Comme cela avait été convenu entre le CCIC et les EDC Île de France, le Professeur Jean Caron, normalien agrégé de philosophie est venu le 21/06/2016, au 67 rue de Sèvres, illustrer le thème : « L’altérité homme/femme chez les entrepreneurs et chez les dirigeants : une bonne nouvelle ?! »

Ses propos prenaient sens par rapport aux deux chantiers initiés dans les deux mouvements, pour deux célébrations distinctes en mars 2017, et devaient contribuer à une réflexion, sur hommes et femmes en reconnaissance mutuelle au service d’un plus grand bien.

En analysant la question posée, 3 axes de réflexion émergent :

– une problématique de gouvernance vue à travers l’expérience d’un professeur de classes préparatoires dédiées,
– les réponses apportées sont elles une bonne nouvelle pour les chrétiens ?
– l’anthropologie humaine basée sur « homme et femme Il le créa » c’est-à-dire « être relationnel »invite à penser une parité qui mérite d’être dite dans un contexte nouveau.

I ) Dans les classes préparatoires, un recul de 25 ans d’enseignement, permet de dire que les jeunes filles sont de plus en plus nombreuses à réussir dans la filière « management ». Elles ont à la fois l’aspiration et les qualités pour le faire. Les garçons acceptent cette situation et le temps d’études vécu ensemble les enrichit mutuellement et se déroule sans heurts. Pour autant la réalité homme/femme se vit toujours au singulier.

Au début de la vie professionnelle des uns et des autres les choses changent, surtout si des relations se nouent menant à la naissance d’enfants. Les vieux stéréotypes ont tendance à reprendre le dessus. L’arrivée des premiers enfants est souvent vécue comme un blocage dans la carrière de leur mère. Elle valorise sa qualité de vie au travail et sa vie personnelle, ne cherchant pas à crever le plafond de verre, qui la sépare des hautes sphères de gouvernance, alors qu’elle en a les capacités. Les garçons eux font la course au statut, au salaire, au prestige et décrochent pour la moitié d’entre eux leur premier poste à l’étranger.

Ces constats provoquent l’étonnement :

  • Il se vit une belle altérité pendant les études tandis que les modèles changent moins vite dans la vie active. Les hommes aspirent cependant à un univers plus différencié, plus mixé et les femmes souhaitent y déployer tous leurs talents.

  • L’évolution dans l’organisation des entreprises (en droit et en pratique) affiche un désir de « plus de femmes » pour des raisons d’efficacité : là où les femmes dirigent il y a moins de blocages. Ces dernières s’investissent assez naturellement dans le prendre soin, la mise en relation (le care) alors que ce domaine est moins bien évalué dans les catégories sociales, avec tous les inconvénients qui en découlent (niveau de salaire entre autre). L’articulation entre les différents types de compétences devrait être favorisée dans les entreprises.

II) Quelle réactions des chrétiens face à ces constats ? S’agit il d’une bonne nouvelle ?

Il faut se souvenir qu’en son temps le Christ a eu des relations très fortes avec des femmes, peu considérées en général dans la culture de l’époque. Il a été attentif au charisme féminin, cet apport spécifique a marqué le christianisme. Par le passé, des femmes ont apporté une contribution non négligeable à l’évangélisation: fondation de monastères, de missions, de lieux d’éducation, de soins… Le christianisme a été libérateur d’énergies féminines et a introduit l’égalité dans le jeu des différenciations.

Dans un contexte actuel d’évangélisation, le « talent » des femmes, leur charisme est il reconnu ? Se sentent elles épaulées ? Les africaines répondraient par l’affirmative sans hésiter, mais dans notre monde occidental, qu’en est il ?

III) Qu’a à nous dire l’anthropologie ?

Son enjeu est important puisqu’il s’agit de la conception fondamentale de l’être humain. Elle cherche à « unifier en chacun le corps et l’esprit », la seule différenciation culturelle de base étant d’être homme ou femme.

  • Si nous nous plaçons dans une vision individualiste, l’affirmation de l’égalité des individus conduirait à l’indifférenciation entre eux.

  • Dans une vision communautariste la différence homme/femme complémentaires, ne pourrait être pensée que comme inégalitaire.

  • Dans une vision naturaliste les pôles seraient pensés une fois pour toutes, alors que la réalité est plus complexe.

Il nous faut penser une anthropologie qui délivre de l’indifférenciation totale, comme de la complémentarité, puisqu’elle aboutit à une hiérarchisation.

La différence homme/femme est irréductible et chaque personne est une réalité unique, chaque réalité étant différente. L’unicité de la personne n’est pas indépendante de ses multiples identités qui l’engagent dans sa lignée, sa langue, sa culture, sa santé… Le « gender » a en partie raison en parlant d’identités construites, mais il ne tient pas compte du fait que ces identités sont secondes et variables dans le temps.

Malgré cette diversité irréductible d’individus et cette diversité d’appartenances, « l’essence humaine » qui nous caractérise est la même, que l’on soit homme ou femme. Nous recevons notre nature et ne l’accaparons pas. Un être ne saurait se réduire à son corps complexe. Il y a un manque en chacun de nous, qui à lui seul ne peut pas être « l’Être Humain ». Ce manque, qui introduit un désir d’altérité en chacun, est aussi la promesse d’une rencontre possible, d’une co – humanité pour exister. Ne pas vouloir ou pouvoir le reconnaître, alimente chez certains de nos contemporains un désir jamais satisfait d’autosuffisance, de toute puissance.

Cependant il ne faut pas hypertrophier la différence. Masculin et féminin ne peuvent se découvrir qu’en se rencontrant, dans la famille en tout premier lieu et en travaillant ensemble. Nous sommes dans « l’espérance de la fécondité » dans la rencontre du JE et du TU.

L’homme occidental contemporain « crève » car il a construit une « anthropologie de la solitude, autonome, solitaire, affirmation arrogante de soi même » et non une anthropologie de la solidarité.

Nous avons à être témoins de la relation féconde et heureuse du masculin et du féminin. Nos adolescents ont envie de vivre la complémentarité des dons, qu’ils découvrent dans la famille. Il nous faut changer nos manières d’être, car la fracture que nous portons en nous nous oblige tous à entrer en communion. Telle est la conclusion à laquelle nous avons été brillamment menés, avant de passer à l’exercice questions/réponses.

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Françoise Meauzé.