Ce grand rendez vous annuel s’est tenu en ligne. Depuis sa création en 1979, il n’a rien perdu de son intérêt, Prés de 500 « écoutants » ont ainsi suivi les échanges lors de la matinée inaugurale. Cette année le fil directeur de l’évènement « la défense des langues maternelles et les nouvelles technologies » s’est assez naturellement justifié dans le contexte de la crise du Covid, la quasi totalité des intervenants y ont naturellement fait référence.

On se propose de s’en tenir aux principales idées émises par les « key speakers » en introduction et les orateurs des deux premières tables rondes dont les thèmes ont porté sur l’utilisation des outils nouveaux pour l’enseignement des langues, en particulier dans des environnements polyglottes et le rôle des enseignants.

Propos introductifs

Les ambassadeurs d’Ouzbekistan et du Bangladesh délégués auprès de l’Unesco ont rendu témoignage de ce que font leurs gouvernements pour traiter dans le secteur educatif la question du multilinguisme avec le recours souvent massif aux technologies.  S’ils ont évidemment situé le sujet « recours aux technologies » plus généralement en évoquant les immenses bienfaits des outils nouveaux pour assurer la continuité des enseignements dans le contexte « covid », ils ont bien montré plus spécifiquement la nécessité de fournir des outils capables de satisfaire un besoin avéré de diversité linguistique : cette diversité doit être considérée comme un « bien public » dont il faut garantir une large et continue diffusion ; c’est un impératif qui permet de préserver les liens et, en cela, nous dit avec conviction le représentant du Bangladesh la technique a montré toute son utilité.

Ont été énumérés les nombreux supports promus d’une façon générale pour l’ensemble « éducatif » mais aussi avec des déclinaisons « multilingual » : radio, télévision, vidéo, cours en ligne ou préenregistrés. Trois sujets sont traités avec une particulière attention : l’accès aux outils notamment dans les zones rurales et/ou pour les populations les plus défavorisées ou démunies (minorités, familles), la formation des enseignants non seulement d’un point de vue technique mais aussi pédagogique, et là est à relever le troisième point qui a trait aux méthodes, un sujet qui touche tous les domaines de l’Education, mais qui comporte une spécificité lorsqu’il est question des langages, et tout particulièrement des langues maternelles.

Les deux intervenants soulignent toute l’importance que revêt de la maîtrise des langues  pour les jeunes, et ce dès la petite enfance ; le corollaire alors, s’agissant de l’utilisation des nouvelles technologies, est d’investir massivement pour obtenir des réponses de bonne qualité, avec parfois l’aide bienvenue de l’Unesco.

Pour la responsable de l’institut de la francophonie, on ne doit pas traiter à la légère les questions linguistiques  parce qu’elles ont un rapport étroit avec les identités culturelles. Il faut alors investir le champs de ce qu’on pourrait appeler la cohabitation linguistique, ce qui invite à traiter de la co-existence d’enseignement de plusieurs langues ; c’est ce sur quoi l’institut s’est penché en lançant des projets en Afrique ; Pour ces initiatives, sont mobilisées les technologies notamment pour ce qui est des traductions, de l’élaboration de nouveaux contenus adaptés à ces outils avec production de tutoriels. Un attention toute particulière est à porter aux enseignants pour lesquels sont organisées des sessions spécialisées (enseignement d’une seconde langue avec utilisation pertinente des nouveaux outils par exemple).

Madame Giannini a conclu la session introductive en rappelant d’abord l’ampleur des dommages que la crise du covid a provoqués pour les écoles et les difficultés qu’ont connues et connaissent encore des dizaine de millions d’apprenants pour rester « connectés » . Elle a ensuite vanté les mérites de l’apprentissage des langues, pas forcément une seule langue, dès le jeune âge et avec l’utilisation des outils modernes qui ont démontré leur efficacité. Elle a aussi mis en exergue le rôle éminent que doivent jouer les enseignants : il leur revient d’amener les jeunes à accéder aux langues, d’abord leur langue maternelle mais aussi les langues étrangères, avec la mobilisation de tous les outils spécialisés maintenant bien au point pour susciter l’intérêt et la confiance des apprenants (consultation de bibliothèques numériques, exercices interactifs concrets, histoires racontées et traduites, jeux etc).

L’Adjointe à la Directrice Générale salue tous les Etats très engagés comme l’Ouzbekistan, qui ont su avoir recours aux nouvelles technologies pour la promotion et la protection des langues parlées de leur pays. Elle rappelle aussi les contributions du Bangladesh au travers du Centre de recherche qu’il soutient à Dacca, et l’engagement fort que l’Unesco ne cesse de concrétiser pour la défense des langues autochtones : elles sont des véhicules pour diffuser et transmettre  les héritages culturels qui assurent des identités. En quelque sorte, pourrait-on retenir de ce vibrant plaidoyer pour une approche moderne et engagée en faveur de l’apprentissage des langues maternelles ou autres, elles sont une vraie richesse à faire découvrir dès la jeune enfance et à entretenir tout au long de la vie.

Une experte canadienne en Technologie dédiée à l’Education, en particulier à l’enseignement des langues a délivré un message très positif à propos du sujet en débat : à un moment où la domination de l’anglais reste avérée (au moins  60% des contenus sont encore diffusés dans cette langue), l’utilisation des nouvelles technologies peut être un bon moyen pour mobiliser les connaissances dans d’autres langues et ainsi atténuer le risque de l’actuelle hégémonie linguistique : diffusion aisée de matériaux éducatifs par voie numérique, utilisation de plateformes avec communautés d’acteurs pour des partages interactifs, coopérations entre parties prenantes des systèmes éducatifs.

Quelques  autres  idées retenues des tables rondes

Souvent les propos tenus ont fait écho à ce qui a été dit par les « key note speakers » .

On voit au travers de ces discussions combien les technologies au plan linguistique peuvent beaucoup apporter aux pays en développement, des pays qui ont à gérer des problèmes de masse (population de plusieurs dizaines de millions d’élèves) et de nombre (des dizaines de langues à introduire dans les enseignements comme en Indonésie).

Si la technologie doit avoir toute sa place avec une grande efficacité de l’outil, il ne faut pas se méprendre : elle n’est qu’un moyen, une sorte de médiateur qui facilite les apprentissages mais qui en aucun cas ne saurait remplacer l’enseignant ; c’est à ce dernier que revient le rôle essentiel d’accompagnant et plus encore, il doit être celui qui donne confiance dans l’utilisation des outils et l’assimilation des langues par leur intermédiaire. C’est lui aussi qui pourra donner à ses élèves le goût des langues, susciter chez eux un désir d’apprendre que le bon usage des technologies peut aider à faire émerger.

Le basculement vers des pratiques qui sortent des habitudes n’est pas simple à réaliser mais, passé un moment difficile, les résultats sont au rendez vous ; les enseignants, dès lors qu’ils ont été formés, s’adaptent aux nouveautés qu’introduisent les technologies du numérique et du virtuel ; quant aux élèves, ils révèlent rapidement leur aptitude à entrer dans ces nouveaux univers.

Deux éléments déjà mis en évidence dans les propos introductifs ont été repris pour en souligner toute l’importance, à savoir, l’absolue nécessité de bien ancrer les innovations combinant « l’enseignement des langues et les outils technologiques » dans les contextes culturels et toute l’importance à accorder aux questions touchant aux interactions et aux relations interpersonnelles.

La place centrale que doit tenir le professeur dans des cadres nouveaux appelle bien évidemment à se soucier de leur formation qui doit aller bien au-delà d’actions de sensibilisations surtout lorsqu’il s’agit d’enseigner dans des environnements multiculturels où coexistent plusieurs langues. A cet égard, une expérience a été menée sur une grande échelle  au Liban avec l’organisation réussie de webinaires, des ateliers de réflexion et des conférences données par de nombreux experts au bénéfice d’un grand nombre de participants (professeurs des écoles, professeurs de français).