UNESCO le 17 juin 2015
La journée a été consacrée à l’examen d’expériences concrètes menées dans différents pays pour prévenir et combattre la radicalisation des jeunes, une radicalisation résultat d’un engrenage favorisée par l’internet ; l’éducation, la sensibilisation des familles, l’écoute des jeunes et l’échange, mais aussi des campagnes « en ligne » ou les initiatives des pouvoirs publics, des exemples pour contrer les dérives. Les projets de l’UNESCO.
SÉANCE 1 : Les approches de lutte contre la radicalisation Approche et expériences innovantes mises en place et initiatives en ligne.
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Mr Laurent Bonnelli, chercheur à l’université Paris Ouest Nanterre La Défense : pour une approche relationnelle de la radicalisation et de la dé-radicalisation
La réalité de la radicalisation :
Internet est un vecteur de propagande : Il y a un lien étroit entre « propagande et radicalisation » et « propagande et recrutement ».
L’idéologie est une lunette avec laquelle on voit et regarde le monde social. Selon la manière de voir, on se situe et on fait des alliances/associations : croyant – incroyant, riche – pauvre …
L’idéologie structure la vision du monde. Mais, en elle-même, elle ne suffit pas pour un passage à l’acte, ce dont les islamistes se plaignent d’ailleurs : il y a l’écume de la mer et la mer.
Il faut donc s’intéresser moins au « pourquoi ? « idéologie » , qu’au « comment ? » (processus). Il y a un glissement progressif qui débouche sur la violence.
Il est difficile de trouver des profils type. Souvent cela ne se fait pas seul mais en groupe.
Il faut aussi tenir compte du facteur lié à l’exercice des fonctions régaliennes remplies par les pouvoirs publics : sécurité, police, justice …, beaucoup de jeunes entrent dans la clandestinité suite à des délits avérés, sanctionnés souvent par un passage en prison.
On constate une dynamique de l’engrenage, de l’escalade, il faut donc instaurer un processus de désengrenage.
Les actions radicales reflètent des phénomènes différents : des attentats meurtriers perpétrés par des militants professionnalisés qui passent à l’acte ne sont pas la même réalité que les initiatives des jeunes qui partent en Syrie ; 20% des conflits du XXème siècle ont accueilli des combattants étrangers.
Il est important de retenir que « Le message » ne fait pas à lui seul la radicalisation, tout comme les jeunes violents ne génèrent pas seuls la violence.
Le contre discours : le désengrenage
Il faut un cadre pénal pour permettre de sanctionner certains propos : prendre des imams pour dé-radicaliser les jeunes, c’est déplacer le problème et cela ne suffit pas.
Il faut éviter un discours de polarisation, « nous – eux » qui peut radicaliser en accentuant les antagonismes.
Les professionnels de la justice ont un rôle à jouer : ils savent traiter la radicalisation et savent mettre en place des outils pour lutter contre les addictions.
Mieux on connaît le mécanisme, mieux on peut lutter contre, ce sont les personnes qui sont sur le terrain qui sont les plus à même d’agir.
Madame Bridget O’ OUGHLIN du CONSEIL DE L’EUROPE :
Leçons apprises de la campagne du mouvement contre le discours de haine et son apport à la lutte contre l’extrémisme violent
Internet est un espace public. Un discours de haine le mine, il faut donc veiller et lutter contre toutes les formes de discriminations ou d’ostracisme violent.
Il faut aussi avoir confiance en nos jeunes. Seule une minorité pose problème. Le Conseil de l’Europe a mis en ligne une campagne anti haine internationale et nationale, insufflée par les jeunes suite aux évènements de Norvège.
Cette campagne qui devait finir en mars, va maintenant être étendue et améliorée pour toucher de nouvelles populations et développer des contre récits exemplaires : ces narratifs sont plus efficaces que les actions pour « couper les accès » sur internet.
Le conseil de l’Europe estime que l’éducation est à la base de tout et que les parents doivent être informés : Youtube, Facebook…
Mr Ulrich Kropiunigg Autriche , directeur de recherche ,Women without Borders : « Éduquer les familles pour la prévention de l’extrémisme violent »
Les mères jouent un rôle clé, elles forment la première ligne de défense.
Certaines familles peuvent sans le savoir être un lieu propice pour que leurs enfants versent dans l’extrémisme. Quand un jeune en a assez de sa famille, il se réfugie sur internet pour trouver un sens à sa vie. Les exemples sont nombreux : une jeune fille suisse s’est mise à se voiler après avoir été attaquée dans sa cuisine en présence de sa mère, une autre après avoir été violée. Un garçon a trouvé un nouveau mode de vie dans l’islam pour sortir de sa toxicomanie.
Il faut faire attention aux familles, repérer les itinéraires des jeunes.
A Vienne, a été créée une « plateforme européenne mère – école » .Les mères peuvent témoigner d’expériences pour comprendre ce qui se passe chez elles. Des écoles de mères ont vu le jour. Aujourd’hui, il en existe 43. Les mères reçoivent une formation pendant 10 semaines et on s’aperçoit qu’elles se fient en premier aux autres parents, aux éducateurs …et en dernier aux gouvernements .Elles désirent connaître les signaux d’alerte et savoir comment réagir.
Au début, les pères craignaient ces écoles qu’ils percevaient comme un risque d’indépendance de leurs femmes, mais maintenant ils réclament des écoles pour les pères.
Mr Saji Pralis: Sri Lanka Search for Common Ground: le rôle de la jeunesse pour promouvoir la paix et contrer la radicalisation au sein de leurs communautés.
La motivation pour rejoindre un groupe armé a souvent pour but de faire partie de quelque chose de plus grand, statut social, considérations économiques.
La violence est le critère de l’extrémisme. La radicalisation n’est pas suffisante : Gandhi et Jésus étaient considérés comme radicaux.
Internet ne suffit pas à la radicalisation mais c’est un outil efficace pour y conduire.
On se concentre sur les jeunes mais on ne les écoute pas. Il faut leur donner la parole. L’ONU a fait participer les jeunes à leurs débats. Avec eux, 9 grands principes ont été choisis et publiés en avril dernier.
Le projet Solia, actif dans 40 pays au niveau universitaire permet aux jeunes de s’exprimer. En Tunisie il y a 24 conseils de jeunes qui travaillent auprès des élus locaux .Il faut entendre leur voix sinon on les pousse à mal agir.
Il faut aussi des agents de prison mieux formés. Personne ne nait terroriste ou combattant.
Interventions dans la salle :
Pour l’ambassadeur irakien : les gens touchés par la guerre sont laissés à l’abandon.
D’autres intervenants confirment l’importance de traiter le mal à la racine. Les jeunes souffrent de pauvreté, du chômage, de dirigeants corrompus …c’est le seul moyen pour eux de se révolter. Seul le mal est médiatisé. Il est temps de médiatiser ce que les jeunes font de bien.
SÉANCE 2 : PARTICIPATION MULTIDIMENTIONNELLE DES JEUNES EN LIGNE
Madame Françoise Saillant , directrice sortante du Centre de recherches CELAT Université Laval Canada : Caractéristiques et paradoxes de la participation et des comportements des jeunes en ligne
L’utilisation d’internet à titre politique par les jeunes est assez faible, par manque de confiance dans le monde politique. Ils participent dès qu’il s’agit d’un problème qui les concerne, par exemple l’emploi. Il existe une grande disparité entre les jeunes vivant en milieu urbain et les autres. L‘accès au réseau est très inégal (débit, coût) et fait apparaître une fracture numérique. L’influence des réseaux sociaux est importante Facebook est n° 1 dans ce domaine : plus grande liberté, moins de contrôle. On constate que l’humour a beaucoup d’importance autant dans la participation des jeunes que dans leur comportement.
Étude de onze plateformes de la région sud et méditerranée : Ces plateformes traitent de questions académiques, professionnelles et formations. La participation reste limitée. Elles font état de la citoyenneté mais pas de façon interactive. Il y a peu d’échanges, mais des juxtapositions de commentaires.
Dans les forums de discussion plus le contenu porte sur les centres d’intérêts des jeunes plus la participation est importante, intérêt du dialogue entre jeunes et moins jeunes ;
Dans les échanges transnationaux, l’espace n’est jamais neutre sur le plan politique ou religieux. Le régulateur a un rôle important.
Mr Sami Hourani Leaders of Tomorrow : expérience de participation en Jordanie
Les jeunes ont besoin d’un espace de participation. La religion peut jouer un grand rôle pour organiser une communication. Daech s’en sert. Quand un jeune n’a pas la possibilité d’avoir un rêve, il est une cible pour Daech. Nous traversons une crise d’idéologie.
En ligne ou hors ligne cela fait un tout, ce sont les mêmes personnes qui interviennent avec des outils différents ;
– Pour les élections, les personnes ont reçu des papiers blancs pour qu’ils puissent poser leurs questions. Les crayons étaient de différentes couleurs selon les âges pour que le résultat soit plus parlant. Il y a eu une grande participation. Pour eux c’était un honneur qu’on leur demande leur avis. Les commentaires ont été utilisés pour développer une méthodologie.
– Un guichet unique a été créé pour un renforcement de compétences. Le but est de pouvoir accéder directement aux informations sur leurs études, les différentes formations.
– Transférer les débats sociaux et politiques dans la rue, redécouvrir l’espace public : forums sur des places …
Il faut de nouveaux itinéraires pour les jeunes sinon ils perdent espoir.
Madame Khadja Ali chargé de coordination du programme Net Med en Libye: les jeunes mènent le changement en Libye par le biais d’internet Net MED , expériences et risques .
Internet est un outil d’autonomisation. En Libye cela a compté pour la révolution. Les jeunes ont vu qu’ils n’étaient pas seuls. Le blogging est important pour exprimer son opinion sur les problèmes locaux, mais les gens ne savent pas se protéger. Un bloggeur a été assassiné.
Internet peut avoir un impact positif pour élargir les horizons d’une communauté fermée.
Pour éviter l’extrémisme il faut des alternatives et donner aux jeunes la possibilité de s’autodéterminer.
SÉANCE 3 : PLATEFORMES NOVATRICES POUR LES JEUNES
Mr Olav Vogt Engeland Vice président des activités académiques de l’association des étudiants en droit ELSA, Norvège: lutte contre les discours de haine et de discrimination
Création d’une association européenne d’étudiants en droit qui a établi un rapport complet sur le droit des pays européens sur ces problèmes : une qualification de ce que sont les propos de haine, le rôle du modérateur, l’équilibre entre la liberté d’expression et les propos haineux, la jurisprudence de la CEDH.
Ce gros travail a été particulièrement apprécié, les japonais en ont demandé une traduction!
On peut donc faire confiance aux jeunes qui ont beaucoup travaillé sur ce rapport alors qu’ils avaient des examens à préparer.
Mr Iyad Kallas Syrie membre du Conseil et directeur de programmation Radio Souriali: comment utiliser les radios du web dirigées par les jeunes pour promouvoir le dialogue interculturel et lutter contre la radicalisation
Si des jeunes dispersés dans le monde ont le même genre d’idées ils peuvent former un groupe, un dialogue interculturel et se radicaliser.
La guerre en ligne, c’est à la sécurité nationale de s’en occuper.
Madame Baktygul Kubanychbekova , Avocate spécialisée dans les médias et les questions de sécurité sur le web : les initiatives dirigées par les jeunes sur le net contre l’extrémisme violent au Kirghizistan
Dans ce pays, où 80% de la population est musulmane, internet est très répandu mais il n’existe pas de réglementation.
Un parlement des jeunes fonctionne et le gouvernement doit en tenir compte. La constitution prévoit qu’une personne sur 5 doit être représentée par un jeune de 24 à 32 ans .Il y a aussi un vrai ministère de la jeunesse.
Internet est très surveillé et certains sites sont bloqués.
La société civile prend des initiatives : création de « cyber mamans » et de « cyber challenge » qui visent les jeunes de 15 à 30 ans et les chefs religieux.
La recherche d’un imam internet est en cours qui serait chargé d’envoyer un message positif de l’islam. Il ne s’agit pas de combattre l’islam et la religion mais les conséquences de la radicalisation.
Mr Salim Khamat Tunisie , directeur et fondateur de l’ONG AL-Bawsala : l’utilisation des médias sociaux au service de l’éducation à la démocratie est de la responsabilité des parties prenantes nationales
Des jeunes tunisiens ont voulu surveiller les élus à l’assemblée. Ils n’ont pas attendu d’avoir un feu vert pour agir, mais ont eu du mal à pénétrer dans le parlement faute d’habilitation. Au début ils n’étaient pas pris au sérieux et ignorés, mais les médias ayant diffusé leur rapport, les élus n’ont pas apprécié car leurs électeurs étaient alors en mesure de se plaindre notamment de leur absentéisme. Il y a eu alors une phase de tension. Maintenant le respect mutuel prédomine et les jeunes sont même consultés. Internet a été le pivot de leur action. Il y avait toujours une présence à l’assemblée et des rapports diffusés quotidiennement que les médias reprennent.
Cette action incite les jeunes et les femmes à participer à la vie politique.
SÉANCE 4 : PERSPECTIVES D’AVENIR POSSIBILITÉS D’ACTION DANS LE CADRE DU MANDAT DE L’UNESCO
Il faut promouvoir l’alphabétisation, de nouvelles formes de citoyenneté et utiliser les jeunes pour promouvoir la paix. Il faut autonomiser les jeunes, développer dans la population une vision positive des jeunes et réunir les capacités des organisations de jeunes.
Le forum des jeunes de l’UNESCO va être un exemple.
4 axes sont envisagés :
– Rechercher les jeunes qui s’engagent sur internet,
– Autonomiser les jeunes en ligne sur des sujets pertinents : des cours en ligne, des programmes en ligne, une formation sur le patrimoine culturel et la diversité, utiliser les mobiles,
– Renforcer la coopération avec les professionnels des médias : lutter contre la haine dans les médias et se préoccuper de la sécurité des journalistes,
– Lancer des campagnes créatives dans les médias.
Ces axes vont être mis en ligne sur le site de l’UNESCO
L’UNESCO joue un rôle stratégique. L’extrémisme exige un développement d’outils spécifiques. Il faut prévoir un programme éducatif et un renforcement des compétences des enseignants, mais l’école ne peut pas tout faire. Il faut développer la recherche, créer un système de surveillance des médias et impliquer les jeunes notamment dans les écoles de journalistes
Commentaire du CCIC :
L’humanisme semble oublié. Le but de cette campagne devrait viser la réalisation d’événements qui diffusent un espoir. Les réalisations immatérielles sont très insuffisantes et plutôt que de contrer le négatif de ce qui se passe, pourquoi ne pas développer le positif des choses ?