Dans le cadre de la 16ème session du Conseil Intergouvernemental (CIG, 36 états) responsable du Programme MOST(Programme sur la Gestion des transformations sociales), qui s’est tenu les 18 et 19 avril 2023 à l’UNESCO, un Forum a été consacré aux inégalités sociales.

L’échange a eu lieu le 18 avril de 14.00 à 18.30, il s’’est déroulé en 3 temps (Panel de haut niveau sur les facteurs d’inégalité et les moyens d’y remédier ; une Table Ronde ; une intervention de la Coalition Bridges sur Science et Développement Durable). Il a réuni des experts des questions sociales et des décideurs politiques autour des membres du Bureau du CIG (Mary Khimalu – Kenya ; Iris Goldner Lang – Croatie,  Dendev Badarth – Mongolie, Reem Alajmi – Qatar, Yuri Triana Velasquez – Cuba).

Les discussions ont été introduites par Gabriela Ramos (ADG du Secteur Sciences Humaines et Sociales), qui a appelé à constater la triste situation de notre monde traversé par de multiples crises qui accentuent les inégalités, à en comprendre les causes, pour conduire des politiques publiques plus inclusives et durables afin de surmonter les graves difficultés sociales que génère cette situation.

Les intervenants ont fait écho à ces propos introductifs en ajoutant que ces perturbations touchent les populations d’autant plus fortement que les crises qu’elles occasionnent sont souvent liées entre elles et qu’elles s’inscrivent dans la durée. A l’évidence, et cet avis a été largement partagé, le monde subit des tensions et des dérèglements grandissants et inquiétants qui pénalisent au premier chef les personnes les plus vulnérables, dans un monde où les liens se distendent et la confiance s’érode face à des systèmes passablement anonymisés.

Tous les domaines passés en revue ont amené à faire ressortir des difficultés dont les effets négatifs touchent singulièrement les classes les plus défavorisées : le domaine économique et financier (déficits et dettes publiques dont les excès sont appelés à être corrigés) ; le domaine politique et social (avec le développement des inégalités, de possibles adhésions aux idées extrêmes ou la mise en cause des institutions libérales); le domaine géopolitique (multiplication des conflits et augmentation  des dépenses militaires); le domaine des techniques et des sciences (développements incontrôlables des  nouvelles technologies – digitales  – biologiques) et  leur possible impact sur nos vies quotidiennes (fake news, biais algorithmiques, menaces sur nos libertés…); le changement climatique enfin, (perte de la biodiversité, migrations liées) et la prise de conscience de la gravité des perspectives.

Dans l’ensemble, la discussion a été assez consensuelle, avec une convergence de vues autour d’un diagnostic peu engageant, et plutôt pessimiste comme cela a été fait observer en conclusion par l’animateur de la discussion qui a néanmoins souhaité corriger quelque peu cette impression en ajoutant une note d’espoir.

Plus précisément on aura noté les éléments suivants :

  • Les politiques publiques sont trop réactives, mesurent peu les impacts et n’anticipent pas suffisamment.
  • Les « économies de marché » (le terme néo-libéralisme a aussi été utilisé avec la même idée critique)  accroissent les inégalités et  allouent les facteurs de production, notamment  le capital, à des activités priorisant le court terme, négligeant les impacts sociaux  et environnementaux; par ailleurs, ce mode d’organisation de la société entretient un culte de la compétition considéré comme une valeur clef pour réussir dans un  monde globalisé mais aussi peu à même de prendre en compte le  sort des classes sociales les plus démunies.
  • L’ensemble de ces facteurs d’ordre systémique ont grandement favorisé la succession des chocs majeurs que l’on connait avec des crises à répétition (pandémie, inflation, guerre en Ukraine, changement climatique, nouvelles technologies), et une ’inquiétude qui se répand et qui mine les relations entre les personnes. Cette inquiétude génère des problèmes complexes et interconnectés (instabilité politique, tensions sociales, montée des nationalismes et du communautarisme…), nécessitant de nouvelles méthodes de résolution des crises et une bien plus grande attention à porter aux questions structurelles pour atténuer les effets de la misère sociale encore très présente partout dans le monde.

Les solutions énoncées prévoient des ruptures dans la manière d’orienter les politiques, les choix d’investissement publics et privés, ainsi que les méthodes de résolution des crises. .
Une approche « claire » de la part des « décideurs » permettra de rétablir la confiance dans les institutions démocratiques et de convaincre les citoyens de traiter les problèmes avec efficacité.
Pour expliquer les enjeux que les générations actuelles et futures devront affronter, une approche holistique des instruments de mesure des sociétés (PIB, revenus, accès à l’éducation et aux aides sociales, environnement, bien-être…) doit être retenue dans la définition des politiques à engager (cf. approche SAGE : solidarité, autonomisation et responsabilisation, avantages matériels, biens et services / santé, durabilité environnementale).
La majorité des échanges souligne  l’importance de la diversité (culturelle, sociale, internationale, interdisciplinaire) dans l’éducation et dans l’écoute des sociétés. L’éducation doit sensibiliser les apprenants au partage des valeurs humaines (générosité, solidarité, compassion) et enseigner le sens de la communauté humaine. L’école doit jouer ici tout son rôle mais elle ne peut régler à elle seule les questions de justice sociale, sources d’inégalités persistantes.
Plusieurs intervenants ont insisté sur la valeur à attacher à la question des personnes et du lien social ; certains ont appelé à faire évoluer les mentalités autour de l’égalité homme/femme (les femmes sont exclues des technologies de l’IA, exposées aux violences et aux conséquences du changement climatique). Ils appellent aussi à revenir à des modèles  traditionnels de société « refondant la solidarité » comme cela se vérifie en Afrique, pour stabiliser les populations des zones rurales et les dissuader d’émigrer dans les grandes agglomérations urbaines saturées.          

On ne peut qu’être satisfait de ces appels aux valeurs d’humanisme et de respect des personnes, pour répondre aux complexités des sociétés et réduire les tensions qui les affectent.
Toujours avec le même objectif de préservation des liens sociaux, il faut également souligner l’importance de ne pas alimenter les incertitudes ni de nourrir des anticipations négatives quant aux perspectives d’avenir.
A cet égard, les acteurs de la communication et notamment les média ont une responsabilité primordiale à assumer et, en ce domaine, par ses initiatives, l’Unesco  est pleinement fondée à jouer un rôle déterminant.