Intervention de Mgr Éric SOVIGUIDI Observateur Permanent du Saint-Siège auprès de l’UNESCO au débat de politique générale de la 42e session ordinaire de la Conférence générale de l’UNESCO

Paris, 13 novembre 2023

Madame la Présidente de la Conférence générale,

Madame la Présidente du Conseil exécutif,

Madame la Directrice générale,

Excellences, chers collègues,

A vous, Madame la Présidente, j’adresse les salutations les plus cordiales du Saint-Siège, et ses félicitations pour votre élection à la tête de cette session.

Face aux nombreuses crises et conflits en cours, ainsi qu’à l’insécurité générée par le terrorisme, dont trop d’enfants et de victimes innocentes continuent à payer le prix, il est important de se rappeler que « la guerre est toujours un échec de la politique et de l’humanité, une capitulation honteuse, une déroute devant les forces du mal »1 .

Le Saint-Siège renouvelle ici son appel à toute la communauté internationale, pour qu’elle s’engage et se mobilise en faveur de la paix. N’oublions pas : « c’est dans l’esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix ». Cette conviction, si bien exprimée dans le préambule de l’Acte constitutif de cette Organisation, se trouve gravée sur le mur du Square de la Tolérance, réalisé en 1996 par l’artiste Dani Karavan dans le jardin de l’UNESCO. Au centre de la sculpture environnementale, un olivier massif évoque l’aube du processus de paix israélo-palestinien. Cette œuvre ne peut que nous ramener, de cœur et d’esprit, au 8 juin 2014, en ce jour mémorable où le Pape François, le Président israélien Shimon Peres et le Président palestinien Mahmoud Abbas, ont planté ensemble, dans les jardins du Vatican, un petit olivier, en signe du désir commun de paix entre les deux peuples. Il serait tellement souhaitable que cette aspiration prenne vie dans tous les cœurs : « un monde où les hommes et les femmes puissent vivre en frères et non comme des adversaires ou des ennemis… et que du cœur de chaque homme soient bannis ces mots : division, haine, guerre ! »2

La construction de la paix est un travail de longue haleine. A cet égard, le Saint-Siège reste convaincu que la seule option pour mettre fin à la spirale de la vengeance et de la violence reste la promotion d’une éducation à la bienveillance et au respect de l’autre, à la culture de la rencontre et du dialogue patient et courageux 3 .

Madame la Présidente,

Le texte révisé de la Recommandation de 1974 représente à cette fin un instrument important. Son paragraphe 26 invite les États membres à promouvoir une éducation qui vise à « encourager la compréhension et la valorisation de divers modes de vie, visions du monde, religions, croyances et philosophies de vie, et pourrait permettre de réduire les conflits fondés sur l’incompréhension ». Le Saint-Siège estime qu’une telle éducation, dans la mesure où elle aspire à être holistique, c’est-à-dire intégrale, gagnerait à inclure l’éducation religieuse et l’enseignement des valeurs civiques et morales. De fait, l’éducation religieuse, alors même qu’elle n’empêche aucunement à chacun de se forger librement une position personnelle – qui peut aussi être athée -, ne perd en aucun cas sa qualité de ressource et de substrat positif, pour acquérir le sens et la capacité de vivre la citoyenneté en termes responsables et respectueux d’autrui. De plus, il convient de rappeler que le droit à l’éducation « est assuré en premier lieu par le respect et le renforcement du droit primordial de la famille à éduquer, et le droit des Églises comme des regroupements sociaux à soutenir et à collaborer avec les familles dans la formation de leurs filles et fils »4 . Comme le dit un proverbe africain cité plusieurs fois par le Pape François : « il faut tout un village pour élever un enfant ».

Tout en appréciant les riches orientations de la Recommandation révisée, le Saint-Siège déplore cependant l’insertion de certains concepts polarisants et controversants, qui en plus ne sont pas compatibles avec les valeurs que l’Église catholique s’efforce de transmettre aux jeunes générations à travers ses institutions éducatives, reconnues pour l’éducation solide et de qualité qu’elles offrent dans presque tous les pays du monde. Plusieurs Délégations ont exprimé des objections semblables à celles du Saint-Siège, en exigeant que leurs réserves soient soulignées dans le rapport.

La première partie du paragraphe 50 relève avec justesse l’importance d’adapter l’éducation sexuelle au contexte culturel et à l’âge des apprenants. Par ailleurs, le Saint-Siège voudrait exhorter l’UNESCO à s’assurer que cette orientation ne soit jamais utilisée pour promouvoir ce que le Pape François a plusieurs fois dénoncé comme une « une colonisation idéologique à travers l’imposition de modèles et de styles de vie anormaux, étrangers à l’identité des peuples et, en dernier ressort, irresponsables »5.

Madame la Présidente,

Les remarquables progrès réalisés dans les domaines de l’intelligence artificielle, de la biotechnologie, de la nanotechnologie et des technologies de l’information et de la communication, ont un impact de plus en plus profond sur l’activité humaine, la vie personnelle et sociale, la politique et l’économie. Ces progrès peuvent avoir des effets très positifs pour les soins de santé, la protection de l’environnement, la réduction de la pauvreté et le rapprochement des peuples.

Cependant, ces nouvelles technologies sont aussi dotées d’un potentiel disruptif et peuvent avoir des effets ambivalents. Il est important, par conséquent, de rester vigilants et d’œuvrer afin que, dans leur développement et utilisation, une logique de violence et de discrimination ne s’enracine pas au détriment des personnes plus fragiles et exclus.

L’urgence d’orienter la conception et l’utilisation des intelligences artificielles de manière responsable exige que la réflexion éthique s’étende au domaine de l’éducation et du droit. De plus, la protection de la dignité de chaque personne et le souci d’une fraternité universelle sont aussi des conditions indispensables pour que le développement technologique contribue à la promotion de la justice et de la paix dans le monde. En ce sens, le Saint-Siège est prêt à mettre à la disposition de l’UNESCO ses compétences pour favoriser toute réflexion éthique qui sera lancée par cette noble Organisation, afin d’accompagner les évolutions en ce domaine aussi crucial pour l’avenir de l’humanité.

Merci pour votre attention

1 PAPE FRANÇOIS, Lettre Encyclique Fratelli tutti, n. 261, 3 octobre 2020.

2 PAPE FRANÇOIS, Invocation pour la paix, 8 juin 2014.

3 Cf. PAPE FRANÇOIS, Lettre Encyclique Fratelli tutti, nn. 215-217.

4 Cf. PAPE FRANÇOIS, Discours aux membres de l’Assemblée Générale de l’Organisation des Nations Unies, New York, 25 septembre 2015.

5 Ibidem.