« Celui qui ne sait pas d’où il vient, ne peut savoir où il va »

Prince Otto von Bismarck

La plupart des mots constitutifs d’une langue demande à être historicisée tant leur sémantique évolue avec le Temps. En revanche le terme de Patrimoine, même s’il s’est chargé, peu à peu, de nuances nouvelles, a toujours gardé  son identité première depuis sa naissance en 1160. Du latin »patrimonium » qui vient du mot pater : père qui signifie : Héritage du Père. Ces Biens, hérités de nos ascendants, sont d’une belle et riche diversité : spirituels, intellectuels, esthétiques, matériels. A côté des biens visibles que sont les édifices religieux et civils, les sites archéologiques, industriels, les parcs régionaux (la liste n’est pas exhaustive), les biens invisibles ne sont pas moins essentiels pour l’architecture d’humains équilibrés et épanouis. Ils présentent d’ailleurs une gamme aussi variées: ce sont les lieux de mémoire, les grandes Voix de nos écrivains poètes, philosophes savants, théologiens; les harmonies infinies de nos musiciens, les couleurs irisées de nos peintres, les effluves des parfums des êtres et des choses…

Les Fêtes du Patrimoine sont nées en France en 1985, par une décision commune du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne et concerne une cinquantaine de pays européens. Leurs thèmes sont annuels : en 2018, il portait sur l’art du partage ; en 2019, Arts et Divertissements. En 2020, les trente-septièmes journées européennes du Patrimoine mettent à l’honneur l’Education : le titre exacte est «Patrimoine et Education, apprendre pour la vie ». C’est la raison pour laquelle en France les Fêtes ont débuté vendredi pour permettre aux écoliers, collégiens et lycéens, sous l’égide de leurs maîtres, de déambuler dans les rues de leurs villes, « les yeux levés », vers les merveilles de leur patrimoine de proximité (églises, écoles, parcs, musées, monuments  historiques). On espère par ce choix sensibiliser le jeune public à l’histoire de la nation, la découvrir à travers l’architecture, la sculpture, l’art en général ; par ce biais on aimerait également mettre le doigt sur l’entretien de ce patrimoine artistique et culturel et sa sauvegarde. Ces jeunes de l’Île-de-France ont pu visiter aussi la manufacture des pianos Pleyel, l’école Boulle, une école d’horlogerie et les métiers du patrimoine accessibles grâce aux formations professionnelles. Enfin samedi midi, on leur a montré une visite en live du chantier de restauration de la cathédrale Notre Dame de Paris et ils ont pu découvrir les métiers et les savoir-faire mobilisés par cette restauration. Et c’est là, que s’est joué pour eux le dialogue véritable entre le Visible et l’Invisible ! En évoquant devant eux l’émotion, la sidération que le monde entier avait ressentie devant Notre Dame en feu, devant le spectacle de sa flèche foudroyée, tant parmi les croyants que parmi les incroyants, toutes générations confondues, ils ont pris conscience de ce Patrimoine sacré mystérieux, presque caché qui coulait dans leurs veines et les rendait frères pour un instant, leur ouvrait des liens, des ponts. Nombre d’écrivains ont exprimé depuis la tragédie le symbole de cette dramatique réalité mais personne mieux que notre académicien d’origine chinoise François Cheng :

« C’est ce monument-là et absolument pas un autre qui incarne notre âme commune chargée de spiritualité et d’histoire. Ce monument est fait de pierres vivantes, c’est à dire de chair et de sang parce qu’un cœur n’a jamais cessé d’y battre ».

Ce thème de l’éducation rattaché aux Fêtes du Patrimoine ne peut qu’être sensible aux membres de l’UNESCO dont une des grandes priorités est précisément  l’Education : combattre partout l’illettrisme, améliorer l’alphabétisation, créer des écoles, des collèges, des lycées, des universités  pour que chaque pays puisse avoir ses propres cadres et multiplier ses emplois. Et pour nous, CCIC, Centre Catholique International de Coopération avec l’UNESCO, c’est aussi un clin d’œil particulier puisque ce 26 novembre 2020 nous organisons un forum dont le thème est : « Métamorphose du monde. Jusqu’où l’Homme peut-il changer l’Humain. Quelle boussole pour l’Education? »

Ce Patrimoine, mosaïque de pierres, de bois, de métaux, d’herbes et de fleurs, lacs et glaciers, forêts et animaux… mais aussi porteur des Voix, des Musiques, des Livres et des Couleurs résonne des chants de la Terre et des Hommes : c’est notre trésor et le cœur du monde.

Monique Grandjean, sociétaire de l’Académie Catholique de France