les 11, 12 et 13 novembre 2018


En marge des cérémonies commémoratives du 11 novembre, s’est tenu pour la première fois le « Forum de Paris sur la paix ». Cette première aura coïncidé opportunément avec la célébration le même jour du centenaire de l’armistice de la Première guerre mondiale.

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Pour ce Grand événement, l’intention évidente et symbolique mais aussi concrète des organisateurs aura été, en plus des discours officiels par les chefs d’États, de proposer à des représentants de la société civile, cent ans après l’arrêt des hostilités qui ont fait 18 millions de victimes, de travailler sur des solutions pouvant contribuer à une meilleure entente mondiale, susceptibles de limiter les risques que de telles catastrophes ne se reproduisent plus.


Le Forum a été inauguré, le soir du 11 novembre, en présence de 70 chefs d’états parmi lesquels le président Emmanuel Macron, la chancelière Angela Merkel et le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres.

Le Forum de Paris sur la Paix est maintenant institutionnalisé avec le statut d’« associations loi 1901 ». Il a pour président Justin VAÏSSE, directeur du Centre d’analyse, de prévision et de stratégie du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.

L’association compte parmi ses membres la Fondation nationale des sciences politiques (Sciences Po), la Fondation Körber, la Fondation Mo Ibrahim, l’Institut français des relations internationales et l’Institut Montaigne.


Ce Forum n’a pas la forme de ces colloques où se succèdent des orateurs donnant chacun son exposé. Les organisateurs ont opté pour un événement privilégiant l’échange, l’interactivité et la créativité. Ont ainsi été organisés :

  • une série de conversations au cours desquelles les intervenants étaient invités à confronter leurs idées sur les enjeux de la gouvernance mondiale ;
  • des labs, ateliers de réflexion concrète où les participants étaient appelés à travailler sur des idées ou concepts jugés utiles au regard de l’objectif « Paix durable ».

Les « conversations » et « labs » dans la grande Halle de la Villette

120 projets ont été présentés à cette occasion (sélectionnés par un jury parmi 600 projets reçus). Pour les porteurs de projets d’autres formes de rencontre étaient proposées :

  • Les brainstorms permettant aux porteurs des projets de recueillir les conseils d’experts et du public pour relever un défi particulier que sous-tend chacune de leurs initiatives ;
  • Dans les fishbowls, où les participants interviennent aux côtés des experts pour aider les porteurs de projets à faire avancer leurs initiatives et à mieux répondre aux défis de la gouvernance mondiale ;
  • Les launches conçus pour permettre aux porteurs de projets d’annoncer un nouveau projet et les avancées de leurs initiatives.

Ces 120 projets étaient portés chacun par une grande diversité d’acteurs comme par exemple des institutions internationales (UNESCO, Agence française de développement, etc.), des ONG (par exemple Palestinian Consultative Staff for Developing NGOs), une fondation (la Fondation Chirac) ou un institut de recherche (comme The Hague Center for Strategic Studies).

Les projets sélectionnés ont été regroupés autour de cinq thèmes : Paix et Sécurité, Développement, Économie Inclusive, Environnement, Nouvelles Technologies. Certains d’entre eux avaient un « stand » de présentation dans cette Grande Halle de la Villette, où avait lieu l’événement.


Dans la section « Paix et sécurité », on aura noté l’accent tout particulier mis sur les thématiques de lutte et de prévention contre l’extrémisme violent et aussi le souhait que la société civile soit plus impliquée dans le domaine de la gouvernance mondiale. 30 projets ont été présentés dans cette section. Voici quelques exemples :

  • « 1000 ABRAHAMIC CIRCLES », présenté par « Foreign Policy Community of Indonesia », a pour objectif de proposer une expérience innovante de dialogue interreligieux grâce à des échanges circulaires approfondis de représentants religieux islamiques, juifs et chrétiens ;
  • « ESCUELAS DE PERDÓN Y RECONCILIACIÓN »(«Écoles pour le pardon et la réconciliation») projet porté par la Fundacion para la Reconciliación de Colombie qui a pour objectif d’aider les victimes de conflits armés à surmonter la violence qu’elles rencontrent au quotidien, en prenant appui sur une méthodologie psycho-sociale ;
  • « INTERFAITH DIALOGUE ON VIOLENT EXTREMISM », « Dialogue interreligieux sur l’extrémisme violent » proposé par Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (Société allemande de coopération internationale) promeut une « approche soft power » axée sur les causes profondes traitées sur le terrain plutôt qu’une intervention sur les symptômes de l’extrémisme violent ;
  • INTERFAITH DIALOGUE: PROMOTION OF RELIGIOUS AND CULTURAL UNDERSTANDING, HARMONY AND COOPERATION a été présenté par la Direction générale de la coopération internationale et du développement de la Commission européenne (DG DEVCO).

    L’Union Européenne soutient le dialogue interculturel au niveau mondial et renforce la compréhension interreligieuse par le biais de projets valorisant les contributions de la société civile dans le cadre de son soutien aux initiatives en faveur de « la démocratie et les droits de l’homme » :

  • PARTNERSHIPS FOR ADDRESSING VIOLENT EXTREMISM AND DEVELOPPING ALTERNATIVE NARRATIVES, a été présenté par la même Direction générale de la coopération internationale et du développement de la Commission européenne (DG DEVCO). L’Union Européenne veut ici aider à l’élaboration de stratégies en matière de communication, en y association les victimes de la violence terroriste et les dirigeants politiques locaux ;
  • KUMEKUCHA: IT’S A NEW DAWN, porté par « Green String Network » de Kenya, est un programme de « guérison sociale » très en lien avec la communauté (société). Le réseau des acteurs impliqués aborde par le dialogue les symptômes de traumatisme, guide des groupes de parole dans les discussions sur l’extrémisme violent, le pardon et la réconciliation et plus généralement vise à rompre les cycles de violence observés aux niveaux communautaire et sociétal ;
  • PEACE EDUCATION FOR INTRA & INTER-FAITH YOUTH, « L’éducation à la Paix pour la jeunesse entre les religions et à l’intérieur des religions » est un projet proposé par Peace Center Lahore du Pakistan qui a pour but de renforcer l’esprit critique de la jeunesse pakistanaise concernant le dialogue interreligieux et aider à une meilleure compréhension des défis religieux de leur pays avec un esprit de tolérance.

Dans la section « Développement », l’UNESCO et la Colombie ont présenté le projet « INTANGIBLE CULTURAL HERITAGE AS A BASIS FOR RESILIENCE, RECONCILIATION AND CONSTRUCTION OF PEACE ENVIRONMENTS IN COLOMBIA’S POST-AGREEMENTS », « Le patrimoine culturel immatériel comme base de résilience, réconciliation et construction de cadres de paix en Colombie ».
C’est un projet d’assistance internationale d’urgence qui a été approuvée en juin 2018 dans le cadre du Fonds de patrimoine culturel immatériel de l´UNESCO. Il vise à contribuer à la réintégration des ex-combattants et à rétablir les liens sociaux avec les communautés hôtes en s’appuyant sur le patrimoine vivant comme outil de dialogue, réconciliation et reconstruction identitaire sur ce territoire touché par le conflit armé.
Le projet très ciblé dans le temps et l’espace a débuté en juillet 2018 pour une durée de 14 mois. Il est mis en œuvre dans la localité de Pondores à l’extrême Nord de la Colombie, plus précisément dans l’espace de campement pour les ex-combattant FARC (Espacio Territorial de Capacitación y Reintegración – ETCR).
Les résultats qui seront obtenus de cette expérience pilote contribueront à l’adoption d’une approche méthodologique pour l’utilisation du patrimoine culturel immatériel à la reconstruction sociale dans un contexte post-conflit et de situations d’urgence.


Patrick Gaspard (Fondation Soros) à gauche et Mo Ibrahim (Fondation Mo Ibrahim) à droite

Une des « Conversations », a traité du rôle et du financement des actions de la société civile au travers des ONG avec un intitulé pour le moins provocateur « ONG : un espace vital en peau de chagrin ». Elle a bénéficié de la présence des représentants de deux grands pourvoyeurs de fonds, le milliardaire africain Mo Ibrahim et Patrick Gaspard, président de la fondation américaine Soros (Open Society Foundation).


La discussion s’est concentrée sur l’intervention des acteurs financés par la « philanthropie » et les difficultés des relations entre les gouvernements et la société civile surtout sur le continent africain. Les intervenants ont déploré le fait que les ONG qui bénéficient du financement de ce type sont trop souvent regardées comme des adversaires des pouvoirs en place, soupçonnées d’être des « collaborateurs » avec des acteurs étrangers. La crédibilité de la société civile dans ces pays est ainsi continuellement mise à mal.
Cet échange a aussi été l’occasion d’apprendre les efforts que le milliardaire d’origine soudanaise Mo Ibrahim mène contre la corruption en Afrique. Le Prix « Mo Ibrahim pour un leadership d’excellence en Afrique » s’inscrit dans le cadre de cet engagement. Il récompense, par un paiement initial de 5 millions de dollars et un paiement annuel à vie d’un montant de 200 000 dollars, des chefs d’État ayant exceptionnellement amélioré la sécurité, la santé, l’éducation, le développement économique et les droits politiques dans leurs pays, et transféré démocratiquement leurs pouvoirs à leurs successeurs.


Le Forum de Paris sur la paix ou, pour reprendre l’intitulé complémentaire retenu par les organisateurs « La plateforme mondiale des projets de gouvernance », tire sa substance même de la confrontation d’idées et de projets avec une multiplicité d’acteurs publics ou privés pour témoigner d’une intelligence collective et œuvrer à la recherche d’une meilleure gouvernance du monde des gouvernements, des institutions internationales, de la société civile.
Les ONG ou toutes autres institutions qui auraient des projets pouvant se rattacher aux domaines recensés comme pouvant aider au service de la Paix pourront les soumettre au titre de la deuxième édition du Forum qui se tiendra au cours du mois de septembre 2019.
Le Forum est événement d’envergure qui a ce mérite de proposer d’entrer dans le concret avec pragmatisme, et de démontrer que la Paix n’est pas seulement un idéal abstrait.

Oana Barsan