De ces trois journées d’échanges, on aura retenu tout particulièrement trois points :

– Appel aux États pour mieux et plus s’impliquer dans la communication de leurs rapports périodiques sur les politiques menées en faveur de la « diversité » des expressions culturelles.
– Invitation à produire au niveau national des feuilles de routes concernant le recours au numérique pour la mise en œuvre de la Convention 2005 sur la diversité culturelle.
– Souhait exprimé d’une plus large coopération avec la société civile.

On rappelle que « La Conférence des Parties », organe décisionnaire plénier de la Convention de 2005 sur la diversité culturelle, se réunit tous les deux ans. Cette Conférence, qui associe toutes les Parties signataires, est appelée à prendre des décisions administratives, opérationnelles et stratégiques importantes.

Les travaux de la session de cette année se sont déroulés sous la présidence de Monsieur M. Abdoul Karim Sango, ministre de la Culture, des Arts et du Tourisme du Burkina Faso.


En dehors des sujets régulièrement traités, approbation du compte-rendu détaillé de la session antérieure de la Conférence des Parties (la 6e, juin 2017), présentation des rapports d’activité du Comité et du Secrétariat, ont été adoptées de nouvelles résolutions.

Points importants traités lors des échanges : le Fonds international pour la diversité culturelle (FIDC), les rapports quadriennaux (QPR), les directives opérationnelles concernant l’article 9 «Partage de l’information et transparence», les directives opérationnelles destinées à promouvoir la diversité des expressions culturelles dans l’environnement numérique, les activités futures du Comité.
Sur ce dernier point, on aura noté la demande adressée par la Conférence des Parties au Conseil intergouvernemental pour que l’on prête une plus grande attention aux expressions venant de la société civile.

Le rapport sur la mise en œuvre du Fonds international pour la diversité culturelle (FIDC)

Présenté par le Secrétariat pour la période 2017-2019, il donne une vue d’ensemble sur l’utilisation de ce fonds.

Ainsi, dans le cadre des deux derniers cycles de financement (2017 et 2018), 15 projets ont été approuvés par le Comité intergouvernemental. Depuis 2010, 105 projets ont été financés dans 54 pays en développement et dans des pays les moins avancés, pour un montant total de plus de 7 millions de dollars.

Ces projets financés couvrent différentes disciplines des industries culturelles et créatives. La majorité d’entre eux sont liés à la musique (22 %), viennent ensuite le cinéma (20 %), les arts de la scène (19 %), les arts visuels (13 %), les livres et édition (13 %), le design (9 %) et arts numériques (4 %).
Ces financements ont permis la formation de 10 121 personnes dont 22 % viennent de la société civile, 12 % du secteur public, mais l’essentiel des bénéficiaires (66 %) sont des artistes, ou des opérateurs culturels. Les formations ont porté notamment sur l’élaboration de stratégies et de politiques culturelles, sur la participation de la société civile à la gouvernance, sur la gestion de projets et le marketing.

Le nombre de demandes de financement, passé de 227 en 2017 à 273 en 2018, est important par rapport à celui des demandes finalement approuvées (7 en 2017 et 8 en 2018), lesquelles sont tributaires des contributions volontaires des États.

Presque la moitié du nombre des Parties contribuent au FIDC, mais la plupart des contributions sont irrégulières. C’est pourquoi, dans la Résolution 7.CP 9, la Conférence des Parties « Encourage les Parties à soutenir le FIDC en versant des contributions volontaires régulières équivalant à au moins 1 % de leur contribution totale au budget régulier de l’UNESCO et demande au Secrétariat d’envoyer une lettre officielle d’appel sur une base annuelle ».


Si toutes les Parties à la Convention se conformaient aux termes de cette résolution, plus de 2 millions de dollars seraient rendus disponibles pour le financement de deux fois plus de projets qu’actuellement.


Les thématiques de ces projets, sur la période 2010-2019, ont porté sur la jeunesse pour 3 650 463 dollars, l’ « Afrique » (3 070 792), l’« égalité des genres » (2 603 975), « petits états insulaires en développement » (723 286).
Dans la même résolution 7.CP 9, la Conférence des Parties demande au Comité de réviser, si nécessaire, les «Orientations sur l’utilisation des ressources du Fonds international pour la diversité culturelle » (article 18 de la Convention) et d’en soumettre les résultats à la Conférence des Parties lors de sa huitième session.

Les rapports périodiques quadriennaux

Un autre sujet de discussion présent sur tous les agendas des réunions de travail des organes directeurs de la Convention de 2005 représente les rapports périodiques quadriennaux qui, à certains égards, posent problème.

En effet, les Parties sont censées donner des informations, dans leurs rapports périodiques, une fois tous les quatre ans, sur la mise en œuvre de la Convention de 2005 dans leur pays, au niveau des politiques culturelles menées, mais ces restitutions sont souvent données avec retard ou même ne sont pas transmises, à cause, surtout, d’un manque d’expertise. Le tableau suivant donne un aperçu de la situation par exemple, par groupe géographique UNESCO, du nombre de rapports périodiques attendus et reçus par le Comité à ses onzième et douzième session.

Groupe électoral AttendusReçus
Groupe I (Europe de l’Ouest)21
Groupe II (Europe de l’Est)54
Groupe III (Amérique Latine et Caraïbes)133
Groupe IV (Asie et Pacifique)31
Groupe V(a) (Afrique)50
Groupe V(b)
(États Arabes)
32
Total3111

Moins de la moitié des rapports attendus ont été donc reçus depuis la dernière session de la Conférence des Parties, en 2017.
Pour 2019-2020, 114 rapports quadriennaux sont attendus ainsi que les 20 rapports des pays retardataires sur 2017-2018.
On rappelle que le nombre total est de 146 Parties (états signataires de la Convention de 2005 plus l’Union Européenne).

La Résolution 7.CP 11 qui a été adoptée, avec des recommandations plus générales concernant notamment le sujet toujours délicat de la politisation, évoque avec une certaine insistance ce lancinant problème des rapports périodiques :


« Invite les Parties à mettre en œuvre la Résolution 87 adoptée par la Conférence générale à sa 39ème session, faisant siennes les recommandations du groupe de travail à composition non limitée sur la gouvernance, les procédures et les méthodes de travail des organes directeurs de l’UNESCO, y compris la Recommandation 60 sur la nécessité de limiter et de maîtriser la politisation des nominations et des décisions, et à appliquer cette recommandation aux rapports périodiques quadriennaux qui devraient être rédigés dans un langage conforme à la Charte des Nations Unies et la Convention de 2005. »

Par ailleurs, plusieurs autres mentions concernant les rapports visent à améliorer la situation, ainsi la recommandation :

Au point 9 :
« Encourage les Parties à entreprendre des consultations multipartites lors de l’élaboration de leur rapport, en y associant divers ministères, des pouvoirs publics régionaux et locaux, et plus particulièrement, des organisations de la société civile »

Et au point 11 :
« Encourage les Parties à fournir des ressources extrabudgétaires pour élargir le programme de renforcement des capacités en matière de préparation des rapports périodiques et de suivi participatif des politiques, pour poursuivre la mise en œuvre du Système de gestion des connaissances et pour publier les futures éditions du Rapport mondial, notamment la quatrième édition en 2025. »

Partage de l’information et transparence

En lien, toujours, avec les rapports périodiques, la Conférence des Parties a approuvé, par la Résolution 7.CP 12, les directives opérationnelles révisées relatives à l’article 9 « Partage de l’information et transparence » et le Cadre des rapports périodiques quadriennaux annexés à cette Résolution.

Il s’agit d’assurer plus de transparence dans le processus de transmission des rapports quadriennaux, de rendre plus claires les informations concernant la mise en œuvre de la Convention au travers des politiques culturelles et de mieux les partager entre les Parties, au niveau national. Le formulaire des rapports périodiques (pour le cycle de rapports 2020-2023) est également amélioré, ce formulaire étant divisé en cinq sections : informations générales ; politiques et mesures ; résultats et défis ; société civile ; annexes.

Les enjeux numériques et leur impact sur la promotion de la diversité des expressions culturelles

Les enjeux numériques et leur impact sur la promotion de la diversité des expressions culturelles constituent une priorité pour le Secrétariat de la Convention depuis la Conférence des Parties de juin 2015.

A la 6e session de la Conférence des Parties de juin 2017 un projet de directives opérationnelles sur la mise en œuvre de la Convention dans l’environnement numérique avait été présenté, ainsi qu’une feuille de route pour la mise en œuvre de ces directives. Le modèle de feuille de route a été examiné lors de la douzième session du Comité intergouvernemental de décembre 2018.

Lors de la présente session, la Conférence des Parties a approuvé, dans la Résolution 7.CP 13, au point 3, « la feuille de route ouverte sur la mise en œuvre des directives opérationnelles destinées à promouvoir la diversité des expressions culturelles dans l’environnement numérique figurant à l’Annexe I du Document DCE/19/7.CP/13 et annexée à la présente Résolution et prend note des exemples de bonnes pratiques figurant dans l’Annexe II de ce même document » 

Au point 4 sur un plan plus opérationnel, il a été demandé au Secrétariat :

« de poursuivre la collecte d’exemples de bonnes pratiques mises en œuvre par les Parties dans l’environnement numérique et de prendre des initiatives d’apprentissage par les pairs, d’échange d’information et de plaidoyer, en particulier auprès des décideurs politiques des pays en développement, afin de soutenir les Parties dans la mise en œuvre de la Convention dans l’environnement numérique, si des contributions volontaires étaient identifiées. »

Et, au point 5 pour rendre plus précis les engagements des États, la recommandation :

« Invite les Parties à élaborer une feuille de route nationale qui leur permettra de mettre en œuvre la Convention dans l’environnement numérique selon leurs besoins et leurs ressources disponibles et à la partager avec le Secrétariat. »

Cette feuille de route est conçue afin d’éclairer les Parties dans la mise en œuvre de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles dans l’environnement numérique.

Les activités futures du Comité

En ce qui concerne les activités futures du Comité, la Conférence des Parties a adopté la Résolution 7.CP 14 qui charge le Comité avec la tâche de mettre en oeuvre un renforcement des capacités pour le suivi des politiques liées à la diversité culturelle, une nouvelle stratégie de communication et de collecte de fonds pour le FIDC, un renforcement des capacités pour le traitement préférentiel dans les relations commerciales et la mobilité; du suivi des politiques pour démontrer la pertinence de la Convention pour les objectifs du développement durable, du suivi des politiques liées à la Recommandation relative à la condition de l’artiste (1980), ainsi qu’à l’égalité des genres.

La Conférence des Parties, dans cette résolution, invite le Comité à encourager et soutenir la participation de la société civile aux travaux des organes directeurs de la Convention, ainsi qu’à mener des activités de sensibilisation et de mobilisation des parties prenantes pour faire connaître la Convention.

Pendant cette session 2019 de la Conférence des Parties (COP), le Secrétariat de la Convention, en collaboration avec la société civile, a organisé le deuxième Forum de la société civile, pendant lequel les ONG présentes aux travaux de la COP ont pu se réunir, parler de leurs actions et exprimer leurs préoccupations. Comme une remarque d’ensemble, on aura relevé que les ONG de l’Europe de l’Ouest et de l’Amérique du Nord étaient plus soucieuses des problèmes liés au commerce des biens culturels, à l’exception culturelle, au droits des artistes et des professionnels de la culture, tandis que les ONG d’Asie, d’Afrique, de l’ Europe de l’Est ou de l’Amérique du Sud ont surtout exprimé leurs préoccupations concernant l’inexistence ou la fragilité des politiques en matière de diversité culturelle, la mobilité des biens, des artistes ou des professionnels et la liberté d’expression artistique.

Un deuxième rapport d’activité des ONG a également été présenté.

L’ouverture de la COP à l’idée d’une meilleure coopération des pouvoirs publics avec la société civile en matière de diversité culturelle est à saluer.