L’Association des anciens fonctionnaires de l’Unesco poursuit ses rencontres, et cette fois ci, imitant en cela ce que fait désormais l’Unesco sur une grande échelle, elle nous livre sous forme uniquement numérique une très intéressante discussion sur la façon dont l’institution est maintenant très engagée dans le passage au numérique de ses activités »

On propose ici de s’en tenir à l’intervention de M John Crowley, figure très connue de l’Unesco dont il a été collaborateur de 2002 à 2021 comme responsable de la section Etude et Prospective du secteur SHS ( Sciences Humaine et Sociale) et du programme MOST (Monitoring of Social Transformation)

John Crowley

Fort de son expérience et toujours avec le même talent, M Crowley a livré son analyse des réformes dont il a été témoin à l’Unesco en se concentrant sur la dimension du numérique avec des considérations intéressantes sur les effets que peuvent produire les grandes transformations, en général mais aussi en particulier, lorsqu’elles touchent de grandes institutions internationales.

Une grande Transformation maintenant bien engagée ; bref rappel historique

Le passage au numérique est à inscrire dans le cadre de la grande transformation engagée maintenant depuis plusieurs années.

Le « covid » comme partout ailleurs a évidemment contribué à cette grande transformation prenant appui sur de nouvelles pratiques et de nouveaux outils informatiques mais il n’en a pas été le déclencheur ; il aura été un accélérateur ou plus exactement un révélateur d’un processus amorcé plusieurs années auparavant après la publication d’un rapport d’audit « cinglant » en 2002.

Jusqu’alors, au début des années 2000, les tentatives de réforme avaient échoué à cause d’un certain conformisme et de la résistance des grands Etats peu désireux d’ouvrir l’organisation par le biais des technologies du numérique.

En 2020, au moment du premier confinement, il y avait donc un terrain favorable pour aller plus loin, et sous l’empire de la nécessité, l’ensemble de l’institution a ainsi pu se mobiliser efficacement lorsque, la pandémie s’amplifiant, les exigences sanitaires ont imposé de nouveaux modes de fonctionnement.

Les difficultés, les apports

Comme partout ailleurs, il y a eu certaines résistances ou réticences, notamment au sein du personnel plus âgé ; l’abandon du « papier » ou sa moindre utilisation ont été sujets à discussion, les difficultés d’adaptation aux nouveaux outils ou aux nouvelles pratiques n’ont pas manqué.

Les circonstances exceptionnelles dans lesquelles l’Unesco a dû assurer la continuité de son fonctionnement avec recours accru au numérique ont néanmoins permis opportunément certaines améliorations organisationnelles : simplification des procédures pour l’organisation souvent par trop règlementée des réunions (notamment les réunions du Conseil exécutif), et « conversion au travail en ligne » de tous les Etats membres, surmontant ainsi les réticences que certains Etats pouvaient encore avoir. Cela dit, John Crowley a insisté pour dire que tout n’est pas appelé à se traiter à distance. Il y a bien entendu toujours une place pour les réunions « sur site ».

Si l’élargissement des possibilités d’accès aux réunions à distance a révélé d’incontestables avantages, et notamment celui d’ouvrir les discussions à un plus grand nombre (plus d’inclusion sous diverses formes des petits Etats ou de nouveaux acteurs), on se doit de reconnaitre aussi que pour certains sujets, comme en particulier « l’innovation », rien ne remplace « le face à face » ou « le tous ensemble » en présentiel. Il est clair aussi que l’humain ne pourra jamais être parfaitement répliqué ou transposé. C’est donc une organisation sur un mode hybride qui devrait prévaloir. John Crowley parle ici de l’irremplaçable valeur du « langage des corps ».

Autre idée avancée avec une grande force de conviction : la question des habitudes, particulièrement présente dans toute organisation bureaucratique. L’irruption du numérique amène forcément à s’interroger sur les façons de travailler, et bien souvent à remettre en cause certaines pratiques. L’important ici est de faire preuve de discernement, et pouvoir distinguer les mauvaises habitudes auxquelles le numérique peut mettre fin : c’est la pensée aristotélicienne sur la vie bonne qu’il faut savoir appliquer à bon escient.

A propos des réserves exprimées quant à l’utilisation des nouvelles technologies de l’information, il en est une particulièrement justifiée pour une grande institution internationale comme l’Unesco, à savoir tout ce qui a trait aux réseaux sociaux qui peuvent être sources de déconvenues ou détournements malencontreux : ce sujet justifie une vigilance toute particulière compte tenu des risques géopolitiques qu’il comporte.

Deux dernières observations intéressantes à noter, plutôt d’ordre technique mais en rapport aussi avec la connaissance des usages : 1/Zoom doit être bien utilisée, avec toutes ses fonctionnalités 2/(plus généralement) les outils de travail collaboratif restent encore sous employés.

Conclusion

Une vraie transformation s’est opérée

Un retour au statu quo parait exclu

S’il y a eu de réelles avancées, « il y a encore à faire » comme par exemple repenser ou discipliner les usages vidéo, ou l’utilisation de la téléphonie traditionnelle.La marche vers plus de numérique va se poursuivre, il faut veiller à prôner des modèles bien équilibrés en trouvant de bons dosages et en évitant un « trop plein de modération » qui pourrait entraver de légitimes améliorations.