Le Secteur des Sciences sociales et humaines de l’UNESCO, le 20 septembre 2022 en visio-conférence, lançait le «Cadre de l’UNESCO pour Favoriser le Dialogue Interculturel» ainsi que le rapport mondial qui l’accompagne: « Parlons-en : Mesurer le dialogue interculturel pour la paix et l’inclusion ».
Au cours d’une table ronde ministérielle et d’un panel d’experts, a été illustré le lien entre le dialogue interculturel et la consolidation de la paix, le développement et la sécurité.
L’outil de travail de base est « Mesurer le dialogue interculturel », un cadre conceptuel et technique publié en 2020 par l’Institut pour l’Economie et la Paix. (Document de 43 pages.)
Gabriela Ramos, assistante de la Directrice Générale, pour les Sciences Humaines et Sociales à l’UNESCO introduit et mène le débat dans sa première partie.
G.Ramos constate que cet outil de travail et de communication n’est pas suffisamment employé pour concourir à une société plus pacifique.
Nous sommes plus divisés que jamais, les discriminations augmentent : discriminations contre les asiatiques aux USA, haines contre les musulmans, haines de genre.
L’essentiel : chercher à développer l’utilisation de l’outil de travail pour le Dialogue Interculturel (DI) dans les pays. Certaines interventions ou actions ne sont pas très coûteuses, donc tout le monde peut promouvoir le DI, et par là même la paix.
David Hammond, directeur de recherche à l’IEP, l’Institut pour l’Economie et la Paix :
L’environnement économique, social, l’indice de développement sont des porteurs efficaces du dialogue interculturel, il est important d’en identifier la valeur. La violence s’exprime dans les pays à niveau faible de dialogue interculturel, niveau de pauvreté élevé, et dans les terres d’exil.
Où trouver le DI ? Au niveau macro ou micro, dans le non verbal et le verbal, le virtuel ou le réel, l’individuel ou le groupe. La liberté, la cohésion sociale sont des facteurs influents, ainsi que la culture, l’éthique, l’urbanisme, l’expérience de la paix.
Tous ces domaines se renforcent, sont accessibles aux pays, on peut donc penser que toutes les régions peuvent s’améliorer à condition que tous s’approprient cet objectif du DI. Une première étape est de définir des pilotes dans les pays, pilotes qui analyseront les facteurs à prendre en compte, ainsi que le contexte économique et social.
En Jamaïque, pour répondre au racisme systémique, à l’exploitation des plus vulnérables, aux hostilités sociales, aux violences interethniques, le gouvernement a développé le dialogue interculturel. Chaque culture, qui a construit l’identité du pays, a sa place, et la prospérité doit être partagée au mieux. Le processus de DI doit être revisité régulièrement pour le maintenir à un bon niveau.
En Oman, le représentant exprime qu’ il y a peu ou pas de conflits, le pays reste ancré dans ses traditions et ses valeurs tout en échangeant avec le monde. L’accent est mis sur la promotion des valeurs et des relations humaines.
La question de G. Ramos aborde les tendances peu réjouissantes du monde.
La Ministre de Jamaïque répond que le changement climatique demande une nécessaire adaptation de la justice sociale. D’autre part elle constate dans le monde une radicalisation menant à la violence. La Jamaïque encourage l’esprit national, fierté d’être ensemble malgré les différences ethniques et sociales. Le sport et la culture pour tous favorise la fierté nationale et l’harmonie ; les jeux olympiques en sont un exemple. La musique est un instrument de promotion de l’esprit de solidarité (Bob Marley…)
G.Ramos pose la question de « comment se concentrer sur ce qui rassemble, comment utiliser l’outil ».
En Oman il n’y a pas de conflit dans l’histoire, les valeurs perdurent, elles sont mises en place au niveau éducation et dans l’art, le sport… « nous savons coopérer les uns avec les autres ». Il insiste sur l’apprentissage des langues qui favorise la communication, et ouvre l’esprit vers d’autres.
Deuxième table ronde :
Le sujet du DI est présent au Mali, les communautés ont créé des ponts, Tombouctou est un symbole de développement culturel. Depuis 2012 l’affaiblissement du dialogue interculturel est préoccupant avec la montée de l’extrémisme violent. Le patrimoine est menacé, des contacts de réconciliation s’imposent entre les chefs de villages. La prévention des discours de haine est financée par l’UNESCO.
A la question : comment le DI a transformé les communautés ?
André Gilmour, de Berghof Foundation répond : il ne s’agit pas toujours de culture, en Irak il s’agit du fait religieux, en Palestine de l’appartenance des terres. Il faut plutôt favoriser le dialogue intercommunautaire plutôt que interculturel.
Question du déplacement de population: 90% des déplacés sont originaires de pays à faible développement.
Asako Okal du PNUD : il y a aussi des facteurs d’exclusions qui induisent des déplacements. Plus d’inclusivité des minorités leur permet une meilleure autonomie dans la vie du pays. Le clivage des groupes sociaux réduit les tendances de solidarité.
A la question de la dignité dans les situations de violences, Karabo Mokgonyana d’Afrique du Sud répond en philosophe : « je suis parce que vous êtes » Réflexion fondée sur le respect de tous « je vous vois, je veux vous comprendre, je veux coexister avec vous ».
Pour se faire le dialogue doit être adapté aux diverses communautés et compris par chacun au risque de marginaliser des individus ou des groupes d’individus ce qui diminuerait l’efficacité du DI.
Andrew Gilmour du PNUD constate le renforcement du dialogue pendant l’épidémie Covid, la pandémie semble avoir resserré les communautés.
Il insiste sur la préparation des populations à accepter le réfugiés climatiques à plus ou moins long terme.
Karabo, ambassadrice pur la paix en Afrique du Sud confirme le rôle important des femmes et leur efficacité dans la résolution des problèmes.
Les femmes doivent faire partie des discussions pour éviter un sentiment de frustration. Il est souhaitable de renforcer leur participation aux questions sociales et sociétales, et de parfaire leur capacités.
Une question : le dialogue interculturel peut peut il discuter du changement climatique ?
Le DI ne touche pas tous. Une attention aux exclus de ce dialogue est indispensable, pas seulement dans les communautés mais aussi au niveau individuel car chacun arrive avec sa vie, son passé.
Andrew Gilmour préconise une éducation aux droits de l’homme pour favoriser le dialogue interculturel et intercommunautaire. Les jeunes se sentent concernés par les prises de décisions, c’est pourquoi il faut leur faire envie de venir dans le dialogue.
Prévenir la culture en ligne, qui amène certes de bonnes informations, mais aussi des incitations à la haine ; ne pas nier la notion d’atteinte à la santé mentale.
Le DI doit s’adapter à chaque modèle de contexte, mais surtout il est indispensable de savoir qui est représenté dans la mise en place du DI pour qu’il soit efficace pour tous.