, restaurer la Confiance

Tunisien d’origine établi en Australie, enseignant devenu chercheur en sociologie et responsable d’un département universitaire, à partir de son expérience, M. Fehti Mansouri a développé des réflexions inspirées et inspirantes qui sont très en lien avec ce qu’il peut retirer de ses fonctions à la tête de l’institut Alfred Deakin qui travaille sur « la Citoyenneté et la Globalisation » et d’une chaire UNESCO dédiée à l’étude de la « Diversité culturelle et de la Justice sociale ».

Un fait incontestable : le Monde aujourd’hui est plus mobile. Cette mobilité, voulue ou non, concerne les personnes prises individuellement, mais aussi et surtout des populations entières, des populations qui se déplacent massivement pour de multiples raisons :démographiques, climatiques, politiques, économiques.

Ce phénomène de grande ampleur a des impacts très forts dans les pays affectés : déstabilisation, tensions, résistances, difficultés d’intégration, racisme, conflits notamment dans les écoles, ces écoles qui sont des microcosmes des sociétés dont elles émanent avec précisément toutes les difficultés que l’on vient d’énoncer. On voit se développer partout de la défiance :entre personnes, communautés, mais aussi vis-à-vis des institutions, parfois minées par la corruption, du régime politique (démocratique) avec par exemple une apathie électorale.

Trois attitudes peuvent alors émerger : le cynisme, le scepticisme, la passivité (une allégeance qui pourrait vouloir dire « baisser les bras »). Il est nécessaire de les endiguer pour restaurer une meilleure situation, retrouver cette confiance qui semble avoir disparu alors qu’elle est la condition même de toute vie en société. Cela doit s’opérer en tenant compte des contextes, ce qui appelle à développer un esprit en prise avec une nouvelle donne sociale voire sociétale, et pour ce faire l’éducation, l’éducation à la citoyenneté mondiale constituent la meilleure réponse.

L’expression « citoyenneté mondiale » pourrait sembler un oxymore. Il y aurait « le Citoyen » dans la cité ou la nation, et le Monde… mais, il n’en est rien : on ne doit pas raisonner par « antagonisme », les données mêmes de la situation doivent, au contraire, voir ces deux dimensions se combiner harmonieusement et être cultivées intelligemment – notamment auprès des jeunes pour obtenir des sociétés (nations) plus apaisées.


Pour produire leurs effets, Les actions sont à mener selon un certain nombre de principes :

  • ouverture à l’Autre ;
  • souci constant de l’inclusivité ;
  • mise en valeur des notions de Paix et de Justice, de Développement durable et des Droits de l’Homme.

Il faut absolument pouvoir obtenir le respect de Valeurs essentielles et partagées, avec trois sujets à bien traiter : une juste égalité, une sensibilisation aux questions éthiques, des engagements authentiques, exemplaires.

Il est indispensable que soient menées des actions concrètes, visibles (de l’importance de pouvoir rendre perceptibles les résultats), tangibles et durables.

On ne peut s’accommoder de saupoudrage ou d’initiatives sans lendemain, trop ponctuelles. L’expérience montre, singulièrement lorsqu’il s’agit d’intervention dans des milieux divers (hétérogènes), la nécessité d’avoir :

  • une pensée stratégique ;
  • un cadre précis et des ressources (moyens, leadership) suffisantes ;
  • des engagements dans la durée, et une mobilisation de tous les acteurs (les professeurs qu’il faut former pour enseigner face à des élèves d’origines diverses, les parents ainsi que des facilitateurs).

Témoignage d’une responsable d’ONG africaine : l’apprentissage de la Citoyenneté sur le terrain auprès des très jeunes

Mme Onyinye Ough dirigeante de l’ONG « Step Up Social Development and Empowerment in Nigeria » a présenté les actions qui sont menées par son ONG au Nigeria auprès d’enfants du primaire pour les sensibiliser aux questions touchant à la corruption et aux dérives observées sur le terrain du politique.

Ce qui pouvait sembler curieux de prime abord – aborder de tels sujets avec des enfants aussi jeunes – apparaît en réalité comme une excellente initiative qui donne des résultats.

Il y a comme idée sous-jacente, l’intuition que, dans une société aussi touchée par la corruption et le clientélisme, le mal peut en partie être traité en intervenant en quelque sorte à la source, auprès d’enfants qu’il faut éduquer et qui sont tout à fait capables de comprendre dès lors que sont développées des méthodes pédagogiques adaptées.

Grâce au jeu ou à des méthodes interactives ou des vidéo, avec la mobilisation de termes simples et des explications concrètes, les résultats sont au rendez-vous, et ces très jeunes générations se mettent à comprendre ce que signifie le vote, la liberté, ce qui constitue des obstacles à la justice etc.

Plusieurs milliers de jeunes ont ainsi été formés. Des actions sont aussi menées vers les adultes, publication de livres détaillant ces problématiques et coopérations avec les autorités éducatives.

Des outils informatiques sont mis en place, notamment sur un site web.

L’expérience reste évidemment limitée à ce stade, mais elle ouvre des pistes intéressantes pour faire progresser la cause du droit et de la justice, dans des pays où ces deux notions peuvent être mises à mal.

Amusant slogan présenté sous forme vidéo : un groupe d’enfants enthousiastes et souriants agitant des cartons sur lesquels était inscrit « My vote is not for sale »…