Présentation du rapport par Mme Stefania Giannini, ADG Education de l’UNESCO. Pour elle, ce rapport d’étape est justifié car les avancées attendues ne sont pas au rendez vous, après la publication en 2018 des « Principes directeurs internationaux sur une éducation à la sexualité ». Elle rappelle que ces principes ont pour but de contribuer à une égalité entre les sexes, pour un avenir plus inclusif et en meilleure santé.
Organisée avec le soutien de la Suède et de la Norvège et en collaboration avec ONU Sida, FNUAP, ONU Women, OMS, Unicef, cette présentation-bilan consiste à faire s’exprimer des responsables et des jeunes de différents continents, la conclusion étant faite par la DG de l’UNESCO, Madame Audrey Azoulay.
Le Dr Patricia Machawira, Office régional de l’UNESCO en Afrique du Sud, anime et oriente les échanges, après que Joanna Herat, du secteur pour la Santé à l’UNESCO, ait fait un bilan mitigé des résultats, issus d’interviews menés selon des choix non précisés, au Royaume-Uni, à la Jamaïque, en Zambie, Tunisie, Suède, Namibie, Arménie, au Zimbabwe, Mexique, Cameroun, Laos, en Indonésie. De jeunes représentants de certains des pays participants, ou des représentants des ministères concernés, font un bilan des besoins détectés et des voies empruntées pour les satisfaire, la plupart du temps partiellement. Tous insistent sur l’importance de la volonté politique, de l’encadrement juridique et des financements adéquats : pas de surprises dans ces argumentations.
En revanche bien des questions se posent durant les présentations du 24 juin 2021. Elles entraînent des remarques constructives de la part du CCIC.
Les parents et les religions sont souvent présentés comme des freins « aux progrès » (les professeurs « craindraient des retours de bâton ») ou comme démissionnaires, gênés par le sujet et trop « heureux de se décharger sur les écoles », ce qui est sans doute vrai par endroits.
Ne serait-il pas plus profitable de faire systématiquement place aux parents et aux tuteurs légaux, afin d’instaurer ou de renforcer un dialogue intergénérationnel garant d’une confiance réciproque ? Les communautés ne semblent pas être systématiquement opposées à l’éducation sexuelle ou alors les moyens et les buts leur auraient-ils été mal présentés ? Ne correspondraient-ils pas à leurs attentes éducatives ?
Pourquoi ne pas utiliser le support interactif et démocratique de différents médias, qui sont aussi des acteurs de l’Education, pour ne pas rompre ce dialogue entre les différentes composantes de l’éducation ou pour le prolonger ?
Les filles sont fréquemment présentées comme totalement ignorantes du fonctionnement de leurs organes sexuels, les « menstruations » seraient des surprises « effrayantes » pour elles, alors même que le sujet est au programme des Sciences Naturelles, dans leurs études.
Cela pose à nouveau la question de la qualité des enseignements dispensés, de leur évaluation et de la formation des maîtres, questions omniprésentes dès que l’on aborde les questions d’éducation dans tous les domaines.
Certains jeunes font la promotion de « l’enseignement » par les pairs, les apprenants donnent leur avis, en fonction de leurs acquis, selon les programmes retenus aux niveaux décisionnels. Cette approche n’est pas nouvelle.
Elle comporte deux risques majeurs, celui d’un contenu approximatif voire erroné, et celui d’un parti pris insuffisamment réfléchi. Deux attitudes que ne saurait avoir un enseignant digne de ce nom, dont les références sont solidement basées et honnêtement enseignées.
Les arguments fondant ce besoin d’éducation affective, relationnelle et sexuelle, ne peuvent être ignorés. Vouloir « sauver des vies » et valoriser « le bien être » est louable. Ce sont les méthodes de mise en œuvre qui posent question :
Le « tout préservatif » présenté dans le manuel de 2018, permet-il une réelle responsabilisation des jeunes, dans l’intégralité de leur personne ? Il répond à des cas de figures traités dans l’immédiateté pour lutter contre les MST, IST, le VIH Sida et les grossesses précoces. Mettra- t-il pour autant fin aux violences ? N’est-ce pas déjà une violence de présenter la procréation uniquement sous l’angle des grossesses précoces, contre lesquelles il faut lutter bien entendu ? Cela ne revient il pas à instiller dans l’esprit des jeunes que la venue d’un enfant est en elle-même une violence ? L’application du principe « à un problème, une solution clé en main » est-elle un argument pour l’autonomisation des jeunes dans leurs choix éclairés ? Cette autonomisation engage leur personne dans toutes ses composantes, corps, esprit et âme. Elle engage aussi leurs capacités de fertilité et leurs chances de fonder une famille par la suite, tenant ainsi leur place dans le renouvellement démographique des sociétés, pour le bien de tous.
Pour nous en tenir au programme des Futurs de l’Education de l’UNESCO, il convient d’ « apprendre pour devenir ». Pour le CCIC,« le pouvoir de devenir et celui d’apprendre à être, en conscience, sont intimement liés. »
Le CCIC, qui accompagne les travaux de l’UNESCO depuis plus de 70 ans, souhaite que ces arguments soient entendus et pris en compte comme une contribution positive, puisqu’il a été dit que « pour sauver des vies on avait besoin de tout le monde ».
Il est positif de distinguer les tranches d’âge et d’adapter les contenus informatifs en fonction de ces choix et des cultures concernées, en respectant la maturité des élèves et leur pudeur.
Ne faudrait-il pas également s’interroger sur un le problème concret omniprésent : celui des effets de la pornographie si facilement accessible sur internet pour toutes les générations ?
Sur les effets négatifs qu’elle véhicule pour l’équilibre psychique des très jeunes ?
Sur l’impact émotionnel de la violence sous-jacente à ces mises en scène ?
Toutes les générations et les régions du monde ne sont-elles pas concernées par cette forme dévoyée d’éducation sexuelle ? Sur la banalisation des abus sur enfants et des violences faites aux femmes ?
Le besoin d’éducation concerne autant les filles que les garçons, or dans la présentation du 24 juin, les filles étaient majoritairement représentées.
N’est-ce pas regrettable ? N’ont-ils pas, filles comme garçons, besoin d’une éducation intégrale de qualité, chemin et facteur de paix pour les sociétés ? Education qui aille au-delà du seul « safe sex », attitude exclusivement comportementaliste ?
Vouloir améliorer la vie est un but louable, les moyens utilisés pour y parvenir sont ils idéologiquement neutres ? Sont-ils facteurs d’engagement pour la société civile ? Autant de questions qu’il semble difficile d’ignorer.
En conclusion de la présentation d’étape concernant l’Education Sexuelle complète, il conviendrait peut-être de se poser les questions :
- En tout premier celle de l’utilisation et la compréhension de « comprehensive », ou « complète » en français, car il y a une différence entre « complète », le terme attaché programme international CSE (Comprehensive Sexual Education), et une approche intégrale, globale ou holistique de l’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle, trois dimensions indissociables.
- Puis, du pourquoi du choix de partenariat de la jeunesse seulement, de la représentativité des jeunes sélectionnés, de la part de volontarisme affiché dans leurs déclarations face aux réalités concrètes que chacun doit affronter.
« La jeunesse est une maladie qui passe vite », mais les rêves qui bâtissent l’avenir n’ont pas d’âge, toutes les saisons de la vie sont porteuses de richesses !
Des échanges intergénérationnels, afin d’impliquer dans la réflexion globale toutes les strates des sociétés, ne devraient-ils pas être mis à l’ordre du jour ?