Le 24 janvier 2020, le monde célébrait la « Journée internationale de l’éducation », une journée proclamée par l’Assemblée générale des Nations Unies en 2018 afin de mettre en lumière l’éducation en tant que bien commun mondial, pilier du bien-être humain et du développement durable. Chargée de conduire le volet « Éducation » du Programme 2030, l’UNESCO rassemblait à Paris pour cette journée des partenaires de l’éducation et du développement durable pour un évènement mettant l’accent sur les possibilités qu’offre l’éducation et l’apprentissage pour donner aux populations les moyens d’agir pour préserver la planète, bâtir une prospérité partagée et promouvoir la paix.
Le thème de la Journée 2020, « Apprendre pour les populations, la planète, la prospérité et la paix », souligne la nature intégrée de l’éducation, ses objectifs humanistes, ainsi que son rôle central pour la réalisation de nos ambitions collectives en matière de développement.
L’évènement organisé par l’UNESCO à Paris a rassemblé, outre la Directrice générale de l’UNESCO – Mme Audrey Azoulay, deux ministres : le Ministre de l’Éducation Nationale et de la Jeunesse de la France – M. Jean-Michel Blanquer, et le Ministre – Conseiller Spécial du Président du Niger – M. Ibrahima Guimba-Saïdou, ainsi qu’un certain nombre d’acteurs du secteur de l’éducation.
Interventions officielles – Discours d’ouverture
Mme. Audrey Azoulay a ouvert cette célébration en rappelant la place fondamentale de l’Education en citant Victor Hugo :
« Une alimentation de lumière, voilà ce qu’il faut à l’humanité. La lecture c’est la nourriture. De là, l’importance de l’école partout porteuse de la civilisation ».
Victor Hugo
Aujourd’hui, c’est la même conviction, c’est la même ambition. C’est grâce à l’éducation que nous pourrons faire évoluer les mentalités.
L’éducation, en plus d’être une question de techniques, est une question de Valeurs. Il faut apprendre, non seulement à coder, mais aussi à décoder. La paix passe aussi par l’éducation. Pour y arriver, il faut financer l’éducation. Un vibrant appel est lancé aux États afin d’investir dans l’Éducation.
L’initiative de l’UNESCO intitulée « Les futurs de l’éducation » vise à repenser l’éducation et à façonner l’avenir, en lançant un débat mondial sur la manière de réinventer le savoir, l’éducation et l’apprentissage, dans un monde de plus en plus complexe, incertain et précaire.
Madame Azoulay a conclu en rendant hommage à tous les professeurs qui sont « les trésors de l’éducation ».
Mme. Stefania Giannini, Sous-Directrice générale de l’UNESCO pour l’éducation, a ensuite rappelé l’importance de mobiliser et la nécessité de l’engagement politique.
M. Jean-Michel Blanquer a commencé son intervention en soulignant que nous sommes en train de changer de civilisation. Nous avons accès à l’information, qui arrive en surabondance. Nous devons la structurer et discerner pour éviter le pire, les fausses informations, les discours de haine, de racisme.
« Le nouvel enjeu de l’Éducation, c’est de structurer le savoir, d’être capable de rajouter de l’humain; et l’humain, c’est le professeur. Nous devons cultiver avec volontarisme la place centrale du professeur, qui est le principal antidote aux périls qui menacent les jeunes. La famille et les professeurs sont co-éducateurs des enfants et des jeunes.«
Lors du G7 de juillet 2019, trois grandes priorités pour l’éducation ont été réaffirmées : l’égalité, la formation des professeurs et la formation professionnelle. Il faut aussi cultiver les contacts et les liens avec la nature pour préserver la planète. Nous devons avoir une vision qui inclut le Développement Durable. Nous plaidons pour une société dé-carbonnée avec deux piliers : l’éducation et la santé. Nous devons rendre les jeunes acteurs de ces enjeux : en matière de biodiversité et dans la lutte contre le changement climatique.
Nous devons tenir un discours volontariste en faveur de l’éducation. Il faut consacrer un plus grand pourcentage du PIB à l’Éducation, et aussi accorder une meilleure rémunération aux professeurs. Nous plaiderons avec l’UNESCO dans ce sens. Nous devons rendre tout le monde acteurs des enjeux du savoir et aussi de l’environnement. En France nous comptons 12 000 implantations scolaires et 12 millions d’élèves. Si nous rendons tout le monde acteurs, nous disposerons d’un pouvoir certain ! M. Blanquer a terminé son intervention en remerciant tous ceux qui donnent sens à tout cela et qui concerne l’humanité.
M. Ibrahima Guimba-Saïdou, Ministre du Niger est intervenu ensuite sur l’éducation comme pierre angulaire du développement.
En ce qui concerne le Niger, qui est le pays le plus jeune du monde, c’est le seul pays d’Afrique où la capitale ne compte que 6% de la population. Il y a là une opportunité formidable d’utiliser la technologie pour qu’elle se démocratise. Malheureusement, depuis l’indépendance en 1960, du fait de n’avoir pas pu mettre les ressources suffisantes dans l’éducation, les classes sont surpeuplées (avec parfois 100 élèves) et l’enseignement est de mauvaise qualité. Il a été décidé d’utiliser la technologie comme levier d’accès à la connaissance, pour désenclaver et apporter une offre de services. Pour transformer la société et les communautés, la mobilisation des jeunes s’effectuera grâce à l’identification de projets. Une start-up a ainsi développé une application qui permet de démocratiser l’accès au numérique. Enseigner avec les technologies, c’est avant tout enseigner, car ce qui est plus important que le numérique, c’est la matière qui est enseignée.
Pourquoi innover ? Innover pour améliorer la qualité de nos enseignements, pour changer de pratiques, pour apprendre différemment (où et quand je veux), pour communiquer avec le monde, pour s’entraider et mieux réussir, innover pour la paix.
« Le Niger est une espèce de laboratoire à ciel ouvert. Les solutions qui sont développées au Niger seront utiles à toute la planète. »
« Apprendre pour les populations »
« L’éducation pour développer les talents des individus tout en renforçant leur capacité à contribuer à la société ».
Deux intervenants : Mme. Ange Ansour, Co-fondatrice et directrice des « Savanturiers – Ecole de la Recherche », institut fondé en 2013 par le CRI – Centre de Recherche et d’Interdisciplinarité et par François Taddei, et M. Flavio Bassi, Vice-Président d’Ashoka Amérique Latine et Directeur des Ecoles « Acteurs de changement ».
Le projet éducatif des « Savanturiers » mobilise et fédère des communautés éducatives et scientifiques qui co-créent et innovent au service de l’École. Les programmes permettent à tout enseignant de la maternelle au lycée, partout dans le monde grâce à des MOOCs et des plateformes numériques, d’explorer divers champs d’investigation scientifique avec ses élèves : vivant, numérique et technologies, santé, sciences humaines et sociales, urbanisme, climatologie. Tout au long du projet les élèves suivent une procédure de recherche authentique qui s’inspire de l’éthique et de la démarche scientifique.
Du 6 au 9 juillet, les « Savanturiers » conduiront leur Université d’été sur le thème : « L’École au défi de l’Anthropocène ».
Ashoka est une association qui construit et anime une communauté d’innovateurs sociaux de tous les secteurs. Collectivement, ils encouragent l’émergence d’un monde dans lequel chaque individu et organisation devient acteur du changement et joue un rôle dans la résolution des plus grands enjeux sociétaux.
Flavio Bassi a établi et codirigé des partenariats stratégiques entre gouvernements, établissements scolaires, maisons d’édition, syndicats d’éducation et organes de presse au Brésil dans le but d’inspirer et de permettre aux jeunes de devenir des acteurs du changement.
Face au paradoxe suivant : « Comment pouvons-nous nous épanouir dans un monde caractérisé par toujours plus d’incertitudes ? », on doit permettre à tous de se réaliser. Chacun a la capacité d’agir est d’être acteur du changement. Nous devons éviter de nous conformer aux dernières tendances et de nous en satisfaire. Le jeune enfant qui acquiert une compétence est joyeux. En effet nous acquérons une liberté quand nous apprenons quelque chose de nouveau. Tiré de ses diverses expériences, Flavio Bassi conclut par un constat : « les gens sont enthousiastes et souhaitent être acteurs du changement ».
« Apprendre pour la planète »
« L’éducation pour développer les compétences et les valeurs pour commencer à inverser les pratiques non durables et vivre en plus grande harmonie avec le monde naturel ».
Deux intervenants : M. Masahisa Sato, Professeur de la Faculté des études environnementales, Université de Tokyo, et Mme Chandrika Bahadur, Présidente Réseau des solutions pour le Développement Durable
M. Sato a présenté une analyse théorique des objectifs de développement durable. Il se référait à l’expérience des Nations-Unies pendant la Décennie de l’Education pour le Développement Durable 2005 – 2014 (DEDD) et aux ODD 2030. Rappelons qu’en réponse à la grave situation mondiale de pauvreté, de violence, d’inégalité et d’épuisement des ressources naturelles, les Nations unies ont lancé la Décennie 2005-2014 comme les ODD avec l’objectif d’intégrer les principes, les valeurs et les pratiques qui constituent le développement durable dans tous les aspects de l’éducation et de l’apprentissage, dans le but de promouvoir les changements de comportement nécessaires pour préserver l’intégrité de l’environnement et la viabilité économique. « L’éducation ne suffira pas à elle seule à assurer un avenir durable, mais cet objectif ne pourra jamais être atteint sans l’éducation et l’apprentissage au service du développement durable ».
« Le monde s’est aujourd’hui grandement transformé : grande accélération, globalisation. Il faut apprendre à se transformer soi-même pour transformer la société ».
Mme Bahadur se référait à l’action menée par l’Académie Solutions pour le Développement Durable (SDG) qui crée et organise gratuitement des cours et du matériel pédagogique en ligne sur le développement durable et les objectifs de développement durable. Elle insiste sur le fait qu’aujourd’hui les jeunes prennent la parole, sur les défis posés aux enseignants, la nécessité d’un apprentissage interdisciplinaire, les champs d’apprentissage qui évoluent, il y a de nouveaux domaines, l’apprentissage ne peut plus être traditionnel, il y ce qui s’apprend dans la classe et hors de la classe.
« Apprendre pour la prospérité »
« L’éducation pour améliorer l’accès à un travail décent, augmenter les revenus des plus pauvres et inverser la montée des inégalités ».
Deux intervenantes : Mme Karen Kelly, Responsables des partenariats régionaux de Laboratoria à Mexico et Mme Ekaterina Loshkareva, Membre du CA de WorldSkills Intl, développement Stratégique.
Laboratoria : « un talent qui transforme ». Entreprise « high tech », Laboratoria a pour objectif de développer les compétences numériques dont les jeunes femmes d’Amérique latine ont besoin pour s’épanouir dans les technologies.
Les « jeunes talents » de l’Amérique latine ne sont pas correctement formés pour les emplois d’aujourd’hui. Avec ou sans diplôme, la plupart des jeunes entrent dans l’inactivité ou les emplois informels, et les femmes sont les plus touchées.
30 millions de jeunes en Amérique latine sont des NEET (not in education, employment or training – non scolarisés, non employés ou non formés) et 76 % d’entre eux sont des femmes. Plus des 2/3 de nos jeunes sont considérés comme peu qualifiés (sans collège, université ou haute école technique). Étudier ne garantit pas un avenir brillant. Moins de 20 % des femmes de la région passent des études à un emploi formel. La plupart des entreprises d’Amérique latine ne trouvent pas la main-d’œuvre ayant les compétences requises. Cela devient encore plus difficile pour les entreprises en pleine transformation numérique.
WorldSkills : « la plaque tournante mondiale de l’excellence et du développement des compétences ». Ce Réseau international, a pour mission de « rehausser le profil et la reconnaissance des personnes qualifiées, et de montrer l’importance des compétences pour la croissance économique et la réussite personnelle ». Parmi ses principaux objectifs on peut citer :
- Promouvoir l’échange entre les jeunes professionnels de différentes régions du monde ;
- L’échange de compétences, d’expériences et d’innovations technologiques ;
- Sensibiliser les gouvernements, les établissements d’enseignement et les entreprises à l’importance de la formation professionnelle ;
- Sensibiliser les jeunes et ceux qui les influencent aux possibilités offertes par les professions qualifiées.
« Apprendre pour la paix »
« L’éducation pour promouvoir les droits de l’homme et contribuer à la réconciliation, à la compréhension mutuelles et à la cohésion sociale ».
Trois intervenants : Mme Jane Kinney Meyers, Fondatrice et présidente, Lubuto Library Partners, M. Guy Etienne, Fondateur, Collège Catts Pressoir à Haïti, M. Camillo Younes, Vice-Recteur et professeur, Universidad Nacional de Colombia.
Lubuto Library Partners – Zambie : « des bibliothèques publiques et d’apprentissage pour la paix ». Un pays avec le plus haut taux de mariage d’enfants en Afrique. Le programme propose une formation en compétences techniques de base ou évoluées, et au développement de la confiance en soi.
Collège Catts Pressoir – Haïti : « développer une culture de réussite collective ». Les écoles ouvrent sur le futur : initiation à la robotique, à la programmation et à la réalisation avec humanoïde. Elles doivent apprendre à développer les richesses collectives, à collaborer dans les projets, à être porteur d’une culture de réussite collective, de vision collective.
Ville de Manizales – Colombie : « Paix et éducation pour le développement durable », ville du réseau des « Villes Apprenantes – Learning Cities ».
Perception des jeunes sur leur éducation et leur avenir – Un baromètre mondial – Publication de l’enquête conduite par IPSOS pour la Fondation qatari WISE.
Résultats d’une vaste enquête conduite fin 2019 par IPSOS pour WISE, dans 20 pays à travers le monde et auprès de 9 500 jeunes de 16 à 25 ans.
Trois grandes tendances ressortent de l’enquête :
- Les jeunes pensent que leur génération a la responsabilité d’améliorer la planète, mais seulement la moitié d’entre eux se sentent prêts à améliorer le monde qui les entoure. Ils ne s’attendent pas nécessairement à ce que l’école fasse d’eux des citoyens plus actifs et plus équilibrés, mais plutôt à ce qu’ils soient prêts pour l’avenir sur le plan personnel.
- Les jeunes apprécient l’éducation et expriment une satisfaction générale à l’égard de l’éducation qu’ils ont reçue. Ils font confiance au système éducatif et à leurs enseignants pour leur fournir des compétences et des connaissances utiles. Toutefois, ils attendent également une plus grande diversité dans leurs expériences d’apprentissage et ils aimeraient que l’enseignement fasse une place aux nouvelles technologies et à la créativité, à la curiosité et à la collaboration.
- Selon les jeunes, l’un des principaux domaines à améliorer dans les écoles est la nécessité d’une égalité des chances pour tous, en particulier entre les garçons et les filles.
Lancement de l’initiative LEARNING PLANET
Intervenants : M. François Taddei, Directeur du CRI (Centre de recherches interdisciplinaires).
La Journée internationale de l’éducation était l’occasion du lancement de LEARNING PLANET et de donner les lignes de force de l’initiative qui se structurent autour :
- De communautés apprenantes agissant à l’échelle locale (écoles, universités, tiers-lieux, entrepreneurs sociaux, villes apprenantes…) et disposées à unir leurs forces pour avoir davantage d’impact ;
- D’un ensemble de plateformes et d’outils digitaux donnant accès aux meilleures ressources éducatives et facilitant cette nécessaire collaboration entre acteurs de terrains, institutions, chercheurs… ;
- De grands événements – le #LEARNINGPLANET Festival bien sûr et d’autres grands rendez-vous internationaux – pour fédérer l’ensemble des forces vives (étudiants, éducateurs, citoyens, communautés…) et partager une culture de l’espoir et de l’engagement.
Mot de conclusion de la journée de Mme Giannini
Trois objectifs doivent demeurer présents et associés : connaissance, prise de conscience, engagement. Un engagement pas seulement pour la planète mais pour toute l’humanité. Pour l’engagement il n’est pas nécessaire d’avoir toute la réponse. L’engagement doit se prendre au niveau individuel, de la société civile, des organismes nationaux et internationaux.
Le changement de vision dans l’éducation : un défi pour les éducateurs, pour tous les acteurs. La réussite ne peut pas être individuelle mais collective. Reconnaître le potentiel des étudiants.
Qu’est-ce que je veux apprendre ? Comment débloquer le système ? Comment réussir à convaincre les pays que les fonds versés pour l’éducation n’est pas « de l’argent perdu »
Prêts à agir ? Partageons nos idées : le message de « LearningPlannet ». Sans l’éducation nous ne parviendrons à rien.