L’UNESCO a lancé le chantier de « sa nouvelle Gouvernance » dans le cadre d’une réorganisation des Organismes Internationaux et Intergouvernementaux de l’ONU. Un point d’étape de ces projets ambitieux a été présenté le 30 septembre 2019 par Mme Alaoui, Présidente de la Conférence générale de l’UNESCO.

Deux journées présidées par Mme Alaoui, présidente de la Conférence générale ; on rappellera que ces réunions s’inscrivent dans le cadre du chantier « Gouvernance de l’UNESCO » qui, comme le projet « Transformation stratégique », est une entreprise d’envergure appelée à se réaliser sur plus de cinq années (2016-2021).

Précisément, les travaux du groupe de travail à composition ouverte ont eu pour objet :

  • De faire le point sur l’applications des recommandations validées par la Conférence générale en ce qui concerne une dizaine d’OII (Organisations Internationales et Intergouvernementales) ;
  • De soumettre à examen un rapport d’étape produit par le Secrétariat sur l’application de l’ensemble des recommandations qui ont été retenues pour la gouvernance de toutes les composantes de l’organisation UNESCO (134 recommandations).

Audition des représentants des OII (organismes Internationaux et Intergouvernementaux) – le 30 septembre 2019

Les Acteurs auditionnés

Les OIIs constituent un ensemble complexe d’une importance cruciale pour asseoir les activités de l’UNESCO, il s’agit de plus d’une vingtaine d’instances aux statuts et aux fonctions différentes que l’on peut regrouper autour de trois catégories : les Comités ou Commissions, les Conventions des Etats-Parties, et les Centres ou Instituts de catégorie 1 ou 2.
Lors d’une précédente rencontre, déjà 14 OIIs ont fait l’objet d’une présentation, la présente réunion a permis d’entendre les Présidents ou leurs représentants d’une dizaine d’autres.

Ont ainsi été entendues et soumises à question les entités suivantes :

Concernant l’Ethique :

  • Le CIB (le Comité International pour la Bioéthique) ;
  • La CGIB (Commission Intergouvernementale pour la Bioéthique) ;
  • La COMEST (Commission Mondiale pour l’Ethique des Sciences et Technologies).

Concernant la Science : le PISF (Programme International sur les Sciences Fondamentales) et le CIPT (Centre International pour la Physique Théorique).

Concernant les questions touchant à l’Environnement : le MAB et la CPPS (Convention pour la Protection des Patrimoines Subaquatiques).

Concernant le Patrimoine : la Convention de 1970 sur le trafic et les exportations illicites des biens culturels.

Concernant les questions Sociales : le MOST (Management Of Social Transformation).

Concernant l’Education : l’IITE (Institut International pour les Techniques de l’Information dans l’Education).

Quelques observations générales

Pour l’essentiel, les orateurs ont fait le point des actions engagées en vue de se conformer aux recommandations entérinées par la Conférence générale. Leurs interventions orales sont venues en complément de rapports détaillés transmis au Secrétariat.

De l’exercice ainsi mené, il ressort l’impression que la démarche est déjà bien engagée pour réaliser les objectifs fixés sur de nombreux sujets comme l’alignement des stratégies sur les orientations de l’UNESCO (documents C4/C5) et de l’ONU (agenda 2030), progrès et convergence en termes d’information et de visibilité, amélioration des modes de fonctionnement (exemple : relations entre les Bureau et les Conseils, Comités ou Commissions).

Comme ce qui est ressorti des consultations sur la stratégie des grands domaines d’activité, on voit aussi de mieux en mieux pris en compte les besoins de coopération et/ou de concertation, comme par exemple, entre le programme MOST et le MAB ou le PIPT (Programme d’Information Pour Tous), ou encore entre les Centres de catégorie 1.

Tendent aussi à se développer les consultations (notamment par internet) comme cela est préconisé.

Peu de remarques ont été formulées sur les aspects financiers, mais la préoccupation n’est pas absente ; les mesures prises (et recommandées) pour bénéficier d’effets de synergie visent bien une gestion raisonnée des ressources, tout comme l’organisation de partenariats avec concours du secteur privé permet de conforter les budgets.

Les commentaires ont donc largement porté sur les aspects managériaux et organisationnels, il a été beaucoup moins fait état des activités elles-mêmes, ce qui n’est pas surprenant (ce n’était pas le sujet), mais sur le sujet « problématiques des activités en rapport avec la gouvernance » rien non plus n’a été vraiment signalé au-delà de considérations très générales, ce que l’on pourrait regretter. Un délégué à cet égard a fort pertinemment fait observer qu’il ne fallait pas seulement se concentrer sur les « procédures et autres aspects techniques » et qu’il était souhaitable aussi de se poser des questions de fonds telles que celles des défis à affronter et des difficultés rencontrées au-delà des seules questions pratiques. L’observation formulée lors de l’examen du MAB aurait tout aussi bien pu être faite à propos des trois Comités en charge des questions éthiques.

Concernant la réaction des délégués ainsi que leurs questions, elles ont reflété un grand intérêt des participants pour cette audition inhabituelle. Comme l’a dit un délégué à propos de l’une des interventions, il y a parfois encore beaucoup d’ignorance quant à ce que font les uns et les autres, et de ce point de vue, les Etats gagnent à en savoir plus ; mais tous les domaines n’ont pas suscité le même intérêt. MOST, le MAB ou le PISF ont été les sujets les plus discutés, et curieusement, les trois instances en charge des questions éthiques n’ont pas amené la moindre question.

Quelques observations plus spécifiques

Les Comités travaillant sur l’éthique :

Un point très positif : un secrétariat commun et des initiatives conjointes ou concertées.

Le Président du CIB, en rappelant tout ce qui a déjà été réalisé depuis sa création dans les années 1970 (voir notamment les déclarations sur le génome, sur la Bioéthique et les Droits Humains), a aussi souligné l’importance des contributions de ce comité, des contributions qui « deviennent des références pour l’adoption des lois nationales » et qui font émerger « des principes qui acquièrent une valeur internationale » et qui sont d’une grande importance ; ainsi nous a-t-on rappelé que dès 2005, le principe de l’interdiction d’interventions cliniques sur les embryons avait été énoncé.

Dernier point pour le CIB : avec 36 membres (tous experts), le Comité peut refléter une composition bien diversifiée, il n’est pas jugé bon d’envisager une réduction, alors qu’une recommandation est d’alléger dans toute la mesure du possible les instances collégiales.

Ont été rappelés les deux domaines sur lesquels travaillent actuellement la COMEST, à savoir l’intelligence Artificielle et l’Internet des Objets.

A propos du Programme International pour les Sciences Fondamentales (PISF), un certain étonnement a été exprimé de voir créé un pôle « ingénierie », la Présidente a répondu de façon convaincante et avec exemples à l’appui, pour souligner que l’objectif en la matière n’est en aucun cas de s’emparer du domaine des Sciences de l’ingénieur. Il s’agit ici simplement d’établir un pont entre les domaines, et de montrer comment les Sciences Fondamentales peuvent aider les ingénieurs, notamment sur les questions devenues cruciales de nos jours, du climat, de l’agriculture, de l’eau ou du numérique.

Toujours à propos du PISF, il a été fait état d’initiatives spécifiques à destination des jeunes (sensibilisation notamment), c’est le seul intervenant (avec le MAB) à avoir évoqué cette préoccupation qui est devenue l’une des priorités de l’Unesco.

Commission pour la protection du patrimoine subaquatique (CPPS) : c’est une convention jugée utile et qui a un potentiel, un des objectifs visés est l’accroissement du nombre des ratifications.

A la question posée au MAB à propos des réserves transfrontalières et du risque de voir des inégalités entre Etats dans leur gestion de ces zones protégées, la réponse donnée est simple : ces projets communs sont le résultat de candidatures conjointes des Etats concernés, et c’est à leur stade que les règles doivent s’établir, et elles le sont d’un commun accord ce qui devrait prévenir ce risque d’inégalité.

Information donnée sur les Réserves de biosphère : actuellement 701 sont répertoriées pour 124 pays, un objectif est fixé à moyen terme avec l’ambition de couvrir à cet horizon 10% des surfaces terrestres.


Discussion du Rapport d’étape sur l’application des Recommandations – le 1 octobre 2019

Ce rapport d’une soixantaine de pages a été établi par le Secrétariat. C’est un document très fourni, détaillant bien l’état de la situation avec notamment un tableau distinguant le « statut » des recommandations domaine par domaine (recommandations appliquées, en voie de l’être ou problématique)

Beaucoup d’intervenants ont salué la contribution du secrétariat qui a exploité tous les matériaux que lui ont transmis les nombreux acteurs concernés par l’exercice.

Mais au-delà de cette observation générale, aucune autre remarque n’a été formulée sauf sur un point manifestement très sensible qui se rapporte à la question des mandats des membres des organes directeurs et des limites (Recommandation 20) qu’il y aurait lieu d’y introduire pour permettre une meilleure représentation des Etats. Cette affaire révèle des points de vue différents, sur un thème qui n’est pas nouveau mais qui à l’occasion du passage en revue systématique de tout ce qui touche aux questions de gouvernance, se retrouve placé sur le devant de la scène avec une grande acuité.

Un groupe de pays a, conformément à ce que suggère la recommandation, proposé de soumettre à la Conférence Générale un amendement à l’Acte constitutif pour répondre à la question posée (réduire le nombre de mandats consécutifs avec période de latence avant la période de réélection).

Plus de deux heures de discussion n’ont pas permis d’avancer vers un consensus, Mme Alaoui a souhaité que le rapport d’étape fasse état de cette situation, mais il a été difficile de convenir de la manière de présenter le sujet, certains voulant un verbatim, d’autres une simple allusion. Plusieurs délégués se sont montrés surpris de voir tout un débat se rouvrir alors que la question avait déjà été discutée (en juin au sein du groupe et en septembre avec une réunion informelle) et que l’ordre du jour de la présente réunion ne permettait pas d’envisager une telle discussion. Il y a néanmoins un accord sur un point : il est impératif de poursuivre le dialogue sur cette question importante et ce dialogue devrait se poursuivre jusqu’à la 41ème Conférence générale, comme le permet la Recommandation 134 qui fixe ce terme pour l’achèvement de la mise en œuvre des recommandations. A cet égard, sur la base de ce qui lui sera rapporté, la prochaine Conférence générale donnera des indications utiles pour avancer sur le sujet.