L’évènement s’inscrit dans le prolongement de l’engagement pris en décembre dernier par le Conseil exécutif lors de sa 211ème session avec son appel solennel à lutter contre le racisme et les discriminations et sa résolution invitant les services à élaborer une feuille de route pour traiter en profondeur ces deux thématiques.
Une journée riche d’enseignements et de témoignages donnés par de nombreux participants à quatre tables rondes. La République de Corée du Sud à l’origine de l’appel de décembre a prêté son concours à l’organisation de cette première rencontre, Gabriela Ramos ( Sous-Directrice Générale Adjointe – ADG – en charge du secteur Sciences Humaines et Sociales) et Edouard Makoto (ADG responsable des Relations extérieures et de la Priorité Afrique pour l’UNESCO) ont pris part à l’évènement ; le Secrétaire Général de l’OCDE, Angel Gurria et l’ambassadeur délégué de la Corée auprès de l’UNESCO, Kim DongGi ont également apportés leurs contributions.
On propose ici quelques-uns des éléments qui ont particulièrement retenu notre attention.
Il y a d’abord à souligner tous les engagements pris et qui vont s’amplifiant sous l’impulsion notamment des initiatives onusiennes, avec, comme l’illustre l’organisation du présent Forum le rôle qu’entend jouer de plus en plus l’UNESCO : L’Alliance des villes pour un Développement Durable, la Coalition pour l’Egalité des Hommes et des Femmes, le lancement d’un Observatoire des inégalités avec l’aide de la Suisse. A noter aussi, l’année 2021 qui a été retenue par l’ONU comme la période butoir pour que soit réalisée « l’Eradication du travail des Enfants »
Quelques faits à rappeler : les discriminations et le racisme perdurent
Qu’il s’agisse de discrimination et de racisme, avec tout ce que cela peut sous-tendre de stéréotypes insidieux, de violence manifeste ou subtile, toutes ces défaillances sont encore très présentes à tous niveaux, dans de très nombreux pays quels que soient leur niveau de développement.
Aux États-Unis, le petit-fils de Martin Luther King, observe depuis quelques années une régression.
La présidente et avocate (noire) de la Law Society (organisation britannique représentative des juristes) déplore que même dans le monde des juristes subsistent des inégalités patentes ; une enquête a révélé les difficultés que subissent les femmes, pénalisées de multiples façons (mal représentées au sein de leurs organisations, freinées dans leurs carrières, victimes de brimades…).
Un travail conduit par l’organisation « réseau des femmes politiques » montre là aussi de grandes inégalités qui tiennent à l’existence de stéréotypes injustifiés, de préjugés facteurs d’injustice. L’élaboration d’un indicateur destiné à mesurer le phénomène fait ressortir un niveau peu satisfaisant pour l’Allemagne, notamment du côté des jeunes.
Les mentalités et le poids des traditions culturelles font qu’il y a souvent une grande résistance des dirigeants pour accepter la reconnaissance de certains droits pour les femmes. Dans des pays comme l’Inde où parfois subsiste un carcan de domination masculine, les manifestations pour appeler à corriger cet état de fait peuvent dans certains cas être sévèrement réprimées.
Une intervenante a pointé certaines déficiences dans les organisations internationales, en évoquant l’existence à ce niveau d’un racisme subtil, à cause de lacunes dans la représentativité géographique des personnels.
Quelques Recommandations, Conseils pour améliorer la situation : de nombreuses pistes à exploiter
Trois témoignages de Maires (toutes Femmes) de trois grandes agglomérations (Monte-Vidéo, Freetown, et Barcelone) se sont rejoints pour faire ressortir à quel point les Municipalités – organisations les plus proches des populations – peuvent contribuer à améliorer la situation des personnes les plus vulnérables. Dans ces trois grandes agglomérations, sont conduites de manière résolue et selon des démarches bien structurées de nombreuses actions de soutien aux plus défavorisés, et singulièrement à ceux qui sont victimes de stigmatisation, de marginalisation ou d’oppression (assistance sociale, aide à l’emploi, protection juridique etc.).
Faciliter ces (les) actions de terrain par des aménagement législatifs, expurger notamment toutes les dispositions juridiques manifestement discriminantes (les biais).
Plusieurs autres « leviers » sont mentionnés comme de puissants moyens pour assurer plus de justice dans les sociétés et contribuer à un meilleur équilibre entre les composantes des populations :
- Imposer des quotas.
- Mettre en évidence des réussites exemplaires donnant à espérer et susceptibles de faire émerger des vocations sources possibles d’émancipation.
- Donner confiance à celles et ceux qui ont peur de s’exprimer et de s’engager parce que les mentalités au niveau de certaines communautés enferment dans des catégories où l’on est voué à ne pas progresser.
- Parler… et parfois même « crier » là où règnent des situations inacceptables au regard des droits humains et de la dignité des personnes ; avoir des portes parole au service de causes défendues fermement (affirmative actions).
- Disposer autant que faire se peut d’indicateurs permettant de mesurer l’ampleur du phénomène « discriminations ».
- Convaincre au travers de dialogues nourris de bons arguments, en associant toutes les parties prenantes dans des Conversations, termes pris dans sa meilleure acception et qu’on pourrait compléter en parlant de Conversation citoyenne.
- Développer une culture de la vérité et l’art du débat dans le domaine éducatif.
- Élément essentiel à mettre en exergue pour bien traiter les nombreux sujets sous-jacents aux thématiques de la discrimination et des moyens de les combattre : la formation, l’éducation, et tout particulièrement l’éducation des jeunes filles, afin qu’elles puissent « s’autonomiser ».
- Toujours sur le terrain de l’Éducation, sensibiliser à la question du racisme, et tout particulièrement à ce racisme presque invisible encore très présent, un racisme que les gens peuvent rendre perceptible par leur attitude sans s’en rendre compte.
- Revoir les structures et le fonctionnement des institutions, notamment les instances internationales, pour obtenir une meilleure représentativité géographique de leurs effectifs une plus juste allocation de leurs emplois au regard des critères sociaux.
- Insister sur l’importance de la place accordée aux jeunes qu’il faut à la fois aider par l’Éducation écouter, et aussi protéger : ils peuvent jouer un rôle pour faire évoluer les sociétés, mais ils peuvent aussi être sévèrement réprimés. On gagnera à libérer leur parole.
- « Pas de Paix sans Justice » rappelait Martin Luther-King : les nécessaires combats à mener contre le racisme et les discriminations, ont à se préoccuper des questions sociales et des méfaits liés à la pauvreté qui est toujours là et qui actuellement, avec la crise Covid tend à s’accentuer.
- Miser sur les technologies grâce aux réseaux sociaux et aux plateformes de soutien que déploient notamment certaines associations ou ONG ou les pouvoirs publics : ces média peuvent servir pour alerter sur des problèmes, apporter des aides personnalisées ou promouvoir des plaidoyers.
- Les actions doivent être menées sans relâche, avec respect des gens ordinaires et des cultures, en prenant des mesures pertinentes dans le cadre d’orientations stratégiques claires et cohérentes ; si on ne fait rien, si on en reste à de bonnes paroles, on court de grands risques (le terme « destruction » a été employé).
Message de M Gurria Secrétaire Général de l’OCDE
L’OCDE se préoccupe de ces problèmes toujours présents, avec des vulnérabilités qui perdurent d’âge en âge.
Les Pays doivent faire beaucoup plus pour rompre avec des inégalités qui restent de grande ampleur, il faut le faire en investissant massivement.
Les analyses conduites montrent que la diversité correctement traitée est un grand avantage ; le secteur public peut ici avoir un rôle moteur en montrant l’exemple.
Les politiques à conduire pour mettre fin aux discriminations ethno-raciales et ainsi obtenir une meilleure cohésion sociale doivent reposer sur un bon appareil statistique qui permette de bien identifier les obstacles et les causes intersectorielles (NDLR il préconise de mieux intégrer le critère de la race dans ces recensements statistiques).
Pour être efficaces, ces politiques doivent porter sur des éléments très concrets et toucher aux racines du mal, comme par exemple la mauvaise allocation du marché du travail.
En conclusion, le Secrétaire Général de l’OCDE n’appelle pas à une uniformisation comme moyen de combattre les discriminations puisqu’il a rappelé que la diversité présente un avantage économique évident ; simplement, ce qui importe est d’avoir une saine diversité avec des différences qui ne divisent pas, et qui, dès lors qu’elles sont reconnues, acceptées et même célébrées, produisent un effet positif en permettant l’union des forces des économies.
Intervention de M Edouard Makoto
Courte allocution que l’ADG a centrée sur l’Afrique, parce qu’il est en charge de la priorité Afrique à l’UNESCO, mais aussi parce qu’il avait été sensible à ce qu’avait dit le Ministre du développement et des affaires sociales de l’Afrique du Sud à propos des combats qui ont été menés contre l’apartheid.
Il a invité l’Afrique à être attentive à ce qui se passe dans ce continent, pour qu’elle soit à l’avant-garde de tous les combats menés contre le racisme et les discriminations en empruntant trois pistes prometteuses pour progresser :
- Bien caractériser et repérer les racines des discriminations anthropologiques et sociales ;
- Adopter des législations appropriées pour faire face à toutes ces discriminations y compris la lutte contre les discours de haine ;
- Éduquer en allant aux racines du mal.
Et, en conclusion de son propos, il a fait référence à un anthropologue Haitien, Antenor Firmin qui déjà en 1885 avait mené une réflexion sur les races en faisant ressortir que rien ne justifiait l’inégalité entre les races. L’intelligence humaine, a-t- il ajouté, doit être notre rempart face à « l’illogisme inégalitaire », et cette évidence ne peut que nous faire progresser car nous sommes tous des « Frères et Sœurs en Humanité ».
Les Voix de quelques ambassadeurs
Une dizaine d’ambassadeurs se sont prêtés à l’exercice, en disant en très peu de mots ce que pouvait inspirer une réflexion sur le racisme et les discriminations dans notre monde aujourd’hui, extraits :
« Non à l’indifférence et au silence !«
« Le racisme ! Il faut que cela cesse !«
« N’ayons pas peur des différences ! Luttons contre les discriminations ! On ne nait pas en haissant. Apprendre à aimer, c’est cela notre humanité. »
« Non au racisme, aux discriminations, à la haine ! oui à l’amour, la bienveillance, la compassion !«
« Ne pas rester les bras croisés. »
Conclusion : beaucoup reste à faire mais l’optimisme doit prévaloir
Si beaucoup d’éléments ont été apportés pour montrer l’ampleur persistante des discriminations de toutes natures (raciales, sexistes, xénophobes etc.), et souligner que beaucoup reste à faire, on a aussi entendu parler de progrès qui peuvent laisser espérer un meilleur avenir : la mobilisation des jeunes, et plus largement les opinions publiques, une prise de conscience internationale de la gravité de certaines situations, l’adoption de mesures concrètes avec maintenant un engagement fort des institutions supranationales, l’UNESCO étant maintenant pleinement engagée au service de la lutte contre le racisme et les discriminations.
Trois intermèdes ont ponctué les sessions de l’après midi
Tania de Montaigne, journaliste et écrivain engagée,a déclamé une de ses compositions avec des mots et une intensité inspirantes pour évoquer le monde, ses fractures, ses fissures , ses assignations, tant d’erreurs, dit-elles, qui doivent justifier tous les cris pour plus d’humanité, et réconcilier le « moi » avec le « nous ».
Présentation par l’Union postale d’un nouveau timbre illustrant le thème de la journée.
Un moment musical avec un orchestre de chambre composé de musiciens de diverses origines.