Organisée par l’UNESCO dans le cadre de la 75ème session de l’Assemblée générale des Nations Unie, la réunion du 25 septembre 2020 en mode virtuel sur le thème de « L’éducation pendant la pandémie de Covid-19 et au-delà : la Coalition mondiale pour l’éducation en action », avait pour objectif de présenter, à travers un large panel de pays et d’intervenants, un rapport d’avancement sur les réalisations de la Coalition mondiale pour l’éducation de l’UNESCO et à tirer les enseignements et les expériences des pays et des partenaires. Lancée en mars de cette année par Audrey Azoulay, Directrice générale de l’UNESCO, l’objectif de la Coalition mondiale de l’éducation est d’apporter une aide aux États pour faire face aux défis de la pandémie de la COVID 19 qui a empêché jusqu’à 1,6 milliard d’apprenants dans le monde d’être scolarisés, à assurer aujourd’hui la continuité de l’éducation et une réflexion sur les futurs de l’éducation.

La réunion de l’UNESCO s’inspire du rapport récent du Secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, intitulé « L’éducation pendant la pandémie de Covid-19 et au-delà ». 

Ouverture

Dans son préambule Audrey Azoulay insiste sur le fait reconnu que la crise éducative due à la Covid 19 est un crise profonde, la plus grave depuis 1945.

En avril dernier 1.6 milliard d’apprenants, soit 91% de la population scolaire mondiale était touchée par les fermetures d’écoles. La crise a affecté toutes les catégories d’apprenants mais a touché particulièrement les catégories les plus vulnérables, celles fragilisées par les inégalités de ressources, de genre et d’accès au numérique (dans le monde 43% des familles n’ont pas accès à internet). Maintenant la priorité est d’assurer partout où cela est possible la réouverture des écoles, car les écoles sont plus que des lieux de culture et d’apprentissage, ce sont des lieux où les enfants sont protégés et nourris (pendant le confinement, 370 millions d’enfants ont été privés de repas pris dans leurs écoles), aujourd’hui la moitié des élèves n’ont pas encore retrouvé leurs salle de classe, 24 millions d’élèves pourraient ne pas y retourner.

C’est pourquoi l’UNESCO a développé avec la Banque Mondiale, le Programme Alimentaire Mondial et l’UNICEF un Guide pour la réouverture des écoles et lancé une grande campagne avec en priorité le retour des filles à l’école. C’est dans ce contexte qu’a été mis en place en mars dernier la Coalition mondiale pour l’éducation, une structure agile, opérationnelle et pragmatique qui fédère150 partenaires, notamment du secteur privé. A ce jour elle est intervenue dans 70 pays, elle a touché 400 millions d’apprenants et 13 millions d’enseignants en offrant en particulier gratuitement des contenus éducatifs en ligne. La priorité est également celle d’assurer les nécessaires investissements financiers pour l’éducation. Une Réunion mondiale pour l’éducation (Global Education Meeting 2020) organisée par l’UNESCO et accueillie par la Grande Bretagne se tiendra du 20 au 22 octobre et réunira chefs d’Etats, organismes internationaux et secteur privé pour développer un plan complet pour l’éducation et en assurer un engagement de financement. La Commission internationale pour les futurs de l’éducation à l’horizon 2050 y apportera les retours de son travail depuis son lancement il y a un an.

Prenant ensuite la parole, S.E. Mme Sahle-Work Zewde, Présidente la république d’Ethiopie et Présidente de la Commission internationale pour les futurs de l’éducation, rappelle elle aussi les statistiques mondiales citées par Audrey Azoulay. Elle souligne que la pandémie exacerbe les problèmes éducatifs déjà existants dans les pays en voie de développement suite au manque de ressources et en particulier la fracture numérique (en Afrique seulement 11% des familles possèdent un ordinateur et 18% sont connectés à internet). En Ethiopie 26 millions d’élèves sont déscolarisés, 13 millions de jeunes filles n’étant plus à l’école mais à la maison, le contexte traditionnel les met à risque de mariages forcés. L’apprentissage à distance à la maison est impossible, l’Ethiopie lance donc un plan d’urgence éducatif basé sur une plateforme numérique pour les écoles. Il est nécessaire de sensibiliser toute la population à la continuité pédagogique et essentiel que tous les enfants et en particulier les filles retournent à l’école.

L’éducation doit être repensée à l’heure de la pandémie et au-delà. La Commission internationale pour l’éducation crée il y a un an, a ainsi pour objectif de proposer une vision sur « les futurs de l’éducation au XXIème siècle». Elle a déjà réaliséun premier rapport intitulé« L’éducation dans un monde post-covid », une éducation confrontée à une situation de plus en plus complexe. Il faut investir dans les structures éducatives. La Commission travaille dans une perspective humaniste. La situation crée par la pandémie offre une chance d’améliorer nos systèmes éducatifs en particulier avec des solutions locales, concètes et accessibles. Elle présente une opportunité pour des systèmes innovants.

L’Honorable Tuila’epa Sa’ilele Malielegaoi, Premier ministre, République des Iles Samoa, Insiste lui aussi sur l’importance de la continuité pédagogique malgré les difficultés d’un milieu défavorisé. Comme le feront tous les intervenants, il souligne le rôle des écoles comme lieux de sécurité pour les enfants. Exemple des actions de la Coalition internationale pour l’éducation, les Iles Samoa bénéficient d’une aide spéciale pour l’éducation en partenariat avec Vodafone et l’UNESCO. Vodafone mobilise 7,5 millions de dollars pour offrir un accès gratuit aux données sur l’éducation à 60 000 apprenants et enseignants.

Réflexions sur les défis, solutions envisageables et voies pour l’avenir

Stefania Giannini, Sous Directrice générale à l’Education, UNESCO

La Coalition mondiale pour l’éducation est une structure jeune lancée en mars dernier par l’UNESCO. Elle a été créée l’année même où les Nations Unies célèbrent leur 75ème anniversaire, elle témoigne d’un renouveau heureux du multilatéralisme dont les Nations Unies se sont fait les avocats tout au long de la crise.

La Coalition constitue une plateforme de collaboration et d’échange multisectorielle visant à protéger le droit à l’éducation pendant et après cette crise sans précédent. Elle rassemble plus de 140 membres venant de la famille des Nations Unis, de la société civile, du monde universitaire et du secteur privé afin d’œuvrer pour garantir la continuité pédagogique. Les membres de la Coalition se rassemblent autour de trois grandes questions : la connectivité, les enseignants et l’égalité des genres et la promotion des filles. Ils sont également encouragés à s’engager pour la protection des données personnelles, de la vie privée et de la sécurité des apprenants.

Sa première intervention a été, au début septembre, une réunion d’urgence et un plan pour Beyrouth, une action qui a été rapide et pragmatique pour venir en soutien aux 25 000 étudiants impactés. La Coalition est engagée aujourd’hui dans 70 pays avec deux régions prioritaires : Amérique Latine et Afrique et dans une moindre mesure Asie Pacifique, Outre les soutiens et aides aux pays pour offrir une éducation à distance adaptée à tous les apprenants et soutenir les politiques publiques de redressement, elle conduit des campagnes de playdoyer en particulier pour assurer le retour des filles à l’école : « Keeping the girls into the picture ».

Stefania Giannini termine son intervention par cette conclusion :

« Le retour à la normale ne se produira pas avant longtemps si nous ne travaillons pas tous ensemble avec une vision nouvelle. »

Martin Benavides Abanto, Ministre de l’éducation, Pérou

Le soutien de la Coalition est essentiel pour le Pérou. Actuellement au Pérou, seulement 3 familles sur 10 disposent d’internet haut débit et l’éducation se fait à travers la télévision et la radio. Une campagne nationale a été lancée pour le retour à l’école et à l’université et fournir également une aide psycho-sociale. Une antenne locale de la Coalition vient d’être mise en place. Un travail se fait avec elle sur une stratégie de retour à l’école/l’université en présentiel et avec soutien aux enseignants. Pour ce retour il est nécessaire de convaincre toute la population et que soit reconnue une flexibilité d’approches.

Magdalena Brier Lopez-Guerrero, Directrice Générale, Pro Futuro-Telefonica

Pro Futuro est une entreprise privée et un programme d’éducation numérique qui a vu le jour en 2016, promue par deux grandes institutions espagnoles, « Fundacion Telefonica » et « Fundacion la Caixa », dans le but de réduire l’écart éducatif dans le monde et de faciliter l’accès à une éducation numérique de qualité pour les enfants vivant dans des environnements vulnérables en Amérique Latine, dans les Caraïbes, en Afrique et en Asie. Pour ce faire Pro Futuro compte sur la technologie. Elle se propose d’utiliser ses compétences et son expérience de solutions d’enseignements et d’apprentissages numériques innovants pour améliorer le développement des compétences numériques des enseignants (dont elle souligne le rôle essentiel et leurs difficultés), des élèves et des directeurs d’écoles leur permettant de relever les défis du 21ème siècle. Elle offre gratuitement pour la formation des enseignants 160 cours, soit 2800 heures de cours, en numérique. Une semblable proposition est offerte pour les enfants. Les formations se veulent éminemment pratiques. En ce moment elle démarre un projet de formation de 100 enseignants en Tanzanie. A terme Pro Futuro vise à atteindre 15 000 enseignants au Libéria, au Nigéria et en Tanzanie.

Manadou Talla , Ministre de l’éducation, Sénégal

Le Sénégal est un exemple de réussite de la continuité pédagogique et de la coopération avec la Coalition. Le ministère de l’Education nationale, l’UNESCO et les membres de la Coalition, Microsoft et Huawei, ont uni leurs forces pour aider des dizaines de milliers d’enseignants et d’élèves à poursuivre leur apprentissage. Quelque 82 000 enseignants et 500 000 apprenants se sont inscrits à la plateforme d’enseignement à distance du ministère et 1,5 million d’autres apprenants et enseignants devraient rejoindre la plateforme avec le soutien de Microsoft. L’UNESCO soutient la formation de 200 enseignants pour en faire des « maîtres formateurs », tandis que Huawei a fourni des dispositifs pour améliorer la connectivité des maîtres. Un redémarrage en présentiel a eu lieu pour les classes d’examen de fin d’année, avec le secondaire en priorité. En novembre la reprise est prévue pour 3,5 millions d’élèves.

Anthony Salcito, Vice Président Education, Microsoft Corporation

Responsable de la mise en œuvre de la vision de Microsoft pour l’éducation basée sur la technologie, Anthony Salcito souligne la réussite du Sénégal premier pays utilisant la plateforme Microsoft dans son plan éducatif – 500 000 étudiants dans le monde utilisent aujourd’hui cette plateforme. Le soutien aux enseignants est un des éléments clé de la vision de Microsoft, de même que le développement des compétences nécessaires dans le monde actuel et l’augmentation de l’efficacité (cf.  technologie « cloud »). La connectivité qui était un luxe il y a 15 ans, est aujourd’hui essentielle, face aux nombreux défis la solution passe par l’accès à distance. La pandémie offre une opportunité de transformer notre accès à l’éducation, il faut élargir nos horizons.

Fabrizio Hochschild, Sous-secrétaire général et conseiller spécial ONU75, Nations Unies.

Insiste sur le rôle positif de la Coalition. Aujourd’hui 94% des apprenants ont vu leur éducation perturbée, mais il n’y a pas d’égalité et pas tous de la même façon. La majorité va perdre en qualité et se creuse le fossé numérique. Ce fossé numérique doit être comblé, c’est en particulier le travail de l’UNICEF. Il faut combiner technologies numériques et de communication. Il faut se concentrer sur les plus vulnérables : les enfants et les filles.

« Le processus de l’ONU75 est la seule tentative que nous connaissons pour suivre les priorités des populations pour le redressement du monde après la crise, à savoir un meilleur accès aux services de base, une plus grande solidarité internationale et un soutien accru aux personnes les plus touchées, et pour reconstruire avec une économie beaucoup plus inclusive. »

Enfin, deux enseignantes Latino Americaines témoignent de leur stage à « l’Académie mondiale des compétences » lancée par l’UNESCO en juillet.

L’Académie vise améliorer « l’employabilité » des jeunes, les doter de compétences numériques et les aider à trouver un emploi pendant la récession qui s’annonce. Elle est soutenue par nombre de partenaires de la coalition, et d’organisations intergouvernementales comme l’OIT, l’UIT et l’OCDE. L’Académie fonctionne en synergie avec le réseau mondial des institutions d’enseignement et de formation techniques et professionnels de l’UNESCO, l’UNEVOC.

Conclusion – Stefania Giannini

Stefania Giannini conclut cette session en se félicitant de la diversité des points de vue exprimés et par l’esprit de collaboration apporté par la Coalition. Reprenant la formule : « Il faut un village pour éduquer  un enfant», elle la complète par : « Avec la crise, il faut un monde de villages pour faire face ».


Note finale du lieu du CCIC : La réponse à l’urgence a conduit aujourd’hui à la solution d’un enseignement à distance basé sur les technologies numériques et internet. La fracture numérique montre que même dans l’urgence cette solution reste source de profondes inégalités. A terme il est essentiel que les énergies soient consacrées au retour en présentiel. Il est nécessaire de rappeler que le numérique ne peut pas se substituer à la vision humaniste de l’éducation où professeurs et enfants cheminent ensemble, physiquement en présence et en interaction les uns avec les autres.